Pétrole accéléré synthétique de bois (Article S&V, 1980)

Huile végétale brute, diester, bio-éthanol ou autres biocarburants ou combustibles d'origine végétale...
Christophe
Modérateur
Modérateur
Messages : 80000
Inscription : 10/02/03, 14:06
Localisation : Planète Serre
x 11377

Pétrole accéléré synthétique de bois (Article S&V, 1980)




par Christophe » 20/07/11, 13:47

Qui a dit que le pétrole s'est formé sur des millions d'années ?
L'enfouissement subit d'une forêt sous un pan de montagne peut donner les mêmes résultats. L'expérience a montré qu'en accélérant décomposition, chaleur et pression, on peut produire du pétrole en une heure ! Je me souviens avoir lu un article à ce sujet il y a quelques années, mentionnant de telles expériences : de la bouse de vache chauffée et comprimée sous quelques centaines de bars aurait donné du pétrole jugé « de bonne qualité », mais bien trop cher à produire à cette époque (vers 1950?)... Qui possèderait une presse suffisante pour tester ?

Personnellement, j'aimerais immerger au large des côtes un container déformable plein de bouse de vache, pour voir...
- L'apport de chaleur serait fourni par la pression elle-même (4000 m de fond donnent 400 bar). Reste à travailler l'isolation du récipient.
- Pompage et retour au port du pétrolier une heure plus tard.

... Et c'et ainsi que le pétrole devient une « énergie renouvelable »,
le CO2 provenant de végétaux actuels consommés par nos ruminants.

Amusant, non ?


(extrait d'un mail de 2006)

Article de Science et Vie, juin 1980 (version .pdf plus bas)

Le pétrole accéléré

Après plus d'un demi-siècle d'efforts, la fabrication accélérée de pétrole a partir de déchets de bois vient s'ajouter aux techniques des énergies de remplacement. Qui plus est, le pétrole de bois
sera économiquement compétitif avec l'autre. En mai dernier, un baril de pétrole entièrement fabriqué à partir de copeaux de bois est sorti d'une usine pilote d'Albany, dans l'Oregon. Il avait été réalisé en une heure, grâce au procédé mis au point par le Lawrence Berkeley Laboratory, près de San Francisco.
L'idée est tellement simple qu'on se demande pourquoi on n'y avait pas pensé avant ; en fait, on y avait pensé. En 1920, l'Allemand Franz Fischer avait tenté d'obtenir du pétrole à partir de sciure fine de bois, mélangée avec de l'huile anthracène, le tout sous pression. Malheureusement, le procédé n'atteignit jamais le stade de l'usine pilote, et il était extrêmement coûteux ; il fallait sécher les copeaux de bois à haute température, puis les pulvériser mécaniquement ; de plus, l'huile employée était chère.
Pourtant en 1972, le Bureau des Mines américain reprit l'idée de Fischer. En la modifiant légèrement, il obtint en laboratoire des résultats intéressants ; il mit donc en chantier la petite usine pilote d'Albany, installée près d'une forêt de sapins qui devait fournir
la matière première. Alors que l'usine était encore en construction, le projet fut transmis à l'ERDA, le prédécesseur du département à l'Energie (DOE) américain.

En 1976, Bechtel Corporation signa un contrat avec le DOE afin de mener à bien cette étude. Sans succès. Un an plus tard, le DOE demanda au Lawrence Berkeley Laboratory de prendre le
relais. Et Sabri Ergun, chercheur à ce Laboratoire, décida d'abandonner la méthode mise au point par le Bureau des Mines. Pourquoi ?

Parce que, tout comme le procédé allemand, elle était coûteuse ; de plus la poudre de bois mélangée à l'huile avait une fâcheuse tendance à se dilater, et les pompes qui devaient injecter la
sciure dans le réacteur tombaient à tout moment en panne, bouchées par des grumeaux de pâte de bois ; bref, le procédé s'avéra impossible à transférer du laboratoire à l'usine test.
Le groupe de Berkeley eut alors l'idée d'utiliser tout simplement de l'eau pour remplacer l'huile.

« En fait, nous a expliqué James Wrathall, l'un des membres de l'équipe, nous faisons macérer des copeaux de bois - et non plus de la poudre - dans un mélange d'eau et d'acide sulfurique ;
nous ajoutons suffisamment d'acide pour porter le pH à 2 et suffisamment d'eau pour que celle-ci représente 75 % du poids du mélange. Puis nous chauffons à 180°C durant 45 minutes environ ;
les copeaux se désintègrent alors en particules plus ou moins fines et extrêmement friables. Il suffit alors de passer rapidement le mélange dans un affineur pour obtenir une boue homogène
qui possède la précieuse qualité de ne pas obturer les pompes à travers lesquelles elle s'écoule ».

