De l’autre côté de la vitre, la pluie battante.Et quand on regarde les prévisions météo, c’est parti pour durer jusqu'à début juin.
Y a-t-il dans ce temps maussade digne d’un mois d’octobre et cette dépression météorologique de quoi déprimer pour de vrai ?
Réponse avec le psychothérapeute Michel Lejoyeux.
Le mauvais temps a cela de bien qu’il nous donne des leçons de psychologie.
Il nous permet de faire le distinguo entre les émotions et la maladie. Bien sûr, on n’explose pas de joie en voyant le temps qu’il fait dehors – j’aurais moi-même apprécié de jouer au tennis en extérieur en ce jour férié –, mais cette émotion négative devant les intempéries ne relève en rien de la maladie ni du champ spécifique de la psychiatrie.
C’est émotionnellement fatigant et désagréable de ne voir que des nuages gris dans le ciel, mais il ne faudrait pas confondre le sentiment de morosité et de mélancolie (au sens littéraire du terme) que cela engendre avec la dépression (au sens psychiatrique du terme).
On n’attrape pas une maladie mentale sous la pluie, seulement un rhume si on ne s’est pas assez couvert !
Être agacé par le mauvais temps, signe qu’on va bienCelui qui est mécontent des averses, c’est celui qui va bien. Quelqu’un de dépressif n’a plus envie de rien, peu lui importe donc qu’il y ait un grand soleil : il ne souhaitera pas profiter de ce temps splendide. À l’inverse, ce sont les personnes qui ne dépriment pas qui sont agacées par le mauvais temps.
Je ne vois donc pas, en tant que chef du service de psychiatrie de l’hôpital Bichat, arriver en rangs serrés des cohortes de malades déprimés parce que le beau temps n’est pas au rendez-vous.
Certes, il existe des personnes qui souffrent de dépression dite saisonnière, en raison du manque de lumière.
Mais leur prévalence est extrêmement faible, de l’ordre de 1% des dépressifs, sachant que la dépression touche 5% de la population mondiale
Cette fixation sur les averses est également spécifique aux sociétés privilégiées : combien de personnes rêveraient d’avoir pour traumatisme collectif un mois de mai sous la pluie ?
Avoir le moral en berne à cause du mauvais temps, c’est finalement un indice de bonne santé physique et sociale.
Alerter la population sur la dépression due au mauvais temps rappelle cette tendance qu’a notre société à gérer sur un mode hypocondriaque tous les moments de notre vie.
Ainsi que son intolérance à la frustration : sans grand ciel bleu, on considère que le week-end de Pentecôte est raté.
Alors qu’en parallèle nous refusons frénétiquement de voir les dangers et fléaux considérables qui touchent notre société, comme l’addiction à l’alcool, au tabac ou la véritable dépression.
Le bonheur est dans le changementEn outre, le véritable désagrément ne vient pas tant du mauvais temps que de sa fixité.
Nous qui sommes habitués à un climat tempéré fluctuant au rythme des saisons, nous voilà face à une impression de perpétuité de ces conditions météorologiques.
C’est cette prolongation dans le temps, ce sentiment que le climat ne change pas depuis octobre dernier qui est démoralisant.
Dans les pays nordiques, on constate un moment d’excitation collectif lorsque la saison passe de l’ombre à la lumière, signal de la fin d’un long hiver.
C’est donc que le bonheur est dans le changement.
Ainsi, si en juin le mercure reste bloqué en haut du thermomètre, ceux qui aujourd’hui sont accablés en regardant la pluie tomber seront les premiers à s’exclamer qu’il fait trop chaud et étouffant.
Plutôt que d’être anéanti à cause du mauvais temps, servons-nous en comme d’une occasion pour nous lancer des défis de bonne humeur.
Se dire qu’on ira mieux quand le soleil sera au beau fixe, c’est une manière de ne pas changer, puisqu’il est plus facile d’accuser la météo que de travailler sur soi pour gagner en qualité de vie.
Alors tentons de profiter de la pluie pour chercher des émotions positives qui dépendent de notre volonté et de notre imagination, et pas du temps qu’il fait.