L'or noir de demain, ce n'est plus le pétrole mais le charbon. Ce retour en grâce sonne comme une revanche pour la houille, délaissée dans la seconde moitié du XXe siècle au profit du pétrole. Avec l'autre énergie montante qu'est le gaz, elle jouera un rôle essentiel. Ce sont donc les énergies fossiles qui vont assurer notre avenir et devraient représenter 85 % de la demande mondiale en 2050, selon le scénario tendanciel de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Revue de détail.
Le pétrole. Le troisième choc pétrolier que le monde connaît depuis 2005, moins brutal que ceux de 1973 et 1980, a poussé à des analyse hâtives sur la "fin du pétrole". Le PDG de la compagnie nationale Saudi Aramco, Abdallah S. Jum'ah, n'est pas de cet avis. "Le monde n'a consommé que 18 % de son potentiel pétrolier", dit-il, soit 1 000 milliards de barils sur des réserves totales de 5 700 milliards constituées par le brut conventionnel déjà découvert et extractible (1 200 milliards), les sables bitumineux du Canada et les huiles lourdes du Venezuela (1 500 milliards), l'amélioration des taux de récupération de l'huile (1 000 milliards) et les découvertes à venir (1 000 milliards). Des réserves suffisantes, à ses yeux, pour assurer "plus de cent quarante ans de consommation au rythme actuel" et "discréditer" les arguments de ceux qui annoncent un déclin prochain de la production (le fameux peak oil).
Ces estimations "ne doivent pas nous dispenser d'une réflexion sur la transition énergétique", prévient le président de l'Institut français du pétrole, Olivier Appert. Ces données sont vigoureusement contestées, notamment par les anciens géologues pétroliers de l'Aspo (Association for the Study of the Peak Oil & Gas), qui prévoient une décroissance de la production de brut au cours de la prochaine décennie. Les chiffres de production sont "manipulés" et ceux des réserves "très politiques", résume Jean Laherrère, ex-directeur technique de l'exploration de Total et membre de l'ASPO. Les données techniques relèvent, elles, du secret d'Etat (excepté aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Norvège), complète-t-il.
Ce qui est certain, c'est que les réserves s'épuisent. En dépit de gisements aussi prometteurs que ceux récemment mis au jour dans le golfe du Mexique, les réserves prouvées n'augmentent plus que de 1 % par an (contre 4,5 % durant la décennie 1980) et les barils découverts depuis 1999 ne compensent que 45 % de ceux qui ont été consommés sur cette période.
Le gaz. Il est en plein développement. Sa consommation devrait augmenter de 138 % d'ici à 2050, la plus large part pour alimenter des centrales électriques, selon l'AIE. Longtemps scindé en marchés régionaux (Asie, Europe, Amérique du Nord) en raison des contraintes de transport par gazoducs, il se mondialise grâce aux énormes projets de gaz naturel liquéfié (GNL) en Russie, au Qatar et en Iran (60 % des réserves mondiales). En 2030, plus de la moitié du commerce gazier se fera sous forme de GNL. Mais contrairement au charbon, le gaz est concentré dans des pays au fort "nationalisme énergétique" (Venezuela, Russie, Bolivie...).
Le charbon. Il reste le "roi charbon" (King Coal) dans le monde, malgré des émissions de CO2 deux fois plus importantes que celles du gaz. Entre 1970 et 2004, la demande a progressé de 110 % (49 % pour le pétrole). Si rien n'est fait, elle triplera d'ici à 2050, selon l'AIE. Et ses réserves sont colossales : BP les estime à 910 milliards de tonnes, ce qui promet 155 ans de production - contre environ 45 ans pour le pétrole et 60 ans pour le gaz, toujours selon BP - au rythme actuel. Autre atout, le charbon se trouve partout, alors qu'une part croissante du pétrole et du gaz est produite dans des régions politiquement instables. "En coupant le gaz à l'Ukraine et donc à l'Europe, Poutine a fait une publicité inespérée au charbon", note un industriel du secteur. Il est moins coûteux à extraire et 83 % de sa production est consommée dans le pays d'extraction. Quant au risque de pollution durant son transport maritime, il est nul.
