Ahmed a écrit :...
Le Japon présente effectivement un cas intéressant: longtemps isolé dans une culture assez "féodale" (pour faire vite), il s'orienta vers un fanatisme militaire extrême pour ensuite basculer avec la même détermination vers l'industrialisation et le modernisme, subissant ainsi des changements profonds et rapides, bien plus que dans nos anciennes sociétés. Ainsi, les effets de ces modifications sont démultipliés par rapport à ceux que nous observons (pas bien) ici, faute également de recul. Evidemment, bien que le processus soit comparable, certaines circonstances propres à cette culture interviennent. Je pense notamment ici aux aspects religieux animistes qui, par un curieux phénomène, se sont mués en agents d'addiction aux machines alors que ce genre de foi tend généralement à exercer un effet protecteur... La densité démographique a aussi influencé fortement les comportements sociaux en instituant des codes très rigides et complexes (il y a au moins 5 ou 6 façons de dire bonjour suivant le niveau social, l'âge ou le sexe de celui ou celle à qui on s'adresse!). Il en résulte également le resserrement de la bulle personnelle: plus petite, elle est aussi plus intangible (d'où la crainte du contact physique)...
Sur ce substrat initial, l'essor économique et l'addiction au travail qui va bien avec (!) ont peu à peu sapés l'unité de la famille traditionnelle sans rien mettre à la place. Ainsi, et bien que ce ne soit pas réservé au Japon, l'isolement a conduit à ce phénomène que les japonais nomme les "Hikkikomori", au suicide de jeunes soumis à une trop forte concurrence scolaire et des vieux abandonnés par leurs enfant qui se suicident ou meurent seuls... La dénatalité n'est qu'un aspect de cette situation d'ensemble où la relation aux machines et aux mondes imaginaires qu'elles permettent se substitue aux rapports humains de quelle nature qu'elle soit.
La technologie, loin d'être aussi neutre que le pense Janic, conduit, par son développement propre, à instaurer l'atomisme social, en pratique comme dans les esprits (car l'infrastructure détermine la superstructure).
J'avais loupé ça quand c'est sorti. Remarquable synthèse, très éclairante sur le Japon, avec perspective historique et sociale. Bravo !