CO2 et virus oubliés : le permafrost est "une boîte de Pandore
Tandis que les règles d'application de l'accord de Paris ont été adoptées lors de la COP24 en Pologne, en Sibérie ou au Canada le pergélisol (permafrost en anglais) poursuit son dégel. Cette couche de sol renferme d'énormes quantités de carbone et des virus potentiellement dangereux pour l'Homme.
Les effets du réchauffement climatique sont multiples : hausse des températures, fontes des glaciers, hausse du niveau des mers, sécheresse, changements de la biodiversité, migrations humaines, etc. Parmi toutes ces catastrophes en cours ou à venir, il en est une majeure, qui se déroule en ce moment en Alaska, au Canada et en Russie. Selon les scénarios les plus optimistes, d'ici 2100, 30% du pergélisol pourraient disparaître. Entamé depuis plusieurs années, le dégel de cette couche géologique, composée de glace et de matières organiques, menace de libérer des quantités astronomiques de CO2, entraînant potentiellement un réchauffement climatique encore plus important et rapide que prévu. Le pergélisol préserve également de nombreux virus, oubliés ou inconnus. En 2016, un enfant a ainsi été tué par de l'anthrax. Le virus de la maladie du charbon avait été libéré suite au dégel d'un cadavre de renne vieux de 70 ans !
Pour étudier les risques liés au dégel du pergélisol, nous avons sollicité l'éclairage de deux spécialistes. Florent Dominé, d'une part, est chercheur, directeur de recherche au CNRS. Il travaille à l’Unité Mixte Internationale Takuvik, issue d'un partenariat entre l'Université Laval à Québec (Canada) et le Centre National de la Recherche Scientifique. Ses activités se concentrent essentiellement dans l’Arctique canadien où il travaille sur les problématiques climatiques et en particulier sur la transformation et le dégel du pergélisol. Sur place, il étudie également l’évolution de la végétation et de la biodiversité. Par ailleurs, concernant la question des virus, nous avons fait appel à Jean-Michel Claverie, professeur de médecine de l’Université Aix-Marseille, directeur de l’institut de Microbiologie de la Méditerranée et du laboratoire Information Génomique et Structurale. En 2014, lui et son équipe ont découvert deux nouveaux virus, des virus géants, datés de 30 000 ans, dans le pergélisol sibérien.
Un réservoir de gaz à effet de serre
Le pergélisol est un vaste territoire. Sa superficie est estimée entre 10 et 15 millions de mètres carrés (entre 20 et 30 fois la superficie de la France). On trouve du pergélisol au nord du Canada et de l'Alaska, ainsi qu'au nord de la Sibérie. Selon les zones, la profondeur de cette couche varie : de quelques mètres à environ un kilomètre dans certains points de la Sibérie où le pergélisol se maintient alors depuis des millions d'années. Selon certaines études, ces couches du sol renfermeraient des milliards de tonnes de carbone. Une analyse confirmée par le chercheur Florent Dominé :
Le pergélisol contient de la glace et de la matière organique issue essentiellement de la décomposition partielle des végétaux. Cette matière organique est formée en grande partie de carbone. Il y a environ deux fois plus de carbone dans le pergélisol que dans l’atmosphère. Ce carbone, quand il est gelé, est peu accessible à la minéralisation bactérienne. Les bactéries peuvent se nourrir de cette matière organique dès lors qu’elle est dégelée. Et là, les bactéries vont pouvoir la métaboliser et la transformer en CO2. Ce dioxyde de carbone va alors s’échapper dans l’atmosphère et potentiellement faire augmenter les teneurs de ce gaz à effet de serre.
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