Plus de 40 % de l'électricité mondiale est produite à partir du charbon (20 % à partir du gaz, et 16 % du nucléaire). "Après le pic gazier des années 1990 aux Etats-Unis, le charbon retrouve la place centrale qu'il avait dans la matrice énergétique", se félicite Philippe Joubert, PDG d'Alstom Power. Leader mondial des turbines pour centrales à charbon, il engrange aujourd'hui les commandes, notamment en Asie. "En Europe, c'est aussi un combustible qui va se développer, entre autres en raison du prix du gaz", renchérit l'ex-président de Charbonnages de France, Philippe de Ladoucette, aujourd'hui président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
ETRE RENTABLE ET PROPRE
A condition d'être rentable. Une incertitude pèse en effet sur son avantage compétifif dans le cas où le prix des permis d'émission de CO2 alourdirait fortement son coût. Et à condition de devenir propre. Car de tous les combustibles fossiles, c'est le plus nocif pour la santé (accidents de mine, silicose, maladies pulmonaires). Or deux tiers des 1 400 GW de capacités électriques à base de charbon seront installées, d'ici à 2030, dans les pays en développement - dont les centrales émettent 20 % de CO2 de plus que les centrales des pays de l'OCDE.
"L'industrie européenne peut prendre le leadership technologique dans la capture et le stockage du CO2", indique un récent rapport de la délégation interministérielle au développement durable remis au premier ministre Dominique de Villepin. "Il faudra examiner dans quelles conditions transférer ces savoir-faire aux pays les plus pauvres", notait récemment John Browne, PDG de BP. Faute de quoi, prévenait-il, "ils seront condamnés à répondre à leurs besoins énergétiques en recourant aux vieilles technologies sales".
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 431,0.html
Le retour de "King Coal"
Quelle unanimité ! Ils étaient tous là : Alstom, General Electric, RWE, Shell, Vattenfall, BP, Statoil, Siemens, Gaz de France, EDF, Suez, Endesa, Total... Tous les grands noms européens de l'énergie étaient présents à Bruxelles les 12 et 13 septembre, lors de l'assemblée générale de ZEP (Zero emission platform), pour célébrer le nouvel avenir de la production d'électricité, selon eux : la centrale thermique à charbon dont les émissions de gaz carbonique seront enfouies dans le sol.
La démarche part du constat que le charbon étant bien plus abondant que le pétrole et le gaz, il jouera obligatoirement un rôle dans le futur : selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), il fournira 9,8 térawattheures (TWh) en 2020 contre 7 TWh en 2003, soit 40 % de la production d'électricité aux deux dates. Problème : le charbon est fortement émetteur de CO2, alors que le changement climatique devient le principal facteur dont doit tenir compte l'industrie de l'énergie. Solution : développer de nouvelles centrales à charbon capables d'isoler le gaz carbonique émis et de le séquestrer dans le sous-sol.
L'industrie y croit d'autant plus que les méthodes étudiées laissent espérer des systèmes opérationnels dans quelques années. C'est d'ailleurs le principal objet de ZEP : réaliser une dizaine de projets de démonstration d'ici à 2020 pour être prêt à une application commerciale.
Trois filières techniques sont explorées pour la séparation du gaz : la post-combustion consiste à isoler le gaz carbonique de l'azote dans les fumées rejetées par la centrale ; dans la pré-combustion, on enlève le carbone du combustible pour ne laisser que l'hydrogène, qui est le combustible brûlé en turbine à gaz ; la combustion oxyfuel, enfin, se produit avec l'oxygène après que l'azote a été retiré de l'air en sortie.
