L’affaire des iPods qui explosent
Ellie Stanborough L’incident de l’iPod explosé de l’adolescente anglaise Ellie Stanborough est devenu en quelque jours l’emblème d’un problème plus vaste d’iPods supposés défectueux. Mais la firme californienne est-elle vraiment responsable ?
Ellie Stanborough et son iPod explosé. (Crédit : Steve Morgan/The Times)
L’histoire commence ainsi. Ken Stanborough, habitant à Liverpool en Angleterre, fait tomber l’iPod de sa fille Ellie, 11 ans. L’appareil ne supporte visiblement pas le choc : “Il sifflait, je pouvais le sentir chauffer dans ma main et je croyais voir de la fumée” rapporte-t-il au Times. Il le jette immédiatement au dehors où l’engin explose, faisant, affirme-t-il, un bond de 3 mètres au dessus du sol.
Cherchant à se faire rembourser, Mr Stanborough contacte son revendeur, puis Apple. Plus tard, il reçoit une lettre de réponse, dans laquelle Apple refuse d’endosser la responsabilité de l’incident, l’appareil n’étant plus sous garantie, mais propose tout de même un remboursement. En échange, la firme à la pomme exige la complète confidentialité de l’accord, sous peine de poursuites. “J’ai pensé que cette lettre était très dérangeante” raconte-t-il “ils nous condamnaient, moi, ma fille et sa mère, à ne jamais rien dire à personne”. Il refusera donc de la signer. Et l’affaire sortira au grand jour.
Impossible de ne pas voir de corrélation avec de précédents événements. En novembre 2008, Amy Clancy, journaliste pour la chaîne de TV américaine Kiro 7, se voit refuser l’accès à des documents de la Consumer Product Safety Commission, chargée de traiter ce genre de problème, dans le cadre de son enquête sur un cas de brûlure liée à l’iPod. La CPSD répond finalement plusieurs mois plus tard à sa requête en lui remettant un document de 800 pages démontrant qu’Apple était déjà au courant de la quinzaine d’incidents, surchauffes ou explosions d’iPods, survenus depuis 2005 et ayant parfois causé des blessures.
Autre cas, celui des 4 incidents similaires d’iPods Nano première génération en Corée du Sud, qui ont conduit Apple à rappeler 155 000 de ses baladeurs en juillet dernier. Ou encore, les investigations menées par le ministère japonais de l’Industrie suite à des problèmes du même ordre.
Dans chacun de ces événements, c’est la batterie Lithium-Ion, équipant les baladeurs de la firme californienne, qui est pointée du doigt. “La technologie Lithium-Ion a des avantages et des défauts, explique Denis Mielle, directeur de la société GP Batterie France, elle permet un stockage important dans un faible espace et pour un poids réduit, mais c’est aussi une technologie pointue, sensible et complexe qui nécessite des sécurités”, poursuit-il. “Un des problèmes est d’arrêter la charge au moment opportun, sans quoi la chimie interne de la batterie peut chauffer, voir s’enflammer”. Autrement dit, si les sécurités permettant de couper l’arrivée de courant à la fin de la charge sont défectueuses, elles peuvent être la cause de surchauffes et d’explosions, ce qui attribuerait la responsabilité à Apple.
Un autre problème de la batterie Litium-Ion est sa resistance aux chocs. “Si la batterie est endommagée, du gaz peut s’échapper et elle peut gonfler, s’enflammer jusqu’à explosion” continue Denis Mielle. L’utilisation d’un mauvais chargeur ou une rupture d’étanchéité de la batterie à la suite d’une chute peuvent donc tout aussi bien renvoyer la résponsabilité à l’utilisateur. “Les constructeurs, surtout les plus gros, sont au courant et font très attention aux problèmes de batterie Lithium-Ion, et il faut relativiser le nombre d’incidents par rapport au nombre de produits mis sur le marché” défend Denis Mielle.
Si la responsabilité d’Apple n’est donc pas certaine, on comprend mal le contenu de la lettre adressée à Ken Stanborough. “C’est maladroit de leur part d’avoir exigé de la confidentialité dans un courrier qui ne l’est pas du tout et qui a fini, du coup, partout dans la presse” s’étonne Ségolène Rouillé-Nirza, avocate en droit des nouvelles technologies, “ça laisse supposer qu’Apple voudrait cacher quelque chose”. Et de conclure qu’ “il faudrait faire effectuer une expertise technique sur l’appareil pour déterminer à qui incombe vraiment la responsabilité”. Sans ça, et dans une affaire dans laquelle un bien de grande consommation peut physiquement porter atteinte à son utilisateur, difficile de ne pas trancher en faveur de la responsabilité du constructeur.
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par Igal Kohen, le 07 août 2009