L'Internet du futur
L'histoire du réseau Internet est celle d'une fabuleuse collaboration entre des gens de domaines totalement différents qui, en combinant leurs efforts, ont réussi à créer ce que nous connaissons aujourd'hui comme étant le World Wide Web. Le consortium Internet2 tente à son tour de combiner les efforts de spécialistes de divers domaines afin de créer l'Internet du futur, le réseau Abilene.
Commençons par un résumé rapide de l'histoire du réseau Internet actuel (commercial). Il a été d'abord principalement créé aux États-Unis. Il est le descendant du réseau ARPANET créé, lui, par l'Advanced Research Projects Agency (ARPA) du département américain de la Défense en 1969. En 1983, le réseau passe au TCP/IP, le protocole de communication actuel d'Internet. En 1986, la National Science Foundation se joint à l'équipe en créant la colonne vertébrale du réseau, soit les connexions entre les universités majeures des États-Unis. Finalement, en août 1991, Tim Berners-Lee annonce son projet d'un réseau mondial accessible à tous : le World Wide Web, popularisé en 1993 par le lancement de Mosaic, le premier véritable navigateur populaire du Web. C'est donc une histoire de collaboration entre l'armée, les universitaires et les informaticiens qui a donné naissance à cet incroyable outil qui fait maintenant partie de la vie de tous les jours.
Internet 2
L'idée derrière la formation du consortium Internet2 est de recréer cet esprit de collaboration à l'origine du réseau Internet afin de créer le réseau de la nouvelle génération. Internet2 est un consortium dont font partie 207 universités qui travaillent en partenariat avec l'industrie informatique et les gouvernements. Ce consortium a pour but de créer un réseau avancé pour la communauté de la recherche scientifique, de développer de nouveaux services révolutionnaires pour Internet et de s'assurer de leur utilisation rapide dans l'Internet conventionnel lorsque ceux-ci sont prêts et testés.
En plus des universités, la communauté d'Internet2 regroupe 70 compagnies et 40 organisations, dont des centres de recherche du gouvernement américain. Tous travaillent en collaboration avec plus de 30 réseaux du genre dans le monde dont CA*net 4 au Canada. Leurs efforts se concentrent entre autres sur de nouvelles applications des réseaux permettant un accès interactif à des ressources d'une façon qui serait impossible par l'Internet traditionnel. L'éducation à distance, l'accès à des instruments scientifiques éloignés, l'accès à d'énormes bases de données et des conférences vidéo interactives à très haute définition sont quelques-unes des utilisations possibles du réseau.
Les nouveautés en développement sur les réseaux d'Internet2 seront utilisées dans le futur sur l'Internet conventionnel. L'un des développements majeurs qui permettra l'expansion de l'Internet commercial sera le IPv6. Il s'agit de la version 6 de l'Internet Protocol (IP). L'une des applications les plus connues de l'Internet Protocol est l'adresse IP. Il s'agit de l'adresse de chacun des ordinateurs et serveurs connectés aux réseaux, un peu comme les adresses de résidence et de bureau. Dans le cas de l'Internet traditionnel, le Ipv4 est présentement utilisé. Celui-ci spécifie une adresse de 4 groupes de 3 chiffres allants de 0 à 255. Par exemple, votre ordinateur pourrait avoir l'adresse suivante : 207.142.131.235.
Ce type d'adresse ne permet que 4 milliards d'adresses IP. Ce nombre est suffisant pour le moment, mais avec le développement informatique partout en Asie et de nouveaux services demandant leurs adresses individuelles, il deviendra insuffisant d'ici 2025. Le IPv6, lui, est composé de 8 groupes de 4 caractères hexadécimaux (chiffres de 0 à 9 et lettres de A à F). Une adresse en IPv6 pourrait être:
2001:0db8:85a3:08d3:1319:8a2e:0370:7334 ; le IPv6 permet la création de 3,4 x 10 38 adresses (34 suivi de 37 zéros). Pour donner une idée de grandeur, on pourrait avec ce système donner 6,7 x 10 17 (670 millions de milliards) d'adresses IP par millimètre carré de la planète. Assez pour durer quelque temps, espérons.
