Dans ton avant dernier message, tu écrivais:
C'est là où, sans doute, nous devons prendre un très grand recul par rapport à Marx. Tant qu'il analyse la vie passée et le fonctionnement à crises à fréquences régulières du capitalisme tout va à peu près bien, mais quand il s'agit de plaquer une loi scientifique sur l'ensemble de l'histoire humaine on glisse dans le dérapage eschatologique malheureux. Les communistes voyaient (et voient) dans chaque tremblement de l'histoire le signe de l'arrivée prochaine de la dictature du prolétariat.
L'oeuvre de
Marx est très foisonnante, elle comprends des contradictions, des erreurs et des niveaux d'analyses assez différents. Qu'il faille prendre une certaine distance vis-à-vis de sa pensée est très sage: lui-même ne déclarait-il pas volontiers qu'il n'était pas marxiste?
Sur la question de la dictature du prolétariat et si l'on se replace à l'époque considérée, elle n'est pas du tout farfelue, mais cela demanderait de longs développements historiques qui nous éloigneraient notablement de notre sujet (je pense que le concept a été dissous dans le fordisme...).
Le malheur du marxisme a voulu que ce soient les idées les plus simples et les moins fécondes qui aient servi à fonder l'URSS et son capitalisme d'état...
Plus loin:
Dans le cas de Marx, l'ensemble de l'histoire des sociétés est soumise au carcan de lois économiques. Dans le cas de Roddier, le carcan est fait, apparemment, de lois thermodynamiques. Dans le cas des "collapsologues" et autres "effondrementalistes" le carcan est plus raffiné puisqu'il est tissé de plusieurs sciences. Mais dans tous ces cas, on prédit un avenir noir (sur ce plan on est très proche de la voyance ou de schémas de croyance de type religieux comme le millénarisme) à partir de lois scientifiques.
Ce serait une erreur profonde d'opposer les déterminismes économiques de
Marx et ceux thermodynamiques de
Roddier: simplement l'analyse du second est plus générale, alors que celle du premier est spécifique d'une période absolument originale de l'histoire humaine, l'exponentialisme économique. Il en découle que la grille de lecture proposée par
Marx est nettement plus précise du fait de sa spécificité, mais plus restreinte historiquement et donc moins susceptible de scruter le futur. Je crains que la grille de
Roddier soit moins utile pour la période et surtout la matière considérée, mais je vais m'employer à le vérifier de plus près à la lecture de son dernier bouquin.
Quant aux fameux collapsologues, j'y vois plus un amalgame qui, prétendant s'affranchir des modèles*, commettent des bourdes conceptuelles fâcheuses à l'intérieur d'un discours cohérent et en phase avec les craintes du moment.
* Je ne dis pas qu'il faille se cramponner aux modèles antérieurs, mais s'appuyer sur eux pour, si possible, les améliorer.