On achève bien les abeilles
Publié : 21/02/07, 16:43
Des milliers de ruches sont transportées l’hiver en Californie pour la pollinisation des amandiers. Une activité très lucrative pour les apiculteurs américains, mais stressante pour les insectes.
C’est la plus grande migration de travailleurs au monde. D’ici à la fin février, près des trois quarts des abeilles commerciales des Etats-Unis se retrouveront dans les vergers d’amandiers de Californie pour faire un travail dont elles seules sont capables : recueillir le pollen des fleurs d’un arbre et le déposer dans les fleurs d’un autre. Les apiculteurs auront pour cela déplacé plus de 2 200 semi-remorques chargés de ruches, soit, au bas mot, 10 milliards d’abeilles.
“C’est la loi de l’offre et de la demande. C’est ce qui explique tout ce bazar”, commente Brent Woodworth. Cet apiculteur venu du Dakota du Nord a véhiculé ses 3 700 ruches en Californie. Pour un mois d’activité dans les vergers, ses abeilles lui rapporteront 520 000 dollars [400 000 euros], soit trois fois plus qu’il y a dix ans. Une augmentation qui s’explique par l’extension de la superficie consacrée aux amandiers et par la baisse de la quantité d’abeilles disponibles. Après la Californie, Woodworth déménagera ses ruches dans l’Etat de Washington pour la pollinisation des pommiers, avant de les ramener chez lui pour la saison du miel.
Les importants revenus tirés de la pollinisation – les propriétaires de ruches les “louent” jusqu’à 140 dollars l’unité – ont transformé l’apiculture. Jusqu’à une date assez récente, les professionnels se consacraient essentiellement à la production de miel et ne déplaçaient guère leurs abeilles. Maintenant, grâce aux juteux contrats de pollinisation des amandiers, nombre d’entre eux tirent l’essentiel de leur chiffre d’affaires de la location du travail des butineuses.
la mobilité des ruches affaiblit les abeilles
Si cette activité itinérante rapporte gros à l’apiculture américaine, elle n’a pas pour autant entraîné une augmentation de la population des abeilles. En 2005, le nombre de colonies est tombé à son niveau le plus bas depuis au moins 1939, année des premières statistiques fédérales. Cette tendance inquiète fortement les producteurs d’amandes californiens, qui prévoient une croissance de leur activité de 30 % – à plus de 300 000 hectares – d’ici à 2010. En 2005, la vente de leur récolte leur a rapporté 2,35 milliards de dollars, un montant record.
Les apiculteurs affirment qu’ils font de leur mieux pour se développer. Mais la plupart peinent déjà à conserver leur population d’abeilles. Partout dans le pays, les ruches sont infestées de mites exotiques qui se nourrissent de larves et infectent les voies respiratoires des adultes. Pis, une mystérieuse maladie a fait son apparition. Il s’agit du syndrome d’effondrement de la colonie (colony collapse disorder), un mal dont on connaît encore peu de choses et qui décime des colonies entières.
La mobilité des ruches est aussi l’une des causes probables de l’affaiblissement des insectes. D’abord, les rassemblements d’abeilles originaires des quatre coins du pays facilitent la propagation des maladies : un parasite transporté par une colonie de Floride peut contaminer un groupe venu du Dakota du Nord. Ensuite, le transport sur de longues distances stresse les abeilles. Certaines en meurent et les survivantes, affaiblies, deviennent vulnérables aux maladies. Enfin, il n’est absolument pas dans leur nature d’être actives en cette période de l’année. Si les ouvrières de Brent Woodworth n’étaient pas tenues par contrat d’assurer la pollinisation de 28 plantations d’amandiers, elles attendraient actuellement la fin de l’hiver, bien serrées les unes contre les autres dans leurs ruches. La population d’une ruche fluctue énormément tout au long de l’année, et c’est justement l’une des raisons pour lesquelles les arboriculteurs paient le prix fort : en février, les abeilles sont rares.
La location des colonies – il en faut 5 ou 6 à l’hectare – représente environ 20 % des coûts d’exploitation des producteurs d’amandes. Comme la superficie cultivée continue de croître alors que la population des abeilles ne cesse de diminuer, les tarifs devraient continuer à grimper. C’est pourquoi le secteur cherche activement d’autres solutions. Certaines espèces d’abeilles, qui ne produisent pas de miel et que l’on n’élève donc pas, promettent d’être de bonnes pollinisatrices. Les chercheurs espèrent également développer une variété d’amandiers autopollinisateurs, mais on en est encore loin.
