Ahmed a écrit :C'est un avantage incontestable des scientistes que de suivre la voie qu'ils préconisent pour tous, soit par hypocrisie, soit par inconscience et les "générations futures" leur sont d'autant plus précieuses (mais ils ne sont pas les seuls sur ce créneau!) qu'elles ne peuvent exprimer leur opinion.
Au moins ils ont pour eux la cohérence interne de leur philosophie, et l'accord de leurs actes avec leurs idées, ce qui n'est pas le cas de tous les autres qui profitent du système tout en le dénigrant et en jetant l'anathème sur ceux qui le construisent.
C'est aussi pourquoi ils se montrent généralement moins préoccupés du sort de leurs contemporains, de ceux qui se trouvent du côté obscur et qui pâtissent de leurs "succès"...
Là Ahmed, j'affirme que non seulement c'est faux, mais que c'est le contraire qu'on constate. Ou alors c'est que tu parles des profiteurs et pas des acteurs allégués "scientistes".
Les personnes, confrontés personnellement à des problèmes de leur entourage, ou simplement désireuses d'en améliorer l'existence, se mobilisent pour trouver des solutions et sont les acteurs primordiaux des avancées technologiques. La semaine dernière à la radio, une chercheuse sur les moustiques, sur le point de finaliser une nouvelle solution contre le palud, expliquait être venue à cette étonnante spécialisation à cause des ravages qu'elle avait vus sur les populations en océanie, où plus jeune elle habitait. Démarche similaire à des degrés divers, pour l'élaboration de tous ces outils qui nous rendent la vie plus facile, de la conserve à la fermeture éclair ou au frigo, avant leur récupération par l'industrie. Mais même pour un but mercantile, l'industrie n'en reste pas moins le vecteur de diffusion en masse de ces produits, qui sinon resteraient réservés à une élite, comme le téléphone jusqu'aux années 50.
Inversement les "non-scientistes", que font-ils pour les autres ?
Beaucoup, rien, qui se contentent de "s'indigner" et de dire la morale mais ne mettent jamais la main à la pâte. D'autres font beaucoup, par exemple travailler bénévolement dans une asso humanitaire, mais sont-ils aussi efficaces que les "scientistes" et pourraient-ils fonctionner sans eux ? On voit par exemple des assos récupérer dans les supermarchés des denrées arrivées à date limite, pour les fournir aux familles démunis ou aux restos du coeur. Très bien. Mais que feraient-elles sans toute la logistique de production et de transports des denrées rendus possible grâce à un marché de masse, par l'industrie agro-alimentaire et ses distributeurs, par celle des engins agricoles, du transport routier... ?
Exnihiloest, jusqu'à présent, sur ce point particulier et important, tu n'expliques que par l'orientation culturelle la partition que tu considères assez "étanche" entre les deux monde (il n'y en a plus trois, désormais), ceci n'étant pas vérifié par l'attraction (mélangée de répulsion, il est vrai, mais par dépit!) qu'y inspire l'occident. Par ailleurs, le goût pour une vie pénible pourrait mieux s'expliquer si aucune alternative spectaculaire (au sens originel) n'existait: il est bien difficile d'innover, mais copier ne devrait pas être difficile si ces deux types de sociétés fonctionnaient, comme tu en fait l'hypothèse, de façon relativement autonomes. Il y a donc une réelle difficulté à expliquer la persistance de ce masochisme.
"La persistance de ce masochisme" à l'extérieur de l'Occident, pourquoi ? J'utiliserai le rasoir d'Ockham : tout simplement parce qu'il n'est pas vu comme "masochisme" par ceux chez qui toi, tu peux le voir. Combien de générations avant que les mentalités chez elles changent suffisamment pour prendre conscience que leur condition misérable n'est pas une fatalité ? que faire comme on faisait dans son enfance n'est pas un modèle ? qu'elles peuvent améliorer leur sort si elles se prennent en charge et si elles refusent leur exploitation par leurs potentats (qui souvent confondent les fonds publics et leur compte en banque, dans ces pays rarement démocratiques) ? que tout le monde est perdant dans le profit à court terme au détriment de la confiance, comme voler les batteries des relais téléphoniques en brousse ? que la prise de recul par rapport à sa religion est une condition sine qua non ? qu'avoir des racines ne fait pas de nous des légumes et qu'il n'y a pas à être complexé de "copier" ce qu'il y a de bien dans une autre civilisation ?... Amha oui, les inhibitions de la prise de conscience sont culturelles.
Les immigrés qui viennent en Occident représente en partie (car il y a aussi des profiteurs) le haut de l'iceberg, ceux qui commencent à acquérir cette conscience, sauf qu'ils estiment qu'ils ne pourront rien faire chez eux à cause de la mentalité générale en arrière par rapport à la leur. Evidemment c'est humainement compréhensible, mais c'est quand même un problème pour l'Occident de voir que ceux prêts à en adopter le modèle, préfèrent venir vivre là où il est déjà en place, que de le monter dans leur propre pays.
Par ailleurs, l'existence de sociétés duale, sociologiquement parlant, s'observe à une échelle plus petite à l'intérieur de chaque pays occidental et dans le même contexte culturel... donc, là aussi il faudrait trouver d'autres explications à ce goût tenace pour la précarité et l'exclusion...
Je n'ai pas tes codes de l'économie. Par "sociétés duales" parles-tu de l'écart entre les populations à hauts revenus et celles à faibles revenus non par volonté mais par échec à réussir mieux, ou celles à faible revenu par choix de vie ("heureux dans mon village, sur mon lopin de terre, ça me suffit").
Je suppose le premier cas. Il est clair que ce n'est pas la mentalité qui bloque et que c'est le résultat des contraintes sociales, économiques, financières, parfois culturelles aussi, issu de l'état pitoyable de l'Occident aujourd'hui, ce qui n'était pas le cas dans les années 1960. Ton parallèle est intéressant, mais je ne pense pas que les écartés de la vie confortable le soient en Occident pour les mêmes raisons que dans les pays dits "sous-développés", pays qui n'ont jamais eu des mobiles culturels populaires et massivement partagés dans l'inconscient collectif, pour le développement.