La Cour des Comptes passe au crible la CSPE:
La Cour des comptes a évalué la CSPE et confirme qu'elle est déficitaire depuis 2009. Si l'évolution passée des composantes de la CSPE pointe la péréquation tarifaire plutôt que les ENR, la situation devrait s'inverser cette année.
Le dernier rapport de la Cour des comptes évalue la contribution aux charges de service public de l'électricité (CSPE) créée pour compenser les surcoûts liés au soutien aux énergies renouvelables, à la péréquation tarifaire et aux tarifs sociaux de l'électricité.
La Cour constate que la hausse des charges depuis 2009 dépasse le montant collecté, faute de réévaluation du montant de la CSPE depuis 2004. Cette dérive "structurelle" entraîne un déficit estimé à 1,6 milliard d'euros en 2009 et qui pourrait atteindre 2,6 milliards d'euros fin 2010.
Le ministère n'a pas relevé la CSPE
Le déficit apparu depuis 2009 aurait pu être évité selon les experts de la Cour des comptes. En effet, face à la hausse des charges, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) avait évalué son montant à 5,72 euros par MWh en 2009 et à 6,51 euros en 2010. Or, "le ministre chargé de l'énergie n'a pris aucun arrêté pour en modifier le niveau" et la CSPE est donc restée stable de 2004 à 2010, à 4,5 euros par MWh.
Une situation déficitaire qui risque de perdurer puisque la Cour estime qu'en 2011 la CSPE devrait s'établir à 12,90 euros par MWh afin de couvrir les charges prévisionnelles de 2011 (soit 9,3 euros par MWh) et combler le déficit antérieur (soit 3,6 euros par MWh).
"Compte tenu des volumes financiers en jeu, cette compensation des charges constitue un enjeu non négligeable dans l'équilibre financier et la stratégie de développement du groupe EDF", note la Cour des comptes.
La part relative des ENR décroît
S'agissant de la part relative des trois composantes de la CSPE, la Cour constate que les achats d'électricité produite à partir de sources renouvelables "occupent une place prépondérante." Néanmoins, "leur part relative a […] régressé entre 2004 et 2008, passant de 77 % à 60 %, et même 50 % en 2009." Une baisse "liée aux variations des prix de marché de l'électricité qui entrent dans le calcul des surcoûts, et non aux volumes d'achats d'énergie dont la tendance est croissante."
Quant à la péréquation tarifaire, elle "génère un montant moindre, initialement de l'ordre du tiers de la CSPE totale, mais en forte croissance." En effet, sa part est passée de 23 % en 2004, à près de 36 % en 2008 et à plus de 45 % en 2009.
Enfin, "les tarifs sociaux, bien qu'affichant une croissance forte, n'occupent encore qu'une place marginale dans la CSPE (3,2 % en 2008)."
La part de la cogénération domine celle des ENR
Les charges liées à l'achat de l'électricité produite à partir des énergies renouvelables et la cogénération ont été particulièrement étudiées par les magistrats qui évoquent à leur sujet une "progression incontrôlée."
Premier constat, c'est avant tout la cogénération qui a pesé sur ce segment de CSPE. Elle "[constitue], de très loin, le poste prépondérant de la CSPE au titre de l'obligation d'achat", explique la Cour précisant que ce poste évolue "dans une fourchette comprise entre 676 millions d'euros et 828 millions d'euros, selon les années, soit entre 83 % et 94 % des charges de service public liées à l'obligation d'achat."
Cependant, se basant sur les scénarios de la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), la Cour estime que "les énergies renouvelables dépassent, dès 2010, la cogénération comme facteur générateur de CSPE au titre de l'électricité achetée, au cours des prochaines années."
2010 marque un point d'inflexion
Les magistrats de la Cour expliquent ce renversement par une baisse de la part liée à la cogénération, d'une part, et par la croissance de l'éolien et du photovoltaïque, d'autre part.
