Laurent: Excusez-moi, mais je ne suis pas certain d'avoir vraiment compris comment va "marcher" cette taxe et surtout comment elle peut m'inciter à consommer moins de CO2
En fait, la taxe carbone porte sur tous les combustibles d'origine fossile : gaz, charbon, fioul et carburants gasoil et super.Elle est proportionnelle au volume de ces gaz, en fonction des quantités de CO2 liées à leur utilisation. Quand on utilise 1 l de pétrole, on le brûle, et cela émet du CO2. La taxe sera fixe par rapport à chaque unité.
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Par exemple pour 1 litre de super, ce sera 4 centimes, pour le diesel, environ 4,8 centimes. A chaque fois qu'un utilisateur utilisera un litre, il paiera cette taxe. Plus il utilise de litres, plus il paie de taxes, donc il est incité à en utiliser moins qu'auparavant. Et c'est pareil pour tous les autres combustibles fossiles.
chris: Un prix à la tonne de dioxyde de carbone rejeté aussi bas (17 euros) peut-il avoir une incidence sur les habitudes des Francais ?
Le prix à 17 euros a clairement moins d'incidence qu'un prix plus élevé. Mais on sait que ce prix va augmenter, donc c'est plus l'anticipation de cette augmentation qui va avoir un effet incitatif que le niveau initial, même si ce niveau initial aura un effet incitatif d'ores et déjà.
Si on prend un exemple, le remplacement d'une chaudière au fioul, on peut réduire le temps de retour sur investissement peut passer de 10 ans à 9 ans. Donc il y a un caractère incitatif. Si les gens anticipent une augmentation, ce caractère incitatif va augmenter.
Autre exemple : le prix du carburant va peu augmenter, mais par rapport à une augmentation du pétrole, cette augmentation sera pérenne. Et face à une augmentation qui commence bas, les gens ont une capacité immédiate de réaction pour réduire un peu leur consommation de carburant, par exemple en levant le pied pour diminuer leur vitesse, en évitant les accélérations et décélérations trop brusques et trop fréquentes, en limitant certains déplacements sur de petites distances en voiture (la moitié des déplacements se font sur des distances qui mettent 5 mn à pied).
TAZ: Est-ce que cette taxe carbone n'est pas une usine à gaz ? Les mécanismes de compensation sont complexes. Auriez-vous proposé un mécanisme plus simple et donc plus lisible et efficace ?
Je ne vais pas me prononcer sur le mécanisme de compensation qu'il aurait fallu mettre en place. Il y a souvent un discours dans les médias disant que cela ne sert à rien de mettre en place une taxe si elle est compensée par ailleurs. En fait, la taxe est proportionnelle au volume de combustible fossile qui est consommé, alors que la restitution est figée, forfaitaire.
Quelqu'un qui consomme plus de carburant ne verra pas la restitution augmenter. Il y a donc bien une incitation qui persiste, puisque la taxe augmentera, alors que la restitution ne changera pas.
Ben-Guetta: Quid des gens qui ne pourront pas prendre de mesures pour limiter leurs émissions de CO2 ? Je pense à ceux qui se déplacent déjà en transport en commun, qui se chauffe normalement etc. Ne pensez-vous pas qu'ils ne devraient tout simplement pas être assujettis à cette taxe ?
Déjà, les gens qui consomment peu de CO2, l'impact en termes de pouvoir d'achat sur leurs revenus sera très faible ou même positif, car ils auront un impact de la taxe très faible et auront la restitution. Ils seront gagnants. Donc on a bien un système qui favorise les gens peu émetteurs de CO2 et qui pèsent plus sur les autres. La restitution sera supérieure à ce qu'ils dépensent.
Fred: Que me propose-t-on aujourd'hui comme autre solution que l'essence dans ma voiture, le fioul ou le gaz pour me chauffer... ? Tout ça c'est bien gentil, mais...
Si on différencie tout ce qui est chauffage et transport, dans les transports, les alternatives pour réduire sa consommation sont la modification de la façon de conduire, réduire sa vitesse, conduire plus souplement, réduire les déplacements sur les courtes distances. Cela à court terme.
A moyen terme, on peut aussi modifier la façon dont on se déplace : utiliser les transports en commun quand c'est possible, ou changer son véhicule pour un véhiicule moins émetteur de CO2. Il y a actuellement des primes à la casse très incitatives. Il y a d'autres options, tel le covoiturage.
Pour ce qui est du chauffage, on a des options à court terme : on peut réduire la température légèrement chez soi, faire attention de ne pas laisser les chauffages allumés inutilement. Et à moyen terme, on peut travailler sur l'isolation de son logement, ou la modification du système de chauffage en changeant de chaudière par exemple. Il y a aussi des incitations : crédit d'impôt développement durable, éco-prêt à taux zéro, et pour installer des dispositifs d'énergie solaire, il y a un tarif de rachat pour ceux qui produiraient de l'électricité.
an heni bras: Ne vaudrait-il pas mieux également augmenter largement les aides aux investissements économisant l'énergie ?
C'est difficile de répondre. Le niveau des aides est une décision du gouvernement. Plus le niveau est élevé, plus les gens en profitent, mais cela fait des dépenses publiques.
pauld: La taxe carbone ne marque -t-elle pas la fin du chauffage gaz ou au fuel au détriment du 100 % chauffage électrique qui est une abberration écologique? La taxe carbone est-elle destinée à justifier les futurs EPR?
L'électricité en Europe et en France en particulier est soumise à une contrainte sur les émissions de CO2 à travers le système européen de quotas. Ce système limite dès aujourd'hui les émissions de CO2 de la production électrique et prévoit que l'ensemble des émissions des secteurs soumis à quotas soit réduit d'au moins 21 % d'ici à 2020. Donc les émissions de CO2 liées à l'électricité subissent une contrainte carbone.
Ensuite, la question est que cette contrainte carbone ne se retrouve pas systématiquement dans la facture du consommateur parce que les tarifs sont réglementés en France. Donc la question est plus de savoir si l'on veut modifier les tarifs réglementés que de savoir s'il faut élargir la taxe carbone à l'électricité, car on aurait alors deux contraintes sur l'électricité : une au niveau du consommateur, une au niveau du producteur, ce qui ferait double emploi.
TAZ: Pour avoir un réel impact, une telle taxe aurait dû être décidée au niveau de l'Union européenne, non ? Est-ce que cela a un sens de faire cavalier seul ? D'autres pays de l'UE vont-ils suivre l'exemple de la France ?
Sur cette question, déjà, la France n'est pas la seule à mettre en place la taxe carbone. Cinq autres pays en Europe l'ont fait : le Danemark, la Suède, la Finlande, la Grande-Bretagne et la Slovénie. L'Allemagne l'envisage à partir de 2012. Ensuite, tous les pays de l'UE ont pris des engagements à l'horizon 2020 pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, y compris les émissions des ménages et du transport.
Laurence Caramel
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