Jim Downing
The Sacramento Bee
C’est la plus grande migration de travailleurs au monde. D’ici à la fin février, près des trois quarts des abeilles commerciales des Etats-Unis se retrouveront dans les vergers d’amandiers de Californie pour faire un travail dont elles seules sont capables : recueillir le pollen des fleurs d’un arbre et le déposer dans les fleurs d’un autre. Les apiculteurs auront pour cela déplacé plus de 2 200 semi-remorques chargés de ruches, soit, au bas mot, 10 milliards d’abeilles.
“C’est la loi de l’offre et de la demande. C’est ce qui explique tout ce bazar”, commente Brent Woodworth. Cet apiculteur venu du Dakota du Nord a véhiculé ses 3 700 ruches en Californie. Pour un mois d’activité dans les vergers, ses abeilles lui rapporteront 520 000 dollars [400 000 euros], soit trois fois plus qu’il y a dix ans. Une augmentation qui s’explique par l’extension de la superficie consacrée aux amandiers et par la baisse de la quantité d’abeilles disponibles. Après la Californie, Woodworth déménagera ses ruches dans l’Etat de Washington pour la pollinisation des pommiers, avant de les ramener chez lui pour la saison du miel.
Les importants revenus tirés de la pollinisation – les propriétaires de ruches les “louent” jusqu’à 140 dollars l’unité – ont transformé l’apiculture. Jusqu’à une date assez récente, les professionnels se consacraient essentiellement à la production de miel et ne déplaçaient guère leurs abeilles. Maintenant, grâce aux juteux contrats de pollinisation des amandiers, nombre d’entre eux tirent l’essentiel de leur chiffre d’affaires de la location du travail des butineuses.
la mobilité des ruches affaiblit les abeilles
Si cette activité itinérante rapporte gros à l’apiculture américaine, elle n’a pas pour autant entraîné une augmentation de la population des abeilles. En 2005, le nombre de colonies est tombé à son niveau le plus bas depuis au moins 1939, année des premières statistiques fédérales. Cette tendance inquiète fortement les producteurs d’amandes californiens, qui prévoient une croissance de leur activité de 30 % – à plus de 300 000 hectares – d’ici à 2010. En 2005, la vente de leur récolte leur a rapporté 2,35 milliards de dollars, un montant record.
Les apiculteurs affirment qu’ils font de leur mieux pour se développer. Mais la plupart peinent déjà à conserver leur population d’abeilles. Partout dans le pays, les ruches sont infestées de mites exotiques qui se nourrissent de larves et infectent les voies respiratoires des adultes. Pis, une mystérieuse maladie a fait son apparition. Il s’agit du syndrome d’effondrement de la colonie (colony collapse disorder), un mal dont on connaît encore peu de choses et qui décime des colonies entières.
La mobilité des ruches est aussi l’une des causes probables de l’affaiblissement des insectes. D’abord, les rassemblements d’abeilles originaires des quatre coins du pays facilitent la propagation des maladies : un parasite transporté par une colonie de Floride peut contaminer un groupe venu du Dakota du Nord. Ensuite, le transport sur de longues distances stresse les abeilles. Certaines en meurent et les survivantes, affaiblies, deviennent vulnérables aux maladies. Enfin, il n’est absolument pas dans leur nature d’être actives en cette période de l’année. Si les ouvrières de Brent Woodworth n’étaient pas tenues par contrat d’assurer la pollinisation de 28 plantations d’amandiers, elles attendraient actuellement la fin de l’hiver, bien serrées les unes contre les autres dans leurs ruches. La population d’une ruche fluctue énormément tout au long de l’année, et c’est justement l’une des raisons pour lesquelles les arboriculteurs paient le prix fort : en février, les abeilles sont rares.
La location des colonies – il en faut 5 ou 6 à l’hectare – représente environ 20 % des coûts d’exploitation des producteurs d’amandes. Comme la superficie cultivée continue de croître alors que la population des abeilles ne cesse de diminuer, les tarifs devraient continuer à grimper. C’est pourquoi le secteur cherche activement d’autres solutions. Certaines espèces d’abeilles, qui ne produisent pas de miel et que l’on n’élève donc pas, promettent d’être de bonnes pollinisatrices. Les chercheurs espèrent également développer une variété d’amandiers autopollinisateurs, mais on en est encore loin.
Jim Downing
The Sacramento Bee