bardal a écrit :Oui, mais enfin, quand même, C moa, tu pourrais quand même nous livrer quelques chiffres, par exemple ce que l'on peut espérer tirer de 1 T de biomasse sèche, ou les conditions de ce processus, avec un peu de chance le nom de la bactérie, ou des bactéries concernées, les difficultés auxquelles vous vous confrontez, etc... Nous avons tout cela pour la production de biométhane (et depuis longtemps d'ailleurs), et c'est tout ce qui différencie une approche scientifique d'une approche néophyte ou d'une rêverie mercantile. Si ton compère est docteur en biologie, il doit connaître tout cela, bien mieux que le futur prix de vente du kg d'hydrogène (qui me semble un peu prématuré)...
Bonsoir Bardal,
Je ne peux pas tout donner comme ça, il faut du suspens, créer de l'intérêt, faire poser des questions....
Comme expliqué, voilà trois ans que l'on travaille sur le sujet mais nous n'avons vraiment démarré qu'en Avril 2017 et tout un travail de biblio et de bioinfo a été nécessaire pour sélectionner les bactéries que l'on voulait tester. Au total nous en avons testé une quinzaine (désolé mais je ne pourrai pas dire lesquelles). Notre objectif initial était de produire des alcanes ou des alcènes mais aucune n'a eu la gentillesse d'en faire. Quelques unes ont toutefois eu l'amabilité de produire du méthane alors qu'elles ne sont pas censées en faire
Nous nous sommes aperçu l'été dernier que quelques une produisaient des quantités intéressantes d'hydrogène et après avoir un rapide screening du marché, nous avons abandonné la piste des HC liquides pour s'orienter vers l'H
2. Nous avons complété nos tests avec des intrants issus d'une IAA (des eaux de cuissons de fruits de mer) et nous avons obtenus les mêmes résultats :
- Une production qui démarre en quelques heures ;
- 80% de nos biogaz sont produits en moins d'une semaine ;
- un niveau de pureté en H
2 de 90%.
ça parait simple comme ça mais on travaille en anaérobie, lorsqu'une expérience fonctionne (ou pas d'ailleurs) il faut la refaire pour confirmer les résultats. 2 ans cela peut paraitre beaucoup mais je peux vous assurer que cela est passé très vite.
Pour ce qui concerne les rendements, malheureusement je ne peux rien vous donner de concret pour le moment non plus. Si nous sommes capables de calculer un pouvoir méthanogène d'un effluent, pour ce qui nous concerne, cela n'existe pas encore. Il va falloir qu'on le fasse nous même. Ce qui est probable, c'est qu'il y aura une incidence avec la composition du milieu en fonction de la présence plus ou moins importante de sucres, d'acides gras, de protéines.... Nous avons quelques expériences à mener encore pour définir "un pouvoir hydrogène" des intrants.
Pour le moment, nous avons surtout travaillé avec des milieux plutôt pauvres qui mettent la bactérie en stress et qui l'obligent à travailler différemment que d'habitude et du coup elle produit des choses qu'elle ne produit pas d'habitude, notamment l'H
2.
Quelles difficultés avons-nous ?
- Améliorer les performances de la bactérie "H
2" : comme dit plus haut, nous mettons notre bactérie dans des conditions qui ne lui sont pas favorables et donc elle produit de l'hydrogène mais a des taux de croissance bien inférieurs à ce qu'elle fait dans des milieux riches. Notre objectif est de l'adapter de telle sorte qu'elle soit capable de grandir aussi vite que d'habitude tout en produisant l'hydrogène que l'on veut. Il va s'agir aussi de modifier voire supprimer certaines voies métaboliques de manière à concentrer sur activité sur la production d'hydrogène.
- Précurseur chimique : Comme vous pouvez le voir sur l'image, en plus du milieu, nous donnons un précurseur métabolique à la bactérie afin de booster la production d'hydrogène. Ce précurseur est produit de manière chimique et est disponible sur l'étagère mais pour plus de cohérence nous désirons le produire de manière biologique également à partir des mêmes déchets. On connait les microorganismes capables de les produire, ils devraient pousser sur les intrants que l'on a sélectionné. Il faut que l'on s'assure à présent qu'ils sont capables de produire les quantités que l'on veut, dans les temps que l'on veut et qu'ils vont être capables de s'entendre avec notre bactérie H
2. ça devrait le faire, les exemples de co-cultures que nous avons sont plutôt positifs mais il faut tester.
- Changement d'échelle : Actuellement nous travaillons à l'échelle du laboratoire mais pour passer à l'échelle industrielle, il ne suffit pas d'augmenter la taille des flacons. Donc là-aussi cela représente du travail, il va falloir bien identifier les paramètres de croissances qui sont idéaux pour les bactéries, comprendre ce qui peut les inhiber (faut-il des prétraitements par exemple ?). Bien sûr commencer à dessiner un fermenteur idéal. Pour simplifier, passer de l'échelle du litre à l'échelle 100 litres pour ensuite passer à l'échelle du m
3.
- Intrants : sur le papier beaucoup d'intrants se ressemblent mais il faut tout de même vérifier les performances de chacun, notamment pour pouvoir définir le fameux "pouvoir hydrogène". Entre des eaux de cuissons de fruits de mer, de légumes, des eaux de procédé d'usines de pâtes à papier, du sang d'équarisseurs, des rejets de laiterie... il y a de grandes chances que l'on ait des ajustements à faire. Il s'agira aussi de voir s'il ne s'agit pas de mélanger certains intrants entre eux pour avoir une meilleure production.
Au-delà des aspects techniques, notre prochain challenge est surtout de réussir notre levée de fonds car on a besoin d'embaucher 4 personnes pour faire tout ce travail et on a besoin d'acheter des matériels assez coûteux. On a prévu 3 ans pour faire tout ça.