La Chine, un an après l’apparition du Covid-19 : les dessous du miracle économique
Pékin affirme aujourd’hui avoir renoué avec la croissance, un an après le début de la pandémie. Vraiment ? Ce succès permet en tout cas à l’empire du Milieu d’envoyer aussi un message très politique au reste du monde.
Le 22 décembre 2020 à 07h34
Dans un monde en pleine crise économique liée à la pandémie de Covid-19, la Chine affiche en cette fin d'année une santé insolente. Un taux de croissance situé entre 2 % et 3 % pour 2020 (avec déjà 8 % à 9 % prévus pour 2021) contre des chiffres négatifs en France et dans la zone euro, un excédent commercial record de plus de 75 milliards de dollars (61 milliards d'euros), des investissements massifs dans la construction de 10 000 km supplémentaires de lignes ferroviaires, etc.
Sur le plan sanitaire, le pays d'où serait partie la pandémie, à Wuhan, dans la province du Hubei, il y a un an, se targue d'avoir vaincu le coronavirus, au prix d'un contrôle extrêmement sévère de la population. Comme un symbole de cette réussite, la sonde spatiale Chang'e 5 vient de ramener sur terre, le 17 décembre, des échantillons de la Lune, faisant de la Chine la troisième puissance, après les Etats-Unis et la Russie, capable d'un tel exploit. Reste que le régime chinois étant tout sauf transparent, des interrogations subsistent sur la réalité de ces succès.
«La croissance est bien là, mais est-elle saine ?»
Sur la croissance, Valérie Niquet, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), nuance le tableau. « Les statistiques économiques chinoises sont de nature très politiques, dit-elle. C'est au sommet du parti et de l'Etat que se décide la croissance à obtenir : on peut ordonner de doubler ou tripler les mêmes lignes de chemin de fer, de construire des éoliennes qui tourneront à vide ou des usines textiles sans débouchés à l'export comme actuellement, l'essentiel est d'arriver au chiffre de production requis, à la manière de l'URSS jadis. La croissance est bien là, mais est-elle saine ? »
Tout ne repose cependant pas sur du vent. L'épidémie s'étant arrêtée plus tôt, les ouvriers chinois ont vite regagné les usines, favorisant les exportations dans deux domaines… liés au Covid-19 : le matériel médical et le télétravail.
« Nous avons exporté à travers le monde 151,5 milliards de masques, 1,4 milliard de combinaisons protectrices, 470 millions de tests, et quand nos vaccins seront opérationnels nous assurerons leur accessibilité pour tous », se félicitait dès fin septembre, à l'occasion d'une conférence de presse pour le congrès annuel du Parti communiste chinois, l'ambassadeur de Chine à Paris Lu Shaye, l'un de ces « loups combattants » – comme les appelle Pékin – chargés de mener une diplomatie agressive en Occident.
Outre les masques ou les respirateurs, les ventes d'ordinateurs, consoles de jeu et autres objets numériques indispensables en période de confinement se sont aussi envolées.
«D'énormes disparités»
« Le but premier du régime de Xi Jinping étant sa survie, cet affichage vise à convaincre la population que le système socialiste a permis de s'en sortir mieux que tous les autres, reprend Valérie Niquet. Quitte à masquer la réalité, celle des énormes disparités, avec 600 millions de Chinois vivant avec moins de 100 dollars par mois, des flux de migrants internes venus des campagnes, sans permis. Ils sont chassés des villes où il n'y a plus de travail, sans être indemnisés ni comptabilisés dans les chiffres du chômage ».
Dans le même temps, dans cet immense pays-continent « mis sous cloche » pour éviter d'importer des cas de Covid-19, les classes moyennes et riches ne font plus leurs emplettes à l'étranger et consomment sur place. Aujourd'hui, les concessions automobiles prestigieuses et les boutiques de luxe de Shanghai, Hangzhou et autres métropoles ne désemplissent pas. Chimère ou pas, le président Xi Jinping veut asseoir le prochain plan quinquennal sur l'essor de la consommation intérieure.
Un message au monde extérieur
C'est aussi au monde extérieur que le pouvoir adresse son signal de réussite. Au moment où son image est plus dégradée que jamais, à cause notamment de la terrible répression des Ouïghours et de l'étouffement de la démocratie à Hongkong, la Chine veut prouver qu'elle est la plus forte. En particulier vis-à-vis du grand rival américain, qu'elle regarde s'enfoncer dans la dramatique crise du coronavirus
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