Did67 a écrit :Je viens de survoler ce fil - hasard, hier, à Strasbourg, on m'avait demandé de faire un topo sur le sujet. Reprenons des bases - comme toujours, avant de se disputer sur les recettes, il vaut mieux avoir quelques bases.
A) Reproduction asexuée
Beaucoup de végétaux se reproduisent de façon asexuée : greffage, bouturage, marcottage, stolonnage...
Il s'agit alors d'un clonage : le végétal obtenu est génétiquement strictement identique à l'ancêtre (sauf rare cas de mutation intervenue entre temps).
Plus étonnant même : on peut considérer par exemple que tous les cerisiers Burlat du monde ou toutes les "Clémentines" sont un "morceau" d'un être unique, dispersé à chaque greffage ; c'est un "morceau" de l'ancêtre qu'on a fait grandir ailleurs...
Au potager, c'est surtout le cas de la pomme de terre, des ails, des échalotes. Dans le jardin d'ornement, se rajoutent des plantes dont on "éclate" les souches...
Avantage : stricte conservation des caractères
Inconvénients (je pense que vous l'avez remarqué, rien n'est parfait en ce bas monde) :
- aucune biodiversité : si une maladie "s'adapte" à cette variété, tous les individus du monde y seront sensibles ! Ce n'est pas rien que c'est en viticulture, arboriculture qu'on utilise les pesticides de façon massive et que le passage au "bio" n'est pas toujours simple...
- petit à petit s'installent des maladies de type virus (feuilles plus ou moins gaufrées, nannissements, etc...), souvent colportées par les pucerons (ou d'autres piqueurs-suceurs) ; ces maladies sont propagées par la multiplication végétative.
Pour cette raison, les "obtenteurs" procèdent par multiplication de méristèmes, indemnes de virus, qu'on peut, par des solutions nutritives adaptées, "élevées" pour reconstruire un individu sain. Qu'on propage ensuite avec soin (désinfection des instruments, greffoirs, etc). Les pépinières sont contrôlées. L'étiquette garantie le fait que le plant soit sain.
[La culture de méristème est la culture du coeur d'un bourgeon, là où se multiplient les cellules "indifférenciées", avant de devenir des cellules spécialisées constituant le bois et les différentes parties d'une branche ou d'une feuille ou d'une fleur). Il se trouve que dans ces méristèmes, même dans un arbre infecté, les cellules ne le sont pas.
Bref, savoir que sans précautions particulières, il y a un risque de lente "dégénérescence" de la variété. C'est inéluctable, sauf situations très particulières (en altitude, par exemple, absence de tels pucerons qui véhiculent les différents virus de la pomme de terre). Donc nico sera peut-être épargné ??? Et il nous dira, mais non les gars, aucun problème, je fais cela depuis 10 ans, ça marche ! Et il aura raison. [Bon, il ne peut pas avoir que les emmerdes de sa situation non plus, soyons un peu beaux joueurs !]
Le greffage (tomate, ...) peut être une façon très élégante de "réunir" en un plant deux caractéristiques intéressantes : par exemple, on va utiliser des porte-greffes dont les racines sont résistantes aux nématodes (vers non annelés parasites et vecteur de maladies) mais dont les fruits seraient épouvantables (petits, dégueulasses, voire toxiques) et greffer dessus une coeur de boeuf, dont les racines sont très sensibles...
B) Reproduction sexuée
Le gros avantage : remixage des gènes à chaque génération, ce qui permet d'évoluer, de s'adapter.
L'inconvénient : en règle général, la descendance ne ressemble que grossièrement à l'un des parents (le plant-mère)...
1) Les espèces
En règle générale, les espèces sont stériles entre elles. C'est le principe même, la définition, d'une espèce [tous les êtres féconds entre eux, mais qui ne le sont pas avec une autre espèce].