Outre la séparation du CO2, la deuxième question est celle de sa séquestration. Les spécialistes envisagent de le stocker dans des couches pétrolières. Une autre issue est celle des aquifères salés, à 1 500 m environ de profondeur, et qui sont très nombreux. Mais ces structures géologiques sont encore très peu connues. On pourrait aussi injecter le gaz carbonique dans les mines de charbon, ou encore viser une séquestration minérale, par combinaison chimique du CO2 avec des roches.
Le principal obstacle au développement de cette technique est sans doute là : rien ne garantit que le CO2 injecté en souterrain ne fuira pas au bout de quelques décennies. L'industrie électrique fossile risque de découvrir la même problématique que l'industrie nucléaire, incapable de garantir la pérennité du stockage souterrain de ses déchets. "Aucune fuite ne pourra être admise", affirme le document stratégique de ZEP. Un article paru dans la revue Geology en juillet 2006 a cependant montré que l'étanchéité d'une nappe profonde pourrait ne pas être garantie.
Mais plusieurs grandes organisations écologistes, comme le WWF ou Bellona, en Norvège, soutiennent la technique. "C'est l'option la plus importante dont on dispose pour parer au changement climatique, dit Frederic Hauge, directeur de Bellona. On pourrait absorber ainsi un cinquième des émissions d'ici à 2050."
Cependant, souligne Pierre Le Thiez, de l'Institut français du pétrole, "il faudra stocker des centaines de millions de tonnes de CO2 pendant des siècles, voire des millénaires. Quelle industrie peut prendre une responsabilité sur mille ans ?".
Hervé Kempf, notre envoyé spécial à Bruxelles
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 431,0.html
La démarche part du constat que le charbon étant bien plus abondant que le pétrole et le gaz, il jouera obligatoirement un rôle dans le futur : selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), il fournira 9,8 térawattheures (TWh) en 2020 contre 7 TWh en 2003, soit 40 % de la production d'électricité aux deux dates. Problème : le charbon est fortement émetteur de CO2, alors que le changement climatique devient le principal facteur dont doit tenir compte l'industrie de l'énergie. Solution : développer de nouvelles centrales à charbon capables d'isoler le gaz carbonique émis et de le séquestrer dans le sous-sol.
L'industrie y croit d'autant plus que les méthodes étudiées laissent espérer des systèmes opérationnels dans quelques années. C'est d'ailleurs le principal objet de ZEP : réaliser une dizaine de projets de démonstration d'ici à 2020 pour être prêt à une application commerciale.
Trois filières techniques sont explorées pour la séparation du gaz : la post-combustion consiste à isoler le gaz carbonique de l'azote dans les fumées rejetées par la centrale ; dans la pré-combustion, on enlève le carbone du combustible pour ne laisser que l'hydrogène, qui est le combustible brûlé en turbine à gaz ; la combustion oxyfuel, enfin, se produit avec l'oxygène après que l'azote a été retiré de l'air en sortie.
Outre la séparation du CO2, la deuxième question est celle de sa séquestration. Les spécialistes envisagent de le stocker dans des couches pétrolières. Une autre issue est celle des aquifères salés, à 1 500 m environ de profondeur, et qui sont très nombreux. Mais ces structures géologiques sont encore très peu connues. On pourrait aussi injecter le gaz carbonique dans les mines de charbon, ou encore viser une séquestration minérale, par combinaison chimique du CO2 avec des roches.
Le principal obstacle au développement de cette technique est sans doute là : rien ne garantit que le CO2 injecté en souterrain ne fuira pas au bout de quelques décennies. L'industrie électrique fossile risque de découvrir la même problématique que l'industrie nucléaire, incapable de garantir la pérennité du stockage souterrain de ses déchets. "Aucune fuite ne pourra être admise", affirme le document stratégique de ZEP. Un article paru dans la revue Geology en juillet 2006 a cependant montré que l'étanchéité d'une nappe profonde pourrait ne pas être garantie.
