Pour de nombreux leaders aborigènes, la crise à laquelle l'Australie est confrontée révèle l'échec d'une gestion des terres aveugle.
..... Membre des Bundjalungs, gardiens originels de la zone côtière septentrionale de la Nouvelle-Galles du Sud, Oliver Costello lâche, non sans amertume: «Cela fait un moment que nous répétons aux gens que de grands incendies arrivent. Personne ne nous a écoutés.» Les populations aborigènes, premiers êtres humains connus à avoir peuplé la partie continentale de l'Australie, ont appris à gérer et calmer les risques de méga-feux grâce à une connaissance spécifique des écosystèmes locaux et à des brûlis raisonnés et soigneusement contrôlés.
«Avant la colonisation, les tribus suivaient la loi de la terre en gérant les relations des plantes et des animaux locaux, qui ont leur propre identité et leurs propres comportements, avec le feu. Lorsque vous brûlez de la bonne façon, vous obtenez les bons animaux, les bonnes plantes et les bonnes personnes aux bons endroits. Lorsque vous brûlez mal, vous perturbez ces relations», expose Oliver Costello, à la tête de Firesticks, une organisation qui s'assure de la conservation des pratiques autochtones de gestion des incendies et des terres.
..... Contrairement aux techniques occidentales, le brûlage culturel adopte une approche holistique synchronisée avec les saisons, les durées de gestation des animaux, les période de semis et de plantation. Les Occidentaux appellent cela un «écosystème»; les Aborigènes utilisent le mot «parenté». Il s'agit d'un système complexe qui détermine la façon dont les êtres vivants interagissent entre eux et leurs rôles, responsabilités et obligations les uns par rapport aux autres et avec la terre.
Des techniques occidentales moins efficaces
La déstructuration des anciennes pratiques de gestion a rendu la végétation plus inflammable et les populations plus vulnérables. En 1990 déjà, le chercheur Phil Cheney, membre du Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO) publiait un article scientifique sur la gestion actuelles des feux de forêt en Australie: «Comme les forêts qui n'étaient aménagées par les services forestiers que depuis vingt ans sont confiées aux services de gestion des parcs qui ont peu d'expérience de gestion du feu, la possibilité apparaît de voir dans l'avenir les grands incendies plus fréquents et probablement plus destructeurs. Le public, au sens large, est privé des compétences de la gestion du feu qui ont été acquises soigneusement et péniblement depuis plus de cent ans.»
..... Le respect des saisons est un autre élément fondamental. Avec la colonisation s'est imposé le calendrier grégorien et la division de l'année en quatre saisons. Cependant, les notions européennes d'été, d'automne, d'hiver et de printemps sont totalement inadéquates pour classer les saisons australiennes, très diversifiées. Par exemple, sur la terre des Wardaman, à l'ouest de la ville Katherine dans le Territoire du Nord, c'est actuellement Yijilg, une fin de l'été marquée par de fortes précipitations. Certains territoires voient six différentes saisons par an, d'autres plus, d'autres moins.
«Les Occidentaux se servent des dates et de l'état du combustible pour savoir quand brûler. Ils n'utilisent pas les valeurs, la parenté, les lois culturelles qui régissent le territoire et finissent bien souvent par appliquer le mauvais type de feu, déplore Oliver Costello. Souvent, les feux sont trop chauds. Ils abîment et brûlent la canopée. Le sol se retrouve donc à nu, en proie à la lumière du soleil. Cela accélère la régénération des arbustes qui évincent les herbes, graminées, fougères et autres espèces terrestres, et permet à plus de matière combustible de pousser.» C'est un cercle vicieux.
http://www.slate.fr/story/186341/connai ... -incendiesArticle passionnant qui pulvérise les certitudes, la "science", les croyances et la supériorité occidentale.