Sauf que cela se corse : certaines espèces sont encore assez proches pour qu'une hybridation
interspécifique (entre espèces différentes) reste possible. Chez les animaux, le cas du cheval et de l'âne sont connus. Je me demande si le loup ne peut pas se croiser avec certains chiens ??? Etc...
Chez les végétaux, certains croisements sont possibles : moutarde et ravenelle (une sorte de moutard sauvage).
Le cas évoqué du croisement courge x coloquinte est un faux-ami ! Nos coloquintes sont... des
courges décoratives. Sélectionnées pour ça. On n'a pas pris soin de les débarrasser des gènes conduisant à la synthèse de la substance amère toxique de la plupart des cucurbitacées sauvages. Donc ce n'est pas un croisement interspécifique, mais un croisement entre deux types de courges très différentes (un peu comme un chihuahua reste un chien, même s'il est très différent d'un berger allemand ou d'un beauceron).
Je n'ai pas fait les recherches nécessaires [car je suis loin de tout savoir !!!] pour savoir si les choux kale et les choux de Bruxelles sont deux espèces différentes. Et si, du fait d'une relative proximité, des croisements interspécifiques sont possibles. Des fois, c'est possible mais rare. Des fois c'est impossible mais en labo on arrive à créer des hybrides interspécifiques : casseilles, brugnons, triticales (un croisement entre le blé et le seigle)...
Sous réserve de l'absence de possibilité de croisements interspécifiques, vous pouvez cultiver deux
espèces différentes l'une à coté de l'autre sans risque. Comme vous pouvez élever des gnous et des gazelles dans un même parc ! Les noms latins vous permettent de savoir si ce sont des espèces différentes : les deux "noms" sont alors différents ; on rajoute parfois ssp. - pour "subspecies" = sous-epsèce - "ceci ou cela" : la coloquinte est une Cucurbita pepo, la courge est Cucurbtia pepo, les courgettes sont... des Cucurbita pepo comme les courges spaghettis ou les pâtissons... ! Donc tout cela peut se croiser. La courge est parfois indiquée : Cucurbita pepo ssp.pepo]
2) Variétés
Les variétés sont aux végétaux ce que sont les races aux animaux. En principe, une variété A (avec telles et telles caractéristiques qui font qu'on l'apprécie) peut se croiser avec une variété B (qui en a d'autres, qui font qu'on l'apprécie pour d'autres raisons).
En général, quand on sème, on voudrait savoir si c'est A (résistant au froid, pour un semis de printemps) ou B (résistant à la sécheresse). On ne va pas semer B en mars et A en juillet. Et un hybride AB (plus très résistant au froid et seulement un peu résistant à la sécheresse) ne nous intéressera pas forcément, ni en mars, ni en juillet ! Sans parler ici des caractéristiques gustatives !!!
a) espèces autogames : ce sont les espèces dont, pour certaines raisons, le pollen féconde le pistil d'une fleur de la même plante... Donc c'est le génotype A qui féconde le génotype A (le génotype c'est tout simplement la collection de gènes).
Notez que c'est une "consanguinité" - avec ses défauts (ils sont plus rédhibitoires chez les animaux).
Si le sélectionneur (obtenteur) a pris soin de stabiliser les caractères de la variété, au bout d'un processus long, une dizaine d'années de sélection a minima, on a alors conservation des caractéristiques variétales.
En principe !
Car évidemment, c'est plus compliqué ! Rares sont les plantes strictement autogames. Ce sont celles qu'on appelle "cléistogames", dont la fécondation se fait en "interne", avant l'ouverture de la corolle. Même si des butineurs passent après ouverture, et butinent, et essayent de féconder, c'est trop tard, la fécondation a déjà eu lieu.
C'est le cas des haricots et, en large part, des tomates (cela dépend un peu des conditions de culture).
C'est le cas simple où on peut s'en donner à cœur joie et multiplier sans trop de difficultés. Enfin, ce n’est pas si simple ! Il faut étiqueter proprement, conserver...
