Le mal obscur du suréclairage
Dépenses d'énergie, troubles de la santé… Le suréclairage est aussi responsable de la disparition d'espèces d'insectes, perturbant ainsi toute la chaîne alimentaire.
Malgré les préconisations d’économie d’énergie, de nombreuses municipalités semblent se lancer dans une surenchère lumineuse. Pour justifier cette inédite poussée de lampadaires, beaucoup n'hésitent pas à avancer des arguments purement esthétiques doublés d'un souci de sécurisation dont l’efficacité n’a d'ailleurs jamais été démontrée… En dix ans le nombre de points lumineux a augmenté de 30 % en France, contribuant à la fois au gaspillage d'énergie et à l'accroissement de la pollution lumineuse. Car les milliers de lampes allumées dans les grandes villes peuvent être perçues à des milliers, voire à des dizaines de milliers de kilomètres. Alors que nos nuits ressemblent de plus en plus à des jours, l'éclairage artificiel public occasionne 37 % des dépenses en électricité des municipalités, soit 7,1 € par habitant et par an en moyenne. Selon l'Ademe, 9 millions de lampes serviraient à éclairer villes et campagnes françaises, consommant 5,6 térawattheures (TWh), soit l'équivalent de la production annuelle d'un réacteur nucléaire.
Horloge biologique détraquée
La conséquence la plus sensible de cet accroissement des sources lumineuses est la gêne occasionnée sur notre sommeil. Des chercheurs se sont penchés plus avant sur ce sujet voici une dizaine d’années. Ils se sont intéressés à l’influence de l’alternance lumière/obscurité sur le rythme biologique et sur la sécrétion de la mélatonine. Anti-vieillissement, stabilisateur de la tension, maintien de la libido, frein au développement des tumeurs… : les bienfaits de cette hormone, aussi appelée « hormone du sommeil », seraient multiples. Or, sous l'effet de la lumière artificielle, l'épiphyse (petite glande située dans le cerveau) diminue la production de cette substance. Le ministère de l’Écologie eu du Développement durable mentionne, dans un projet de loi relatif au Grenelle de l’environnement, que « cette exposition prolongée à la lumière artificielle » serait responsable « d’éblouissement, de troubles du sommeil et facteur possible d’incidence des cancers. »
Faune en danger
Nos nuits et notre santé ne sont pas les seules à être mises en danger par cette course à l'éclairage public. De nombreuses espèces animales sont aussi perturbées par cette lumière artificielle, à commencer par les insectes nocturnes et pollinisateurs qui deviennent des proies faciles pour leurs prédateurs. Chez ces espèces, la pollution lumineuse est la seconde cause de mortalité après les produits phytosanitaires. Or, la pollinisation des plantes et toutes les espèces qui dépendent de ces insectes pour s’alimenter s’en trouvant affectées, c'est toute la chaîne alimentaire qui est finalement perturbée. Les oiseaux migrateurs qui utilisent les étoiles pour se guider sont désorientés, quand d’autres heurtent des bâtiments ou des tours éclairées. La lumière est aussi un handicap pour d'autres animaux nocturnes comme les chauves-souris ou certains rapaces. Des expériences ont démontré que les grenouilles ne parvenaient plus à différencier les proies des prédateurs. Cette modification de l’alternance jour/nuit déstabilise le rythme biologique de nombreuses espèces, y compris celui des mammifères, provoquant un déclin de la reproduction, des difficultés à s’alimenter, une vulnérabilité accrue et donc une augmentation de la mortalité. Des conséquences qui s’avèrent une menace pour la biodiversité.
Une idée lumineuse
L’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes (ANPCEN) a labellisé, en janvier 2011, 64 communes françaises qui ont réduit leur pollution lumineuse. Ce concours gratuit, ouvert à toutes les communes de France, vise à promouvoir la qualité de l’environnement nocturne ainsi qu'à inciter aux économies d’énergie et donc à la diminution des émissions de gaz à effet de serre et à la baisse de « coûts publics inutiles. »
Étoiles invisibles
La pollution lumineuse est largement dénoncée par la communauté astronomique, car elle gêne considérablement l'observation de la voûte céleste. D’autant plus que la plupart des lampadaires n’éclairent pas seulement le sol mais le ciel ! Ces halos lumineux qui progressent d’environ 5 % par an en Europe masquent aujourd’hui la vision de la voie lactée et de 90 % des étoiles dans les métropoles. En 1992, dans la Déclaration des droits pour les générations futures, l'Unesco a consacré un volet spécifique au droit et à la conservation du ciel et de sa pureté.
Références
• Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, établissement public.
• Article 36 Grenelle 1 adopté le 21 octobre 2008
• http://www.developpement-durable.gouv.f ... -de-l.html
M. Vanhamme
Source: http://magazines.republicain-lorrain.fr ... irage.html