Faut-il se méfier des répulsifs anti-moustiques ?
Marc Ollivier
Les lotions répulsives anti-moustiques contiennent du DEET, un agent qui serait dangereux. : Marc Ollivier
Des laboratoires français, dont celui d'Angers, ont mis en évidence la toxicité de ces produits sur les systèmes nerveux des insectes... mais aussi des mammifères.
« On a galéré pour publier ces résultats car il a fallu lever pas mal de freins », avoue le professeur Bruno Lapied, chercheur à l'université d'Angers. L'étude vient d'être publiée dans la revue américaine BioMed central biology.
Depuis trois ans, une équipe internationale, pilotée par les Français Vincent Corbel (Montpellier) et Bruno Lapied (Angers), travaille sur la toxicité neurologique du diéthyltoluamide (DEET), présent dans la plupart des répulsifs qu'on utilise pour se protéger des piqûres de moustiques. Quelque 200 millions de personnes font usage chaque année de ce produit appliqué sur la peau humaine depuis cinquante ans.
Cosmétique ou pesticide ?
« En effectuant des tests, nous avons remarqué qu'à des doses moyennes, ce composé provoque la mort du moustique alors qu'il n'est pas censé jouer le rôle d'un insecticide », révèle Bruno Lapied. Précisément, et ce qui constitue la surprise de cette étude, le DEET aurait des effets neurotoxiques sur une enzyme clé du système nerveux central, l'acéthylcholinestérase, également présente chez les mammifères, et l'homme en particulier.
On sait très peu de choses sur le DEET. Empêche-t-il la localisation de l'humain aux yeux d'un moustique ? Brouille-t-il son odorat ? Ce qui est sûr, à présent, « c'est qu'il peut perturber l'influx nerveux d'un sujet et la connexion entre les nerfs et les muscles », a observé Bruno Lapied lors de tests in vitro.
Le DEET est-il dangereux pour l'être humain ? « Il est trop tôt pour le dire, note son collègue, Vincent Corbel, chercheur à Montpellier. Mais, sur des insectes ou des petits mammifères, cette neurotoxicité peut aboutir à la mort du sujet puisqu'il empêche la transmission nerveuse ». Les chercheurs ne veulent pas crier à la catastrophe. « Nous ne disons pas que les bombes anti-moustiques peuvent tuer les hommes, prévient Vincent Corbel, mais qu'il faut être prudent et continuer nos recherches. »
Ces recherches pourraient aboutir à une reclassification du DEET qui relève actuellement de la réglementation des cosmétiques et non de celle, plus stricte, des pesticides. « La toxicité du DEET est reconnue et on le déconseille aux femmes enceintes et aux enfants, indique-t-on auprès du laboratoire pharmaceutique AIM, dont le siège social est situé en Bretagne à Chatelaudren, à 20 km de Saint-Brieuc. Pour nos sprays anti-moustiques, nous préférons utiliser une autre molécule, le 35/35, qui lui, ne présenterait pas les mêmes effets neurotoxiques ».
Des recherches complémentaires vont avoir lieu d'ici à la fin de l'année sur de petits rongeurs pour mieux connaître le mode d'action du DEET. « Il faut encore analyser ce composé et son interaction avec d'autres médicaments ou pesticides », ajoute Bruno Lapied. Associé à d'autres substances, le DEET pourrait provoquer un cocktail dangereux.
Les chercheurs font notamment allusion au syndrome de la guerre du Golfe. « On sait que les soldats américains utilisaient des répulsifs anti-moustiques à fortes doses, associés à d'autres produits. » Ce mélange pourrait peut-être expliquer les pathologies neurologiques, allant de la perte d'équilibre au cancer du cerveau, dont certains vétérans de la guerre du Golfe ont été victimes.
Arnaud WAJDZIK.
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