Le bourdon a, dans les serres à tomates, un rôle de secoueur plus que de pollinisateur. Même s'il peut féconder des fleurs qui auraient échappées à la fécondation "interne".
Sont autogames, entre autres : haricots, pois, laitues, tomates, aubergines, poivrons, soja, arachides, fèves, mâche...(et la majorité des céréales : blé, avoine, seigle, orge...)
Comme l'autogamie n'est jamais stricte (elle l'est à 95 %, parfois 99 %), il y a une lente dérive, par des croisements accidentels.
Les producteurs de semences font donc une "sélection massale conservatrice" : ils écartent, avant arrivée à maturité, tous les pieds qui ne ressemblent pas au descriptif précis du type de la variété. Voire, régulièrement, repartent d'ancêtres soigneusement sélectionnés, donc "très purs".
Sans le savoir, les "fans" des variétés anciennes "exploitent" un travail minutieux des ancêtres de nos semenciers actuels, les Vilmorin, Caillaux, Clause... Peu de variétés anciennes sont en fait "authentiquement" paysannes ! Cela se rencontre essentiellement pour les quelques espèces cléistogames : tomates, haricots... Où là, la "stabilisation" allait tout seul ! Pour l'essentiel - il se peut que j'oublie une ou deux autres espèces - les variétés anciennes sont le résultat d'une sélection faite par des entreprises dans les années 1800 et quelques, avec parfois implication des "jardiniers", qui ont testé puis adopté ce qui était alors des nouveautés !!! [200 ans après, "nouveauté" reste un des classiques des catalogues de semences surtout professionnels !]. Pour info, les catalogues professionnels de semences de tomates comportaient, au début des années 1800, 2 ou 3 variétés. Je ne vais pas philosopher plus longtemps, mais il y a là évidemment matière à s'interroger sur nos lubies ! Après, chacun ses passions. J'en connais qui collectionnent des timbres... D'autres les capsules de bière (mais là, je devine l'utilité au niveau de l'étape d'avant !).
b) espèces allogames
La nature favorise souvent la fécondation croisée. Par différentes "astuces" : arrivée à maturité décalée du pollen et du pistil, séparation d la fleur mâle et de la fleur femelle (sur un même individu - maïs - ou sur des individus différents - kiwi), pollinisation par le vent, pollinisation par les insectes, forme des fleurs...
Dans ce cas, sauf cas particulier, la probabilité qu'une variété A féconde la fleur d'une variété B est alors élevée. Et donc, si dans le fruit qui a poussé sur B on prélève des graines, on a ds graines AB, et l'année suivante, le plant sera AB (quelque part entre A et B). Aucun prévision n'est possible. Un ami m'a raconté ce week-end (hasard !) qu'ils ont un couple d'amis, elle blonde, lui noir, qui ont trois enfants : l'un est "typiquement blanc", l'autre quasiment noir et le troisième typiquement café au lait !!! C'est la hasard de la recombinaison des caractères.
Sont allogames : cucurbitacées (concombres, melons, courges, potirons, potimarrons..), céleris, persils, oignons, carottes, crucifères (choux, navets, radis...), chicorées, endives, fenouils, panais, maïs, betteraves, épinards...
La production de graines avec conservation des caractères variétaux (donc ce qui nous intéressait chez telle variété qu'on a cultivé) n'est possible que de deux façons :
a) une distance suffisante d'éloignement de tout plant d'une autre
variété de la même espèce (y compris des plantes sauvages de la même espèce - carottes sauvages par exemple) ; ordre de grandeur : 500 m à 1 km.
b) ou un ensachage de la fleur choisie comme femelle, qu'on préserve d'une pollinisation croisée (attention pour les plantes anémophiles, fécondées par le vent, il faut une gaze qui filtre le pollen) ; on procède manuellement à la fécondation par du pollen de la même variété, et on referme jusqu'à maturité...