Côté cogénération, la filière "se développe désormais à un rythme moins soutenu, et le soutien apporté aux installations anciennes va progressivement se réduire en volume, au fur et à mesure de l'expiration, entre 2010 et 2014, de la majorité des contrats d'achats signés." Ainsi, un pic a été atteint en 2009, avec 1 milliard d'euros, mais la décrue pourrait faire chuter le soutien à la cogénération à 200 millions d'ici quatre ans.
Quant aux "volumes d'électricité renouvelable achetée [,ils] ont triplé au cours de la période, et pourraient quadrupler en 2010." Le photovoltaïque est particulièrement visé, puisque "rapportée au volume total de l'électricité achetée, cette filière ne passerait en effet, en France métropolitaine continentale, que de 0,07 % en 2008 à 0,8 % en 2010 et 4,8% en 2011, mais son poids relatif dans la CSPE augmenterait dans le même temps de 0,4 % en 2008 à 5,7 % en 2010 et 26,4 % en 2011."
De plus, la Cour estime que "les prévisions d'évolution des charges par filière sont inquiétantes" car les charges liées aux énergies renouvelables pourraient atteindre 5milliards d'euros à l'horizon 2020. Elles seraient de 2,4 à 2,6milliards pour le photovoltaïque, de 1,5 à 1,8 milliard pour la biomasse et de 0,5 à 0,7 milliards pour l'éolien offshore. Cependant, la Cour concède que "ces ordres de grandeur sont toutefois indicatifs et dépendent très étroitement des hypothèses prises – notamment sur le développement du photovoltaïque et, dans une moindre mesure, sur les prix de marché." La concertation photovoltaïque apportera une première réponse.
Exonérations croissantes et augmentation des charges
Par ailleurs, la Cour constate que les différents plafonnements, exonérations et limitations d'assiette ont été étendus au fil du temps. De l'exonération partielle de l'autoconsommation des producteurs électriques, au plafonnement à 500.000 euros par site de consommation, ces avantages représentent un manque à gagner "substantiel, compris entre 260 M€ et 486 M€ par an selon les années."
"Les exonérations et plafonnements, qui ont été décidés [afin de] préserver la compétitivité des industries électro-intensives, peuvent ainsi s'analyser comme un transfert de charges depuis les entreprises, qui en sont les principales bénéficiaires, vers les autres contributeurs (PME, professionnels et particuliers)", notent les magistrats de la Cour des comptes, ajoutant que pour 2010 "l'assiette de la CSPE ne devrait représenter que 80 % de la consommation électrique nationale totale, correspondant à un manque à encaisser d'environ 416 M€."
Ces exonérations sont d'autant plus regrettables que des charges supplémentaires ont été financées par la CSPE. C'est le cas notamment du financement du budget du médiateur de l'énergie et du nouveau tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TaRTAM).
La Cour fait quatre recommandations
Finalement, la Cour formule quatre propositions afin de rétablir la situation. En premier lieu, elle propose de "maîtriser les facteurs de croissance des charges du service public de l'électricité, au premier rang desquelles figure le système de l'obligation d'achat, à des tarifs trop attractifs, fonctionnant « à guichet ouvert »" Dans le même ordre d'idée, la Cour souhaite que les pouvoirs publics "[s'interrogent] sur l'opportunité de continuer à soutenir des filières qui ne figurent pas parmi les priorités gouvernementales en matière de politique énergétique." La cogénération est ici particulièrement visée.
La Cour propose aussi des réformes structurelles. Elle envisage tout d'abord de "remettre à plat le dispositif d'ensemble afin d'en rendre le fonctionnement plus lisible et d'en clarifier le statut fiscal." Enfin, elle invite les pouvoirs publics à "réexaminer le financement du soutien au développement des énergies renouvelables, par le consommateur d'énergie."
Philippe Collet
Source:
http://www.actu-environnement.com/ae/ne ... 4#xtor=ES-