La dernière séance de négociations avant le sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique, qui se tiendra du 7 au 18 décembre, s'est achevée vendredi 6 novembre. A la tête du pôle international de l'ONG Réseau action climat France, Morgane Créach estime qu'"il faudra revoir les ambitions d'ici à Copenhague, sinon il n'y aura pas le consensus indispensable à la signature de traités internationaux".
A quoi la dernière semaine de négociations avant le sommet de Copenhague de décembre a-t-elle abouti ?
Il n'y a aucun dossier qui fasse consensus. Et rien n'a avancé sur le fond, tout simplement parce que les négociateurs envoyés par les ministères n'ont pas le mandat nécessaire pour s'engager sur les points sensibles. Mais il s'est passé quelque chose d'exceptionnel lundi : les pays africains, particulièrement vulnérables au réchauffement, ont claqué la porte des négociations pour dénoncer le fait que les pays industrialisés ne vont pas du tout assez loin dans leurs objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Ils sont finalement revenus, mais ils ont mis une pression qui paraît nécessaire : il faudra revoir les ambitions d'ici à Copenhague, sinon il n'y aura pas le consensus indispensable à la signature de traités internationaux.
Quels seraient les objectifs à atteindre, et à quoi s'engagent pour l'instant les principaux pays ?
Le GIEC [Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat] a estimé que les pays industrialisés doivent réduire leurs émissions de 25 à 40 % d'ici à 2020 par rapport à 1990 pour empêcher une hausse des températures de 2 °C. Les pays signataires du protocole de Kyoto, qui avait fixé un objectif de baisse de 5 % des émissions jusqu'à 2013, proposent pour l'instant des objectifs bien inférieurs, compris entre – 16 et – 23 %. Quant aux Etats-Unis, gros pays émetteur qui n'avait finalement pas ratifié Kyoto, ils sont prêts au mieux à une baisse de 7 %, ce qui ramènerait les objectifs des pays industrialisés dans une fourchette entre – 10 et – 18 %.
L'autre gros dossier est celui de l'aide à apporter aux pays en développement pour les aider à lutter contre le réchauffement climatique. Les annonces à ce sujet sont très décevantes : l'Union européenne a chiffré les besoins à 100 milliards d'euros par an jusqu'en 2020. Mais ses chefs d'Etats et de gouvernement, réunis en fin de semaine dernière, ont estimé que les pays industrialisés devaient y participer à hauteur de 22 à 50 milliards par an, le reste devant venir du privé et des pays en développement eux-mêmes. Et ils n'ont pas dit combien l'UE mettrait. Quant aux Etats-Unis, pays qui devrait être le deuxième plus gros contributeur, ils n'ont avancé aucun chiffre !
L'arrivée de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis n'a-t-elle donc pas changé la donne du côté américain ?
Si, dans la mesure où les Etats-Unis sont revenus à la table des négociations et évoquent désormais des objectifs chiffrés. Mais il leur reste beaucoup de chemin à faire ! Ils ne sont pas dans la logique de Kyoto, que l'UE soutient toujours, d'un accord par le haut : fixer un objectif global ensuite réparti entre les pays. Washington préfère que chaque pays se fixe un objectif et qu'on voie ce que ça donne. Et la Maison Blanche est hostile au système de sanctions supra-national prévu en cas de non-respect des objectifs de Kyoto. Dernier point : Barack Obama ne souhaite pas rééditer l'échec de Bill Clinton, qui avait signé Kyoto mais n'avait pas réussi à le faire ratifier par le Congrès américain. Il a donc voulu fixer des objectifs chiffrés dans une loi avant Copenhague. Or, le Congrès a pris du retard dans l'examen de ce texte, il risque de ne pas être adopté d'ici au sommet.
Dans ces conditions, à quoi risque d'aboutir le sommet de Copenhague ?
Pour l'instant, on s'oriente vers un accord au rabais. Il paraît très difficile d'aboutir à la solution prônée par les pays en développement et les ONG : d'une part, dans le cadre du protocole de Kyoto, une deuxième période d'engagement pour les pays industrialisés, avec des objectifs de réduction des émissions ambitieux ; d'autre part, dans le cadre de la convention climat adoptée en 1992 et regroupant tous les pays de l'ONU, un traité prévoyant un objectif de réduction des émissions des Etats-Unis aussi contraignant que celui de Kyoto et aidant par des financements nouveaux et publics les pays en développement à limiter leurs émissions et à s'adapter aux impacts dévastateurs des changements climatiques.
L'UE défend l'idée d'un seul et unique traité, car elle souhaite, comme tout le monde, que les Etats-Unis y prennent part. Mais le risque le plus important est de perdre la majeure partie des éléments essentiels du protocole de Kyoto, notamment son système de sanctions. Ce qui pourrait arranger par exemple le Canada, qui devait réduire ses émissions de 6 % et les a augmentées de 25 %...
Peut-on tabler sur un traité ?
On s'oriente plutôt vers une "décision" à Copenhague ou encore un accord politique, dont il n'est pas certain qu'ils renvoient à l'adoption dans les six mois d'un traité, lequel aurait l'avantage d'être juridiquement contraignant. Il faut espérer que l'UE revoie ses objectifs de réduction et ses aides à la hausse, afin de construire une coalition avec les pays en développement pour isoler les Etats-Unis. Il faut espérer que Barack Obama sera présent, ce qui n'est pas certain, et que, si sa loi n'est pas passée, il prendra quand même le risque politique d'annoncer des objectifs chiffrés.
La pression des opinions publiques jouera aussi. Les ONG du monde entier ont lancé des pétitions dans le cadre de la campagne Tck tck tck. En France, cet "ultimatum climatique" s'est fixé l'objectif de recueillir un million de signatures d'ici au 18 décembre, dernier jour du sommet de Copenhague. L'objectif est loin d'être atteint, or ce mandat des citoyens à leurs chefs d'Etat est essentiel pour obtenir un accord ambitieux sur le climat.
http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/11/06/climat-on-s-oriente-vers-un-accord-au-rabais-a-copenhague_1263928_3244.html