Mais plusieurs grandes organisations écologistes, comme le WWF ou Bellona, en Norvège, soutiennent la technique. "C'est l'option la plus importante dont on dispose pour parer au changement climatique, dit Frederic Hauge, directeur de Bellona. On pourrait absorber ainsi un cinquième des émissions d'ici à 2050."
Cependant, souligne Pierre Le Thiez, de l'Institut français du pétrole, "il faudra stocker des centaines de millions de tonnes de CO2 pendant des siècles, voire des millénaires. Quelle industrie peut prendre une responsabilité sur mille ans ?".
Hervé Kempf, notre envoyé spécial à Bruxelles
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 431,0.html
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Cependant, souligne Pierre Le Thiez, de l'Institut français du pétrole, "il faudra stocker des centaines de millions de tonnes de CO2 pendant des siècles, voire des millénaires. Quelle industrie peut prendre une responsabilité sur mille ans ?".
Hervé Kempf, notre envoyé spécial à Bruxelles
Découvert par hasard en cherchant les derniers messages d'ex-océano......
Hervé KEMPF c'est lui qui a écrit "Comment les riches détruisent la planète" (sujet ouvert, mais je n'ai pas trop avancé dans le livre, j'en ai plein d'autres à lire).
Pour la séquestration du CO2 c'est pas gagné; je pense que ça va fuir. il faudrait trouver une autre technique pour l'empêcher de s'évader dans l'atmosphère. Je n'arrive pas à croire que les chimistes n'aient aucne autre solution dans leurs tiroirs.
Et si les puissants de la planète avaient intérêt à ce que la planète se réchauffe beaucoup pour exploiter toutes les richesses de l'Alaska et du Groënland !!!!
..........Au fait, les Chinois démarrent une nouvelle centrale électrique au charbon chaque jour...ça fait frémir pour la planète !!!
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Ce n'est que quand il aura fait tomber le dernier arbre, contaminé le dernier ruisseau, pêché le dernier poisson que l'homme s'apercevra que l'argent n'est pas comestible (Indien MOHAWK).
En attendant, le CO2 a de plus en plus de débouchés industriels:
- sablage cryogénique (par exemple pour enlever la viande collée aux os dans les usines à viande) quand les cristaux de CO2 percutent la surface à "sabler" ils ont une action mécanique ET thermique et le CO2 se vaporise. Il ne mouille pas, n'oxyde pas et ne laisse aucuns résidus.
- gaz pour climatisation et frigos
- et bien d'autres applications auquelle je ne pense pas... a vos claviers.
- sablage cryogénique (par exemple pour enlever la viande collée aux os dans les usines à viande) quand les cristaux de CO2 percutent la surface à "sabler" ils ont une action mécanique ET thermique et le CO2 se vaporise. Il ne mouille pas, n'oxyde pas et ne laisse aucuns résidus.
- gaz pour climatisation et frigos
- et bien d'autres applications auquelle je ne pense pas... a vos claviers.
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citro a écrit :En attendant, le CO2 a de plus en plus de débouchés industriels:
- sablage cryogénique (par exemple pour enlever la viande collée aux os dans les usines à viande) quand les cristaux de CO2 percutent la surface à "sabler" ils ont une action mécanique ET thermique et le CO2 se vaporise. Il ne mouille pas, n'oxyde pas et ne laisse aucuns résidus.
- gaz pour climatisation et frigos
- et bien d'autres applications auquelle je ne pense pas... a vos claviers.
..tant mieux, espérons qu'ils (les scientifiques) vont trouver plein d'utilisations pour qu'il reste au sol et soit réutilisé dans une réaction chimique. Il faudrait trouver la soluc pour les échappements des véhicules à moteur à explosion !!!
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Ce n'est que quand il aura fait tomber le dernier arbre, contaminé le dernier ruisseau, pêché le dernier poisson que l'homme s'apercevra que l'argent n'est pas comestible (Indien MOHAWK).
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