Solar Impulse 2 : «Nous avons encore besoin de 30 millions»
Le Figaro 23 Sept 2012
INTERVIEW - Bertrand Piccard, le confondateur du projet Solar Impulse, détaille au Figaro ses projets et lance un appel pour trouver de nouveaux partenaires.
LE FIGARO. - Comment l'industrie aéronautique a-t-elle accueilli le projet du Solar Impulse?
Bertrand PICCARD. - Avec André Borschberg, nous voulions sous-traiter la construction de l'appareil à un avionneur. Nous avons rencontré cinq constructeurs aéronautiques, y compris d'avions de ligne. Aucun n'a été convaincu. Le projet était jugé sans intérêt ou irréalisable. André a constitué une équipe technique et nous avons développé notre propre unité de production à Dübendorf. C'est le chantier naval suisse de hautes technologies, Decision SA, qui fournit les éléments de structure de l'appareil, notamment les longerons des ailes. Il a aussi réalisé une partie de l'hydroptère DCNS, le trimaran d'Alain Thébault. En 2004, Dassault Aviation est entré dans le projet comme avionneur conseil et a été le «gardien de la réalité aéronautique».
Près de dix ans après le début de l'aventure, où en êtes-vous financièrement?
Depuis que nous avons lancé le projet en 2003, nous avons en permanence un an de visibilité financière. C'est toujours le cas aujourd'hui. Nous avons encore besoin de 30 millions d'euros pour boucler notre budget, c'est-à-dire achever la construction du deuxième appareil, réaliser le tour du monde en 2015 et mener à bien nos actions éducatives. Entre 2003 et 2015, nous aurons consommé 110 millions d'euros, soit 4% du budget d'une écurie de Formule 1 sur la même période. Nous cherchons donc de nouveaux partenaires. Nous allons prochainement annoncer l'arrivée d'un assureur à nos côtés. Il y a aussi d'autres domaines qui nous intéressent comme Renault ou Schneider Electric. Nous aimerions motiver un spécialiste des IT (Internet, communication) et un pétrolier comme Total qui a racheté Sun Power, le fournisseur des cellules solaires du Solar Impulse.
Pourquoi avez-vous décalé votre tour du monde d'un an?
Lors de tests, la partie centrale du longeron de l'aile du Solar Impulse 2 a cassé car nous avons poussé les technologies d'allégement des pièces à leur extrême limite. D'où un décalage de trois mois sur notre calendrier, ce qui reporte le départ à la saison printemps-été 2015.
Quel sera l'apport du Solar Impulse 2 par rapport au premier?
Le premier avion a été développé avec les technologies d'hier. C'est un démonstrateur: ces technologies sont capables de faire voler un avion jour et nuit sans carburant fossile. Les moteurs électriques du Solar Impulse ont un rendement de 92%, les 26 phares consomment 100 watts, soit l'équivalent de deux ampoules de lampe de chevet grâce aux LED… Si l'on utilisait massivement ces technologies, on diviserait par deux notre consommation d'énergie fossile quotidienne. Les industriels sont prêts à lancer la fabrication en série pourvu qu'il existe un cadre légal qui impose ces technologies. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Parallèlement, il faut accélérer les investissements dans les énergies renouvelables, car la plupart sont déjà rentables. Le second appareil va plus loin avec les technologies de demain. Decision SA a développé des feuilles de carbone trois fois plus légères, de 25 grammes par mètre carré. À comparer avec 80 grammes par mètre carré pour une feuille de papier. Les avionneurs s'intéressent au procédé de Decision SA.
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