PARIS (Reuters) - Le groupe Total et trois autres personnes physiques et morales ont été condamnés à des amendes et un total de 192 millions d'euros de réparations pour "pollution maritime" lors du naufrage du pétrolier Erika survenu au large de la Bretagne en 1999.
Après huit ans de procédure et quatre mois de procès l'été dernier, le tribunal correctionnel de Paris reconnaît en outre le droit pour les associations de protection de la nature à obtenir réparation des dommages à l'environnement, une victoire proche de la reconnaissance du "préjudice écologique", qu'elle demandait.
Ce droit d'indemnisation est cependant explicitement réservé par le tribunal aux associations. Les communes, départements et régions sont toujours limitées au seul droit de faire indemniser leur préjudice propre.
Parmi la centaine de parties civiles - régions, départements, communes, État français, associations -, l'État obtient à lui seul 153,8 millions d'euros.
Les parties civiles demandaient au total environ un milliard d'euros de réparations.
Ce jugement marque une avancée dans la jurisprudence française en matière de transport maritime car c'est la première fois que la responsabilité d'une compagnie pétrolière est reconnue dans un dossier de pollution majeur.
Les juges estiment que le groupe n'était pas juridiquement l'affréteur de l'Erika. Il est condamné car il exerçait de facto un contrôle sur l'état du navire, disent-ils.
La filière transport de Total, qui est juridiquement l'affréteur de l'Erika, est relaxée.
Le service chargé du "vetting" (inspection des navires avant affrètement, menée par Total) était juridiquement rattachée au groupe Total SA, remarque le tribunal. Ce qui fait qu'il s'est chargé d'une mission de contrôle de fait, dit-il.
L'Erika, navire vieux de 24 ans battant pavillon maltais, s'était brisé en deux le 12 décembre 1999 dans une tempête avant de sombrer et de déverser 20.000 tonnes de fioul sur 400 km de côtes, tuant des dizaines de milliers d'oiseaux et ravageant la faune et la flore marines.
Première société française en importance et quatrième groupe pétrolier privé mondial, Total SA est condamné à 375.000 euros d'amende sur le plan pénal, la peine maximale prévue pour pollution maritime pour une personne morale.
APPEL PROBABLE
Le tribunal relaxe en revanche la société de l'autre chef de "complicité de mise en danger d'autrui". Une autre personne morale, l'organisme de contrôle maritime italien Rina, de réputation mondiale, est condamné à 175.000 euros d'amende.
Giuseppe Savarese, ex-propriétaire italien du navire, et Antonio Pollara, ex-gestionnaire de l'Erika, sont sanctionnés de 75.000 d'amende chacun. Le capitaine indien du pétrolier, Karun Mathur, absent du procès et sous mandat d'arrêt, est relaxé.
Sont aussi relaxés les deux filiales de Total, Total Petroleum services et Total transport, ainsi que Gianpiero Ponasso, cadre du Rina, Bertrand Thouillin, ancien responsable de la sécurité de Total, Alessandro Ducci et Mauro Clemente, deux Italiens qui ont sous-affrété l'Erika à Total pour son dernier voyage.
Sont aussi blanchis par le tribunal trois militaires (dont l'amiral Michel de Fresse de Monval) et un employé civil de la préfecture maritime de Brest, mis en examen pour de supposées négligences dans l'organisation des secours.
Total, qui se dit totalement innocent, ainsi que les autres condamnés qui ont tous plaidé la relaxe au procès, devraient faire appel du jugement, ce qui suspendra les sanctions. Un autre procès devrait donc être organisé dans environ un an à Paris.
Les parties civiles réclamaient au total environ un milliard d'euros, dont 153 millions pour l'État.
Source : Yahoo actualités