Développement durable peut rimer avec rentabilité
Les entreprises, qui ont investi dans le recyclage et anticipé les attentes environnementales, sont doublement gagnantes aujourd’hui
Tel Monsieur Jourdain avec la prose, Xerox, le géant américain de l’imprimante, faisait depuis un quart de siècle du « développement durable » sans le savoir. Par bon sens. Et, surtout, souci d’économies. Parce que réutiliser la matière des produits périmés, plutôt que de la laisser partir aux ordures ou alimenter le marché de l’occasion, permet de vendre moins cher les machines neuves, et donc de grappiller des parts de marché à la concurrence.
« Plus de 90 % de nos imprimantes font l’objet d’un contrat de location. Ce qui nous permet de maîtriser le retour de la machine pour le recyclage. Il ne s’agit pas d’un effet de mode pour nous, insiste Jacques Guers, le pdg de Xerox France, car le coût de revient de nos imprimantes tient compte de la réutilisation de 95 % du poids des anciennes machines. Il serait donc plus coûteux pour nous de ne pas les récupérer. »
Dans le contexte de prise de conscience du changement climatique, et alors qu’il est de bon ton de joindre un volumineux rapport sur le développement durable à ses comptes annuels, Xerox se retrouve érigé au rang d’entreprise citoyenne. À ceci près qu’un géant de l’imprimante, par ses activités, conduit à la surconsommation de papier (et donc d’arbres) et de cartouches d’encres (aux contenants peu écologiques).
Un milliard de dollars dans la recherche-développement
Pour contrer ce double procès, mais aussi se préparer à la société de la dématérialisation, le groupe investit un milliard de dollars (730 millions d’euros, soit 6 % du chiffre d’affaires) dans la recherche-développement. Un procédé d’encre, disparaissant 16 heures plus tard, est en cours de finalisation. Ce « papier temporaire » est destiné aux e-mails que l’on imprime pour une lecture plus confortable, mais non pour archiver.
Par ailleurs, des bâtons de cire colorés tendent à remplacer les anciennes cartouches, réduisant ainsi 80 % des déchets. « Le développement durable a un coût s’il est mal intégré. S’il s’inscrit au cœur du processus de production, vous ne pouvez plus vous en passer économiquement », conclut Jacques Guers.
Le géant américain de l’électroménager Whirlpool a lui aussi généralisé la pratique du recyclage. «Les mesures responsables prises aujourd’hui produiront les avantages compétitifs de demain» est le credo de cette entreprise, qui se targue d’avoir été l’une des premières à signer, en 2003, le protocole de Kyoto.
Whirlpool s’est ainsi engagée « à réduire de 3 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2008 dans un contexte d’augmentation de la production mondiale de 40 % sur la prochaine décennie ». À cette fin, les laboratoires du groupe planchent sur la réutilisation de l’eau du dernier lavage (pratiquement propre) pour la prochaine lessive ou encore le fonctionnement d’une partie des cycles de lavage à l’énergie solaire (à l’aide d’une batterie photovoltaïque).
Une plante aux vertus nettoyantes
Il est aussi question de pouvoir utiliser une plante aux vertus nettoyantes ou encore une machine ne nécessitant plus aucun détergent. « Il s’agit de créer de la valeur ajoutée pour l’avenir. Nous pensons que d’ici à 50 ans, les produits qui consomment trop d’énergie seront bannis du marché », résume Jean-Jacques Blanc, le nouveau président de Wirlpool France.
Cette vision était partagée par la plupart des participants de la conférence sur les investissements internationaux, qui s’est déroulée à La Baule fin juin et dont le thème était l’environnement. Le PDG de Veolia Environnement Henri Proglio, a ainsi insisté ainsi sur l’« absolue nécessité » pour les entreprises d’instaurer « un nouveau modèle économique permettant d’asseoir leur rentabilité sur une gestion globale de la problématique environnementale ».
Selon lui, les entreprises doivent miser sur la recherche-développement et la formation afin de mettre en place des solutions permettant de « réduire l’utilisation des ressources naturelles, rationaliser les volumes de transport et valoriser les déchets ».
DoCoMo, le géant nippon de la téléphonie mobile a par exemple signé une charte environnementale dans laquelle il s’engage à produire des téléphones écologiques (utilisant un maximum de produits recyclés et fabriqués à partir de substances moins nocives pour l’environnement).
3,4 millions d’emplois
Plus anecdotique, les salariés escaladent chaque année le mont Fuji pour sensibiliser au réchauffement de la planète. Ces derniers sont aussi autorisés à ôter leur veste et leur cravate dès qu’il fait 25° pour éviter de trop forcer sur la climatisation, particulièrement nocive pour l’environnement.
Pour le PDG du conglomérat américain General Electric (GE) Jeffrey Immelt, le respect de l’environnement offre même une nouvelle source de rentabilité et d’emplois. « Les nouvelles technologies liées à l’environnement n’en sont qu’à leur début. Leur développement est ce qui va nous permettre de créer des emplois et de développer nos activités si nous savons l’aborder correctement. »
Aujourd’hui en Europe, les activités liées à la préservation de l’environnement et aux écotechnologies représentent près de 3,4 millions d’emplois, selon l’office statistique européen Eurostat. Pour la seule année 2006, les nouveaux investissements étrangers produits par la bonne image et les innovations européennes en matière d’environnement ont permis de créer 40.000 emplois, d’après le cabinet d’audit Ernst & Young.
Ces nouveaux métiers, liés à la préoccupation environnementale, pourraient faire progresser l’emploi en Europe de 1,5 % d’ici à 2030, d’après les experts européens. Ces mutations devraient cependant entraîner une profonde réaffectation de postes entre secteurs, selon la Commission européenne.
D’ici à 2030, ceux de l’équipement (+ 50 000 emplois), du logement (+2,5 millions), des énergies renouvelables (+ 50%) ou du transport (+ 500 000) verront leurs effectifs progresser. À l’inverse, la sidérurgie pourrait perdre jusqu’à 50.000 emplois, de même que le secteur pétrolier (– 20 000) ou la production électrique (– 20 %).
Aude CARASCO
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