Malheureusement le terme "juger" est devenu péjoratif dans nos sociétés "bien pensantes" (mouhahhaha)
Ne votez pas, jugez !
Le scrutin majoritaire usuel souffre de graves défauts. Un mode de scrutin nommé jugement majoritaire, qui consiste à évaluer tous les candidats à une élection selon une grille de valeurs commune, éviterait ces écueils et respecterait l'opinion de l'électorat.
Juste avant le premier tour de l'élection présidentielle de 2002, un article du numéro d'avril de Pour la Science commençait par cette question prémonitoire : « Si, en ce printemps 2002, les urnes désignaient pour président un candidat autre que celui réellement voulu par les électeurs ? » Le 21 avril 2002 allait amplement confirmer cette prédiction. Et dix ans plus tard – avec au moins quatre candidats à la présidence de la République qui pourraient recueillir le 22 avril prochain des pourcentages importants de voix –, cette question est toujours d'actualité.
Mais, contrairement à 2002, il existe aujourd'hui une solution. Un nouveau mode de scrutin, le jugement majoritaire, issu d'une nouvelle théorie de vote, permettrait d'éviter les multiples écueils du scrutin majoritaire en usage et d'assurer l'élection du candidat considéré le meilleur par la majorité du corps électoral. Voyons comment et pourquoi.
Le scrutin majoritaire à deux tours tel qu'il est pratiqué en France semble simple, direct et démocratique, sûr d'exprimer le choix des électeurs. Mais l'élection présidentielle de 2002 suffit à démontrer que ce mode de scrutin – une vieille invention confortée par l'habitude – ne répond pas à ces exigences. En 2002, Lionel Jospin avait été éliminé au premier tour avec 16,2 % des voix, devancé de peu par Jean-Marie Le Pen (16,9 %). Mais sans la candidature de Christiane Taubira (2,3 %) ou de Jean-Pierre Chevènement (5,3 %), qui ont dispersé les voix de la gauche, Lionel Jospin aurait probablement été qualifié pour le second tour, et selon plusieurs sondages aurait pu gagner contre Jacques Chirac. Ainsi, le scrutin majoritaire souffre du paradoxe d'Arrow, du nom du prix Nobel d'économie Kenneth Arrow : le vainqueur du scrutin dépend de la présence ou de l'absence de « petits » candidats n'ayant aucune chance de gagner.
Outre que ce paradoxe trahit la volonté des électeurs, il engendre un jeu politique nuisible : susciter des candidatures dont le rôle est de nuire à l'adversaire, tout en en dissuadant d'autres de peur qu'elles nuisent à son propre camp. Et que doit faire l'électeur ? Voter « selon son cœur » pour le candidat qui représente le mieux ses opinions, ou « voter utile », c'est-à-dire faire un choix stratégique pour assurer la présence au second tour d'un candidat qui n'est pas son premier choix, avec de surcroît le risque d'avoir mal calculé et de le regretter ?
Au second tour de l'élection présidentielle de 2002, Jacques Chirac avait écrasé Jean-Marie Le Pen par un score soviétique de 82,2 % des voix, devenant ainsi le président le mieux élu de la ve République. Pour autant, a-t-il suscité une adhésion massive, bien supérieure à tout autre président ? Évidemment non. Le vrai sens de ce score était un rejet massif du candidat du Front national.
Le scrutin usuel trahit les électeurs
(...)
Réformer le scrutin
Le jugement majoritaire remplace un vote majoritaire sur les candidats eux-mêmes par un vote majoritaire sur leurs mérites. Faut-il effectuer ce changement ? Le scrutin majoritaire présente des inconvénients : il empêche les électeurs de s'exprimer librement, les force à voter de façon stratégique, donne trop d'importance aux extrêmes, élimine systématiquement le centre, mesure mal les poids des forces politiques et ne garantit pas l'élection du candidat jugé le meilleur par l'électorat. Cela ne concerne pas seulement l'élection présidentielle, mais toutes les élections – législatives, cantonales, etc. – où un candidat doit être choisi parmi d'autres, que ce soit en France ou ailleurs.
En revanche, le jugement majoritaire désigne le candidat jugé le plus méritant par la majorité de l'électorat et évite les principaux défauts du scrutin majoritaire. Il rend inutile le jeu des candidatures multiples, fait l'économie d'un tour, mesure avec précision le mérite attribué à chaque candidat par l'électorat, traduit fidèlement le sentiment des votants, limite les possibilités de manipulation et incite les électeurs à l'honnêteté en faisant coïncider le vote « utile » et le vote « du cœur ».
En plus, le jugement majoritaire permet une révolution pacifique par les urnes. Aucun candidat n'est jugé Passable ou plus ? Alors l'électorat les refuse tous et exige une autre élection avec d'autres candidats.
Source: http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a ... -29306.php
ps: la suppression des 2 tours en France est l'étape par où commencer si on veut vraiment plus de démocratie...on comprend bien que cela n'arrange pas vraiment les partis historiques...