L'agriculture de la pétrochimie et des pesticides
Publié : 12/07/07, 13:45
Mise au point
Depuis mes débuts en journalisme, je n’ai jamais cessé de rapporter les cas d’inefficacité ou de toxicité non évaluée concernant les pesticides, et de mettre en avant ceux qui recherchent des épandages de pesticides qualitatifs plutôt que quantitatifs.
Des sujets qui m'ont d'ailleurs valu pas mal d'ennuis…
Je sais que ces sujets sont une véritable épine dans le pied de nos détracteurs. Ils ont d’ailleurs conduit à écarter la DGAL de l’évaluation écotoxicologique des pesticides pour la confier à l’Afssa, dont on peut penser, d’après les premiers éléments concernant le Gaucho et le Régent, qu’elle restera vigilante quant à sa neutralité... Est-ce là l’héritage de Martin Hirsch ?
Ma ligne rédactionnelle est la suivante : on a longtemps homologué l'efficacité des produits et évalué leur écotoxicologie sous certaines conditions standard, qui ne sont pas celles de la réalité, en particulier à propos des mélanges, de la qualité des eaux utilisées pour les traitements, et des conditions physicochimiques d’emploi de ces pesticides : température, pH ...
Le fond du propos est le suivant : de nombreuses molécules sont instables, ce qu'on appelle : sujettes à des phénomèmes d'hydrolyse alcaline, ou à chaud ou acide ou des phénomènes de salification. C'est le cas par exemple du glufosate qui forme avec le calcium un sel de glyfosate de calcium. Pour des eaux champenoises à 800ppm de calcium, pour des traitements à 300 l d'eau ha, plus de la moitié de la substance est inactivée par le calcium, d'où le succès des traitements bas volumes en champagne ou avec de l’eau de pluie. L’efficacité chute, mais qu’en est-il de la toxicité des métabolites de dégradation et d’hydrolyse ? Ce qui est valable pour le glyfosate, pourquoi ne le serait-il pas pour d'autres pesticides avec d'autres sels, que ce soit des eaux ferrugineuses, magnésiennes et même chlorées. Exemple du folpel, particulièrement instable en milieu alcalin (durée de vie : 20 minutes à pH mélangé à du soufre à pH 9.
Je suis donc retourné à ma chimie de base pour comprendre qu'effectivement il y a, encore là, en France une ligne doctrinale sur les pesticides "quantitative" au lieu d'être "qualitative", catastrophique pour l'environnement.
Et quand on nous indique que seulement moins de 3 % des pesticides appliqués atteignent leur cible, ça laisse une marge de progression pour des épandages "de qualité" plutôt que de s’obstiner sur la quantité (les fameuses doses d’homologation) et plutôt que de pourchasser dans notre pays ceux qui cherchent des solutions moins toxiques. Non ?
On me dit que les industriels de l'UIPP vont mimer la nature avec des molécules de synthèse, c'est-à-dire de base pétrochimique.
Et on sait que le chlore, le chrome et le fluor sont très pratiques en synthèse organique… surtout pour une synthèse moins coûteuse. C’est toujours la même question : Sommes-nous prêts à payer le prix ? Remarquons que, dans la nature, les halogénés appartiennent davantage au monde minéral et existent de façon infinitésimale dans le monde organique. Et nous, nous inondons le monde organique d’halogénés comme le chlore. Et ce ne sont pas les ronds de jambe du Syndicat des halogénés auprès de nos institutions qui vont permettre d’inverser la tendance. Et je ne vois pas non plus l’industrie pétrochimique préférer les bases biologiques aux bases pétrochimiques pour synthétiser de nouvelles molécules.
Et puis une molécule de synthèse, bien pure et bien blanche, c’est toujours plus conforme à l’esprit « scientifique », qu’un extrait de plante ou d’algues…
Seul un changement de l’actionnariat des firmes chimiques inverserait cette tendance.
David Lefebvre