Publié : 04/11/03, 14:50
Voici l'article de la semaine de Mr Allègre paru dans l'Express et titré comme ce post.
"Le fait que nous produisions 80% de notre énergie à l'aide de centrales nucléaires est à l'origine de notre indépendance énergétique et de notre prospérité. Sans le nucléaire, nous aurions dépensé au cours des deux crises du Golfe près de 500 milliards d'euros supplémentaires. En outre, le nucléaire est la seule source d'énergie qui ne contribue pas à augmenter le CO2 de l'atmosphère, autrement dit l'effet de serre. Ce qui nous permet d'adopter la posture de donneurs de leçons sur le protocole de Kyoto. Donc, plus que jamais, nous devons conforter et réaffirmer cette option.
Les Allemands l'ont abandonnée. Lourde erreur. Malgré la pression des Verts, le gouvernement français, lui, n'a jamais cédé. Je gage qu'en Allemagne une majorité quelconque, dès qu'elle n'aura plus besoin des Grünen, reviendra sur cette absurde décision.
Mais il faut ajouter que, si l'énergie nucléaire est à présent supérieure aux autres sources d'énergie, elle n'est pas parfaite. Il demeure en effet le problème des déchets radioactifs, dont certains vont rester actifs plus de 1 million d'années. Il faut donc prendre de sérieuses précautions pour ne pas contaminer les générations futures. Et dire que, même si l'on a évité l'absurde stockage des déchets à grande profondeur, les dispositifs actuels ne sont pas sans risques, malgré tous les progrès qui ont été faits dans l'industrie du retraitement et du confinement.
Dans ce contexte, que penser d'un débat national sur l'énergie et quelles décisions urgentes devrait-on prendre? Le gouvernement doit décider, d'une part, de s'engager ou non dans le programme EPR et, d'autre part, de financer ou non en majorité le projet Iter de recherche sur la fusion, qui s'installerait alors à Cadarache, en Provence. Disons-le sans détour: il n'y a pas urgence, car l'énergie, en France, n'est pas un problème d'actualité. Nos centrales nucléaires peuvent fonctionner jusqu'en 2040. On prévoyait pour elles une durée de trente ans, mais, à l'expérience, leur usure est faible. Elles pourront durer soixante ans. Comme elles ont en moyenne dix-huit ans d'âge, calculez! Les Américains délivrent d'ailleurs, aujourd'hui, des licences pour soixante ans d'exploitation des centrales. Si l'on pense qu'il faudra dix ans pour construire un nouveau parc, toute nouvelle décision peut attendre 2020!
L'EPR, réacteur à eau pressurisée, utilisant une technologie beaucoup plus moderne que les réacteurs actuels, la sécurité en sera renforcée et l'efficacité augmentée. Pour autant, ce ne sera pas la solution aux problèmes de déchets qui nous préoccupent: l'EPR produira presque autant de déchets à vie longue que les centrales actuelles. Par ailleurs, pour qu'il soit économiquement rentable, il faudrait en construire une quinzaine d'exemplaires, alors que la France ne doit en lancer qu'un seul, en raison de sa surcapacité de production d'énergie. L'argument de l'exportation est également caduc, les besoins des acheteurs éventuels, comme les Chinois, correspondant à des centrales bien plus puissantes que les EPR. Il faut donc dire non à l'EPR! Mais ne le faisons pas au cours de telle ou telle réunion avec les Verts, qui donnerait l'impression d'une volonté préconçue d'abandon du nucléaire. On ne joue pas pour des raisons de politique politicienne avec l'avenir de la France!
Nous avons, dans notre pays, un organisme de recherche d'une qualité exceptionnelle qui s'appelle le Commissariat à l'énergie atomique. Cet organisme a su, à travers le temps, allier recherches fondamentale et appliquée. C'est aujourd'hui le seul interlocuteur respecté par les Américains en matière nucléaire. Aidons-le à développer les réacteurs de quatrième génération, sur lesquels il travaille depuis 1998 et qui fournissent de l'énergie sans déchets à vie longue. Au lieu de réduire son budget, comme on le fait actuellement, donnons au CEA les moyens de mener à bien sa tâche. Je ne doute pas qu'il réussisse en vingt ans à résoudre le difficile problème des déchets.
Quant à la fusion nucléaire, sur le papier, c'est la solution de tous les problèmes d'énergie «statique», puisqu'elle ne produit aucun déchet. Mais, depuis trente ans, on cherche à la domestiquer par le procédé Tomawak, sans aucun progrès décisif. La persévérance est parfois récompensée. Faut-il cependant que, dans un contexte budgétaire difficile, alors que notre indépendance énergétique est assurée pour quarante ans, nous financions l'essentiel du programme international Iter tandis que les Américains, les plus riches, ne vont y contribuer qu'au niveau de 10%? Là encore, il est urgent d'attendre. Le fait d'installer le site expérimental à Cadarache ne serait qu'un attrape-nigaud. Espérons que, au moment où la recherche française est étranglée, où les départs de nos chercheurs pour l'étranger se multiplient, on ne décidera pas de construire l'EPR, ce qui serait une injure à la raison!"
allegre.express@ipgp.jussieu.fr
"Le fait que nous produisions 80% de notre énergie à l'aide de centrales nucléaires est à l'origine de notre indépendance énergétique et de notre prospérité. Sans le nucléaire, nous aurions dépensé au cours des deux crises du Golfe près de 500 milliards d'euros supplémentaires. En outre, le nucléaire est la seule source d'énergie qui ne contribue pas à augmenter le CO2 de l'atmosphère, autrement dit l'effet de serre. Ce qui nous permet d'adopter la posture de donneurs de leçons sur le protocole de Kyoto. Donc, plus que jamais, nous devons conforter et réaffirmer cette option.