La mixture est ensuite dirigée vers le réacteur, où va s'opérer la conversion du bois en pétrole. Petit à petit, la pression est portée à 200 atmosphères en forçant vers l'intérieur de la cuve un
mélange de gaz réducteurs composé d'oxyde de carbone et d'hydrogène. Parallèlement, on accroît la température jusqu'à 360 °C. La réaction s'effectue alors très rapidement, en une dizaine
de minutes. « Nous avons, poursuit Wrathall, essayé d'utiliser des catalyseurs ; nous en avons testé 40 exactement. » Certains comme le carbonate de sodium sont très bon marché et
relativement efficaces, d'autres, comme un composé iodé, sont même très efficaces, mais aussi très coûteux ; d'autres enfin, comme le chlorure ferrique, permettent d'obtenir à la sortie un
hydrocarbure pratiquement pur et sont relativement peu coûteux, mais ils posent des problèmes de corrosion. L'équipe de Berkeley avoue ne pas encore avoir trouvé le catalyseur idéal et se demande même s'il est bien nécessaire, d'ajouter un tel produit chimique à la réaction. Le procédé bois – eau - acide sulfurique a été testé en laboratoire avant d'être transféré à l'usine d'Albany.

« Avec 100 g de bois, explique Sabri Ergun, nous avons obtenu 80 g de liquide dont 9,2 g étaient du pétrole ». A Albany, les résultats furent moins bons, car l'usine n'était pas conçue à l'origine pour fonctionner selon la méthode développée à Berkeley. Avec 45,36 kg de bois, traités avec 152 kg d'eau et 80 g d'acide sulfurique, on obtint 2,56 kg de pétrole. En tout les tests de Berkeley traitèrent 408,24 kg de bois et produisirent 22,68 kg de pétrole. La phase « pétrole » était formée de 0,6 % de solides, de 7,1 % d'eau et de 92,3 % de pétrole proprement dit. Ce dernier contenait 81,2 % de carbone, 7,9 % d'hydrogène, 0,1 d'azote et 10,8 % d'oxygène. Sa valeur calorifique était de 8 740 calories par kg, et sa densité de 1,09.

Mieux encore, le bilan énergétique de l'opération est tout à fait positif : il se situe entre 60 et 70%. En d'autres termes, cela signifie qu'il faut effectuer une dépense énergétique équivalente à 1/3 de baril de pétrole pour produire 1 baril de pétrole de bois.
En 1979, le Stanford Research Institute, lors d'une étude comparative sur les coûts de l'énergie produite par les différentes filières utilisant la biomasse, a estimé qu'une petite usine traitant
1000 t de bois par jour par la méthode de Berkeley, produirait du pétrole à $48 le baril ce qui est élevé comparé au prix actuel ; mais Sabri Ergun, précise que les données qu'il avait fournies au
Stanford Research Institute sont déjà à réviser. Aujourd'hui, les performances ont été améliorées et les coûts ont baissé ; le pétrole de bois pourrait probablement être produit commercialement à environ $29 le baril, ce qui le rend pratiquement compétitif avec le prix du baril de pétrole vendu
par l'OPEP. La matière première est presque gratuite puisqu'elle utilise les copeaux, déchets de l'industrie du bois ; or, 26 % de chaque arbre abattu sont ainsi perdus sous forme de copeaux.
L'équipe de Berkeley espère bien encore améliorer le rapport des poids bois-pétrole et la qualité du produit fabriqué ; en effet, l'usine d'Albany a été conçue pour le procédé mis au point par le
Bureau des Mines et il faudra la modifier pour qu'elle soit tout à fait adaptée à la liquéfaction du bois pré-traité à l'eau et à l'acide sulfurique.

A l'heure actuelle, on attend à Berkeley de recevoir de nouveaux barils en provenance d'Albany pour effectuer toutes une série de tests sur le pétrole produit. Actuellement, sa qualité semble
mieux adaptée à la pétro-chimie, alors que le département à l'Energie américain, qui finance tout le projet, préférerait un pétrole plus apte à remplacer le gas-oil ou l'essence. « Nous savons »,
explique Wrathall, « que notre pétrole brûle bien, nous savons qu'il peut être distillé, que l'on peut obtenir de l'essence après traitement, mais nous pensons qu'il serait mieux utilisé si on l'employait dans l'industrie des plastiques ; dans ce cas là, nous n'aurions pratiquement pas à modifier le produit de base que nous obtenons. De toutes façons le résultat est le même, dans les
deux cas nous permettons une économie de pétrole importé ».
Si les crédits ne manquent pas, les choses pourront aller très vite : dès la fin de cette année, l'usine-pilote d'Albany pourra être complètement modifiée pour être mieux adaptée au procédé ;
dès le début de l'année prochaine, de nouveaux tests seront effectués et d'ici là avril 1981, en possession de tous les résultats, l'équipe de Sabri Ergun pense être capable de concevoir les plans
d'une usine de taille commerciale cette fois, et qui transformera 2000 t de copeaux de bois par jour en pétrole.

