Ahmed a écrit :...
Comment explique tu, alors qu'une minorité d'humains se soient décidés à améliorer leur conditions de vie, que la majorité choisissait de croupir dans l'insalubrité, l'inconfort et les maux divers; surtout, après la réussite des premiers, comment justifier la passivité des seconds, alors que tout indique que notre "modèle" suscite l'envie (Cf. émigration)?
Je suppose que tu parles de l'Occident et des pays dits "développés" en général, et que tu l'opposes au reste du monde. Je réponds dans ce contexte. Si ta "minorité" et ta "majorité" étaient autre chose, à toi de le préciser en quittant les sous-entendus.
L'Histoire a montré que tous les peuples, toutes les civilisations, ne se développent pas à la même vitesse. Les causes en sont très diverses selon moi. Le climat et la géographie ont certainement joué un rôle primordial. Il est clair que si l'on habitait une petite île du pacifique, où il suffisait de décrocher une mangue ou de pêcher le poisson dans le lagon quand on avait faim, où il n'y avait pas d'hiver à passer, et où la confrontation aux étrangers était absente parce qu'on était à l'écart des voies de communication, on n'allait pas développer de stratégie compliquée pour la survie, on n'allait pas anticiper en faisant des provisions de nourriture pour l'hiver, on n'allait pas se préoccuper du chauffage l'hiver ou de la défense de son village contre des envahisseurs potentiels. Bien moins sollicité intellectuellement et matériellement qu'on l'a été en Europe, on n'allait donc pas mettre en place la société industrieuse, commerciale, mais aussi culturelle, que nous avons.
A cette nécessité matérielle s'ajoute la religion, laquelle en Occident a été la chrétienté. Or toutes les religions se valent-elles ? La chrétienté a apporté les idées d'égalité devant dieu, de charité, de fraternité lesquelles dans le civil ont donné l'égalité en droit, la solidarité, et la fraternité est resté telle quelle devise de la république française (et c'est un athée qui le dit). Même si ces grandes idées étaient loin d'être systématiquement mises en application, elles et la nécessité matérielle dont j'ai parlé, ont fondées les valeurs qui font l'Europe et aujourd'hui, l'Occident en général.
Qu'ensuite la civilisation occidentale explore le reste du monde parce qu'elle en avait les moyens et y voyait son intérêt (par exemple dès Marco Polo, faire des échanges commerciaux avec la Chine), s'inscrit dans la logique.
Evidemment, l'avance prise par l'Europe s'est tôt ou tard trouvée confrontée aux autres civilisations. Fallait-il échanger avec elles ? Fallait-il les laisser à l'écart en faisant l'hypothèse qu'elles nous rattraperaient ? Le choix a clairement été d'interagir avec elles, au début commercialement, puis militairement, avec la colonisation (conquête des Amériques par ex.). Si les premières colonisations ont été très brutales, celles plus récentes (fin 19ème, début 20ème) s'inscrivait dans une perspective de convergence (Inde, Afrique) raison pour laquelle l'éducation en faisait partie. Si l'on avait seulement eu besoin de matières premières et de main d'oeuvre, la France n'aurait pas eu besoin des 16 000 écoles primaires et 350 établissements secondaires qu'elle avait montés en Afrique et dont elle disposait en 1960, ni des 2 000 dispensaires, 600 maternités et 40 hôpitaux.
"Comment justifier la passivité des seconds" ? La question montre que tu juges sur des critères occidentaux. Et "passivité" par rapport à quoi ? Par rapport au non-rejet des occidentaux ? Par rapport à la non-appropriation des valeurs occidentales ? Par rapport au non-développement des pays ? Par rapport à l'absence de construction de quoique ce soit de valable qui serait alternatif au système occidental ?
La "passivité" apparente est comme le reste, résultat des siècles qui ont précédé. La philosophie (culture, croyances) des autres peuples n'est pas forcément la nôtre. Chez certains le fatalisme règne ainsi qu'une certaine insouciance ou une résignation. Chez d'autres la soumission ou la violence sont la règle, pas les droits de l'homme, on le voit plus que jamais aujourd'hui avec Daech qui n'hésite pas à tuer des ados de son propre peuple, parce qu'ils avaient regardé du foot à la télé !
L'Occident a été utopique de croire qu'on pouvait converger rapidement, et que les mentalités ne pouvait que s'aligner sur des valeurs qu'il prétend universelles. D'un autre côté, laisser les autres peuples à l'écart, transformant de fait leurs pays en réserves, me semblerait une attitude bien pire. Quant à l'idée qu'on pourrait se côtoyer et "échanger" sans que la civilisation "dominante" (par le fait que c'est elle qui a les moyens d'aller voir l'autre) influence culturellement l'autre, et sans que l'autre ne souhaite en adopter des us et coutumes, c'est complètement utopique. Le problème de l'apparente "passivité" n'est pas lié à l'absence de séduction qu'aurait l'Occident sur le reste du monde, la direction des flux migratoires montrent bien que les gens savent où est leur intérêt, pas plus à l'absence de moyens que la volonté permettrait certainement de créer ou d'obtenir contrairement à ce que tu sembles croire, mais de l'absence d'adoption, voire rejet, des valeurs de l'Occident pour raison qu'elles sont "étrangères" (déconnectées de sa propre culture).
On ne construit pas des écoles dans un pays parce qu'on veut des ingénieurs ou des gens qui sachent écrire. On construit des écoles parce qu'on pense que l'éducation collective des enfants est le meilleur moyen d'aboutir à une société plus développée, harmonieuse et égalitaire. On ne met pas en place des pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire séparés par convenance administrative. On les met en place parce qu'on pense que la confusion des genres mène à l'arbitraire voire au despotisme et qu'on n'en veut pas. On ne construit pas des hôpitaux dans un pays parce qu'on veut guérir des maladies. On construit des hôpitaux parce qu'on pense que la vie et sa qualité sont le sine qua non d'une condition humaine décente.
Ces valeurs parmi d'autres, adoptées par l'Occident, ont été les motivations et causes de son développement. Les mêmes causes donnant les mêmes effets, il n'est pas étonnant non plus que leur absence chez bien des peuples s'accompagne aussi d'une absence des effets. Il ne s'agit pas de "passivité" mais de culture et de valeurs rattachées à la culture, lesquelles ne sont pas équivalentes entre peuples ni pour produire des effets ni dans le désir d'en créer.