Là aussi, cependant, une fécondation conservatrice est nécessaire (elle l'est encore plus dans le cas de l'éloignement, car si 500 m est une norme, nul n'empêchera un bourdon champion olympique de s'égarer depuis 2 ou 3 km ! Sans être champion, il peut se faire embarquer par un coup de vent... Simplement, c'est rare !
3) Maladies
On ne le sait pas assez, mais certaines maladies se transmettent par les semences (généralement, sur l'enveloppe externe du grain).
Le cas de l'ergot du seigle (aujourd'hui quasiment éradiqué, merci les traitements de surface) est connu (je crois que c'est à Bagnol sur Cèze qu'il y a eu un cas célèbre de "folie" attribué à de la sorcellerie, dont on sait aujourd'hui que c'était l'ergot - un champignon dont un extrait légèrement modifié est ... le LSD !)
Les semences professionnelles, même "bio", sont désinfectées. La loi est extrêmement sévère à ce niveau. Et à juste titre. Quand on achète une graine, on n'a pas envie d'acheter le parasite qui va avec !
4) Hybrides F1
Les hybrides F1 - première génération - sont le résultat d'un croisement entre deux lignées pures ayant chacune des qualités qu'on veut réunir (lignée A de tomate bien rondes et rouges, mais chétives ; lignée B précoce et productive)... Si c'est deux lignées sont pures, le croisement "renfermera"
forcément ces 4 caractères réunis : fruits rouges et rond, variété productive et précoce...
Mais en première génération seulement. D'où le F1 (le F vient de descendance, filius en latin).
Car à l'étape suivant, c'est le "gros bordel" de la loterie et du hasard.
Contrairement à ce que je lis souvent, les hybrides F1 ne sont pas stériles.
Il y a seulement cette "disjonction des caractères" qui fera que dans la descendance on aura tout et n'importe quoi : des tomates rondes et d'autres qui le sont moins, des tomates rouges et d'autres qui ne le sont pas, des tomates précoces et des tardives, des productives et des chétives...
Parfois, on utilisé des tomates sauvages, ridiculement petites mais résistantes au mildiou dans une des lignées, et on peut donc s'attendre à obtenir des pieds ridiculement petites, comme des sauvages...
Il serait temps d'arrêter de délirer sur les hybrides, en sachant que c'est une sélection "mécanique" n'ayant rien à voir avec des OGM. Mais que cela a permis d'introduire des germes très intéressants (tels des gènes sauvages de résistance). Ce n'est pas l'hybridation, qui est un fait tout à fait naturel (toutes les orchidées botaniques sont des hybrides !!! La plupart des variétés stables ont été un hybride au départ). Ce sont les critères de sélection qui font qu'on a préféré des tomates insipides et dures comme des cailloux aux tomates gouteuses, tout simplement pour vous livrer des tomates du Maroc tout l'année puisque le consommateur achète ! On pourrait imaginer "hybrider" les meilleurs goûts pour obtenir des "bombes gustatives" (sans doute impossibles à transporter !). Techniquement, c'est tout à fait possible en mettant le paquet sur ce critère.
[A titre d'info, on a actuellement une explosion de houblons avec des saveurs très particulières : agrumes, chocolat, etc... qui sont le fruit d'hybridation, suivie, dans ce cas, de multiplication végétative]
Cela au prix, on est d'accord, d'un rachat de semences.
Ce serait, dans les zones à faible ou moyenne pression de mildiou, bien plus écologique et bien moins cher que de balancer cette saloperie de "bouillie bordelaise" !!!
transfers reims[c'est un peu plus compliqué, car les résistances se font contournées par l'adaptation très rapide du champignons ; il faut en fait une combinaison de gènes de résistance différents - 3 ou 4 minimum - pour que le milidou ne "craque" as le code trop facilement !]
Essayez de comprendre les "écolos", parfois.