Françoise HARROIS-MONIN


Version .pdf : https://www.econologie.info/share/partag ... 3OWVf5.pdf

En savoir plus sur les avancées récentes de conversion de biomasse en pétrole: https://www.econologie.com/liquefaction- ... -2989.html
https://www.econologie.com/forums/les-biocar ... t4504.html

ps: ce n'est pas sans rappeler le fameux "pétrole laigret" : https://www.econologie.com/c-est-quoi-le ... -3940.html
https://www.econologie.com/forums/du-petrole ... t5802.html
0 x
dedeleco
Econologue expert
Econologue expert
Messages : 9211
Inscription : 16/01/10, 01:19
x 11




par dedeleco » 20/07/11, 15:19

Très intéressant.

Cependant vu que du pétrole et carburant fossiles sous terre, il y en a énormément, de quoi multiplier par 10 le CO2 atmosphérique, (le cas il y a 56 millions d'années, spontanément ! ) et même de quoi bruler tout l'oxygène que nous respirons ( !!! ), il n'est pas indispensable de faire du pétrole avec la biomasse, mais de la stocker efficacement sur des millions d'années sous terre, pour compenser exactement le CO2 dégagé par la combustion des carburants fossiles !!
Donc il suffit de stocker cette biomasse (copeaux ou bois liquifié, algues, en excès en Bretagne ) dans les puits de pétrole épuisés, par exemple, en quantité de carbone fixé égale à celle de carbone passé en CO2 avec les carburants fossiles !!
Cette biomasse injectée sous terre a un carbone bien plus stable (il finira lentement en pétrole sous terre ) que le CO2 qu'on veut injecter sous terre, qui gazeux remontera bien plus facilement !!

Donc la solution d'injecter la biomasse sous terre ( au lieu du CO2) serait bien meilleure supprimant toutes les étapes de conversion en pétrole, qui existe déjà sous terre tout prêt !!

On devrait imposer aux pétroliers et gaziers d'injecter sous terre autant de carbone en biomasse (bois liquifié, algues) qu'ils ressortent de carbone sous forme de carburant fossiles.

On économiserait ainsi la conversion de cette biomasse en pétrole ou gaz, souvent avec un rendement loin de 100%, de fait absurde, vu que la nature l'a fait depuis des millions d'années pour nous !!

!!
0 x
Ahmed
Econologue expert
Econologue expert
Messages : 12654
Inscription : 25/02/08, 18:54
Localisation : Bourgogne
x 3338




par Ahmed » 20/07/11, 22:02

La conversion de la biomasse en pétrole, tout autant que son stockage souterrain à des fins de séquestration du CO2, sont des vues de l'esprit, non sur le principe (quoique, pour la première hypothèse j'aie beaucoup de doutes sur le rendement annoncé), mais sur les ordres de grandeur.

En effet, notre démesure en termes de consommation énergétique est telle que la production non-cumulée de la biomasse est ridiculement faible: rappelons que la forêt française fut sauvée par le charbon au début du 20e et par le pétrole après la seconde guerre mondiale.

Une utilisation massive de la biomasse aurait des conséquences très importantes et accélérerait la dégradation de l'environnement, même si cela resterait neutre au point de vu du CO2 (et positif dans le cas de la seconde hypothèse).

Les spéculations théoriques sur les cultures énergétiques (alternatives à la déforestation qui se profile) et leur soi-disant absence de besoin d'engrais (miscanthus), ou leur résistance à la sécheresse (jatropha*) sont des allégations sans valeur: dans la réalité, si l'on veut un rendement suffisant (et l'économie le commande) des intrants sont indispensables dans le premier cas et de bonnes terres pour le second.
Pour rester sur ces deux exemples, ces cultures reposent donc, paradoxalement, pour l'une sur le recours au pétrole et pour l'autre, plus exotique, sur une concurrence avec les cultures vivrières.

*Simple illustration d'une "mise en valeur" d'une forêt ivoirienne:
http://www.deficreation.com/phorum5/read.php?2,55356
0 x
"Ne croyez surtout pas ce que je vous dis."
moinsdewatt
Econologue expert
Econologue expert
Messages : 5111
Inscription : 28/09/09, 17:35
Localisation : Isére
x 554




par moinsdewatt » 20/07/11, 22:22

L' utilisation de déchets forestier pour faire des liquides carburants va plutot dans le sens de la fabrication d' éthanol ( ethanol dit "cellulosique " ) et non de pétrole shyntétique.

Les industriels se lancent dans l' ethanol cellulosique, en particulier au Canada .

Mais le gros probléme comme soulevé dans le post ci dessus est effectivement l' approvisionnement en matiéres premiéres.

Il faut des quantités colossales de matiéres pour arriver à faire des usines rentables.
0 x

 


  • Sujets similaires
    Réponses
    Vues
    Dernier message

Revenir vers « Biocarburants, agrocarburants, biocombustibles, BtL, carburants alternatifs non fossiles... »

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 66 invités