https://korii.slate.fr/biz/comment-jpmo ... ge-paniqueComment JPMorgan s'est fait chouraver une fortune en nickel
Et ce, dans un entrepôt contrôlé par le supposé très sûr London Metal Exchange. Panique à bord.
Repéré par Thomas Burgel sur Bloomberg
28/03/2023 à 18h19
L'univers du nickel est décidément plus impitoyable que celui de Dallas. En mars 2022, le marché du précieux métal s'effondrait en quelques minutes, emportant avec lui le magnat chinois Xiang Guangda et la Tsingshan Holding dont il est maître, premier producteur de métal inoxydable en 2019.
Il y a quelques semaines, en février 2023, ce n'est pas un «short» comme en mars 2022 mais un détournement massif qui faisait trembler le marché, avec la découverte par le négociant Trafigura d'une fraude lui ayant coûté 577 millions de dollars (533 millions d'euros environ). En gros, Trafigura s'était rendu compte que les containers de nickel achetés à un homme d'affaires indien véreux n'abritaient pas de nickel. Ils ne contenaient rien. Ou toute autre chose, d'une moindre qualité voire n'ayant aucune valeur.
C'est à peu près ce qui vient d'arriver à la banque JPMorgan Chase. Elle a acquis auprès du London Metal Exchange (LME), marché mondial de référence, quelques tonnes de nickel qu'elle pensait sagement entreposées dans l'un des bâtiments dont l'intermédiaire a la charge.
Mais dans les sacs, patatras, nul nickel –leur poids ne correspondait pas à celui annoncé sur le contrat initial. Ce sont des cailloux qui ont remplacé les briquettes de métal, sans doute subtilisées par un gang de cambrioleurs aux bras costauds. Ainsi que l'explique Bloomberg, la somme n'est pas exorbitante, du moins relativement à ce qui s'échange chaque minute sur ces marchés: la valeur estimée du larcin dont JPMorgan a été victime est de 1,2 million de dollars.
Le problème est ailleurs, et il est majeur: c'est la crédibilité du LME, une vieille institution autrefois incontestable, qui vacille à nouveau avec cette sale affaire. «Dans le monde d'aujourd'hui, le système du LME est un endroit où l'on considère que les choses sont en parfaite sécurité», écrivent les journalistes de Bloomberg. «Les options détenues dans les entrepôts du LME correspondaient au standard le plus élevé dans le monde, elles étaient presque traitées comme un équivalent du cash», affirme sur LinkedIn John MacNamara, vétéran des marchés des matières premières, comme le précise un article de Bloomberg daté du 17 mars.
La police du nickel
Ainsi, les contrats (ces fameuses options, «warrants» en anglais ) sur le nickel, le zinc ou le cuivre dont LME a la charge sont supposés être d'une inégalable sûreté. Dans les esprits, ils sont l'équivalent d'un coffre ou d'un compte dans une banque, mais sous forme de reçu délivré pour une certaine quantité de sacs de matériaux divers, stockés dans un entrepôt géré par la plateforme. Mais, forcément, après la mésaventure de JPMorgan et toutes les précédentes comme ces 490 millions d'euros de cuivre chinois «perdus», les esprits commencent à voir leurs vieilles certitudes s'éroder.
Alors, comme le fait remarquer le média américain, dans les méga-entrepôts du monde entier, des travailleurs ont été réquisitionnés pour tenter de vérifier que les sacs –donc des fortunes– contenaient bien ce qu'ils étaient supposés contenir.
La méthode initiale pour déterminer si ces quantités astronomiques de métaux sont bien des métaux? Avant toute éventuelle analyse plus poussée, commencer par donner de petits coups de pieds dans lesdits sacs. Si ça fait «Toc !» et si ça fait mal aux orteils, c'est probablement du métal. C'est déjà mieux que de vulgaires cailloux, certes. Mais cela n'empêche pas le système du LME d'être apparemment beaucoup plus perméable aux subtilisations frauduleuses qu'on ne le pensait.
L'article original: https://www.bloomberg.com/news/articles ... ify%20wall