Les Allemands l'ont abandonnée. Lourde erreur. Malgré la pression des Verts, le gouvernement français, lui, n'a jamais cédé. Je gage qu'en Allemagne une majorité quelconque, dès qu'elle n'aura plus besoin des Grünen, reviendra sur cette absurde décision.
Mais il faut ajouter que, si l'énergie nucléaire est à présent supérieure aux autres sources d'énergie, elle n'est pas parfaite. Il demeure en effet le problème des déchets radioactifs, dont certains vont rester actifs plus de 1 million d'années. Il faut donc prendre de sérieuses précautions pour ne pas contaminer les générations futures. Et dire que, même si l'on a évité l'absurde stockage des déchets à grande profondeur, les dispositifs actuels ne sont pas sans risques, malgré tous les progrès qui ont été faits dans l'industrie du retraitement et du confinement.
Dans ce contexte, que penser d'un débat national sur l'énergie et quelles décisions urgentes devrait-on prendre? Le gouvernement doit décider, d'une part, de s'engager ou non dans le programme EPR et, d'autre part, de financer ou non en majorité le projet Iter de recherche sur la fusion, qui s'installerait alors à Cadarache, en Provence. Disons-le sans détour: il n'y a pas urgence, car l'énergie, en France, n'est pas un problème d'actualité. Nos centrales nucléaires peuvent fonctionner jusqu'en 2040. On prévoyait pour elles une durée de trente ans, mais, à l'expérience, leur usure est faible. Elles pourront durer soixante ans. Comme elles ont en moyenne dix-huit ans d'âge, calculez! Les Américains délivrent d'ailleurs, aujourd'hui, des licences pour soixante ans d'exploitation des centrales. Si l'on pense qu'il faudra dix ans pour construire un nouveau parc, toute nouvelle décision peut attendre 2020!
L'EPR, réacteur à eau pressurisée, utilisant une technologie beaucoup plus moderne que les réacteurs actuels, la sécurité en sera renforcée et l'efficacité augmentée. Pour autant, ce ne sera pas la solution aux problèmes de déchets qui nous préoccupent: l'EPR produira presque autant de déchets à vie longue que les centrales actuelles. Par ailleurs, pour qu'il soit économiquement rentable, il faudrait en construire une quinzaine d'exemplaires, alors que la France ne doit en lancer qu'un seul, en raison de sa surcapacité de production d'énergie. L'argument de l'exportation est également caduc, les besoins des acheteurs éventuels, comme les Chinois, correspondant à des centrales bien plus puissantes que les EPR. Il faut donc dire non à l'EPR! Mais ne le faisons pas au cours de telle ou telle réunion avec les Verts, qui donnerait l'impression d'une volonté préconçue d'abandon du nucléaire. On ne joue pas pour des raisons de politique politicienne avec l'avenir de la France!
Nous avons, dans notre pays, un organisme de recherche d'une qualité exceptionnelle qui s'appelle le Commissariat à l'énergie atomique. Cet organisme a su, à travers le temps, allier recherches fondamentale et appliquée. C'est aujourd'hui le seul interlocuteur respecté par les Américains en matière nucléaire. Aidons-le à développer les réacteurs de quatrième génération, sur lesquels il travaille depuis 1998 et qui fournissent de l'énergie sans déchets à vie longue. Au lieu de réduire son budget, comme on le fait actuellement, donnons au CEA les moyens de mener à bien sa tâche. Je ne doute pas qu'il réussisse en vingt ans à résoudre le difficile problème des déchets.
Quant à la fusion nucléaire, sur le papier, c'est la solution de tous les problèmes d'énergie «statique», puisqu'elle ne produit aucun déchet. Mais, depuis trente ans, on cherche à la domestiquer par le procédé Tomawak, sans aucun progrès décisif. La persévérance est parfois récompensée. Faut-il cependant que, dans un contexte budgétaire difficile, alors que notre indépendance énergétique est assurée pour quarante ans, nous financions l'essentiel du programme international Iter tandis que les Américains, les plus riches, ne vont y contribuer qu'au niveau de 10%? Là encore, il est urgent d'attendre. Le fait d'installer le site expérimental à Cadarache ne serait qu'un attrape-nigaud. Espérons que, au moment où la recherche française est étranglée, où les départs de nos chercheurs pour l'étranger se multiplient, on ne décidera pas de construire l'EPR, ce qui serait une injure à la raison!"
allegre.express@ipgp.jussieu.fr