Abilène
Le réseau sur lequel toutes les technologies de l'Internet du futur sont développées par Internet2 s'appelle Abilene. Son nom lui vient d'un tronçon de chemin de fer qui se terminait à Abilene au Kansas dans les années 1860. L'ambitieux projet de chemin de fer du 19e siècle faisait du terminus le plus éloigné de la côte est des États-Unis la frontière du pays en croissance. Les concepteurs du projet pensent que tout comme le réseau ferroviaire a permis l'exploration et le développement de nouvelles technologies et le changement du mode de vie des gens de l'époque, le réseau Abilene transforme le travail des chercheurs et des éducateurs d'aujourd'hui et le monde de demain.
Le tout commença lors d'une cérémonie à la Maison Blanche le 14 avril 1998 où le vice-président de l'époque, Al Gore, annonça le projet. Le réseau fut entièrement déployé en 1999 et permettait des transferts à 2,5 gigabits par seconde. Si l'on compare cette vitesse de transfert à la vitesse des cartes Fast Ethernet, celles-ci ne sont qu'à 100 mégabits, soit environ 250 fois moins rapide. On voit donc tout de suite qu'avec une telle vitesse de transmission de données, beaucoup de choses deviennent possibles. En 2004, la vitesse du réseau Abilene est passée à 10 gigabits par seconde, soit environ 1000 fois plus rapide que l'Internet commercial, ce qui permet de transmettre facilement des vidéoconférences avec de la vidéo haute définition.
La participation au réseau Abilene n'est pas gratuite : il en coûtera 28 500 $US aux universités et aux grandes entreprises pour avoir accès au réseau et 11 500 $US aux plus petites entreprises et aux membres affiliés. Les membres se doivent aussi de respecter un code de conduite qui n'autorise aucune activité commerciale sur le réseau Abilene. Les universités et les compagnies doivent s'assurer que ce type d'utilisation passe par l'Internet conventionnel et que seule l'utilisation pour la recherche utilise le haut débit d'Abilene. Il s'agit là d'une surveillance assez difficile à mettre en place puisque, dernièrement, 405 étudiants ont été accusés par la RIAA (Industrie américaine du disque) d'utilisation illégale du réseau Abilene pour l'échange de fichiers musicaux protégés par les droits d'auteurs, un peu comme sur le réseau Internet.
CA*net 4
Du côté canadien, un réseau semblable se développe aussi. Canarie, un organisme sans but lucratif soutenu par ses membres, par ses partenaires de projet et par le gouvernement fédéral, a pour mission d'accélérer l'aménagement et l'utilisation de l'Internet évolué au Canada en encourageant l'adoption généralisée de réseaux plus rapides et plus efficaces et en préparant la prochaine génération de produits, d'applications et de services évolués. Une mission semblable à Internet2 avec un réseau semblable à Abilene, le CA*net 4 qui roule, lui aussi, à 10 gigabits par seconde.
L'une des applications directes de ce réseau est le développement d'un réseau de vidéoconférence haute définition et sans délai à l'Université McGill de Montréal : l'Ultravideo Conférence. Ce système permet à ses utilisateurs de discuter en temps réel d'une ville à l'autre par l'entremise de 3 écrans géants de 64 pouces. Ce système sera testé sous peu, mais un système précédant a déjà démontré qu'il était même possible de jouer de la musique en duo par ce système tant le son est clair et le délai à peine perceptible. Voilà l'une des nombreuses applications des super réseaux qui travaillent à forger l'Internet de demain.
Par Jean-François Gélinas
Source:
http://www.quebecmicro.com/dossier_juillet.php