Ouverture du marché de l’électricité:une fausse concurrence?
Publié : 07/09/06, 20:52
Alors que la semaine sociale est placée sous le signe des manifestations contre la fusion Suez/ GDF, l’UFC souhaite de son côté alerter l’opinion sur la « fausse concurrence » induite par la libéralisation du marché de l’énergie à compter du 1er janvier 2007. « En théorie, le consommateur pourra choisir librement son fournisseur et faire jouer la concurrence. Dans la pratique, il sera pris au piège par un marché où les prix libres ne lui permettront plus de bénéficier du tarif régulé du gaz et de l’électricité », explique Alain Bazot, président de l’association de consommateurs. La cause de ce « faux choix » réside dans le « principe d’irréversibilité » imposé par la loi. En clair, le consommateur qui aura choisi de quitter le tarif régulé pour une offre concurrente sur le marché dérégulé ne pourra pas revenir sur son choix. Conséquence : il ne pourra pas réagir en cas de dérive des prix libres, tandis que le marché n’aura plus face à lui le prix de référence du tarif régulé… En effet, si le consommateur ne peut pas revenir librement au prix régulé, ce prix perd tout pouvoir d’orientation sur le marché. « Sans choix réversible, la concurrence ne joue plus, analyse Alain Bazot. Il ne peut y avoir de prix optimal pour le consommateur comme le laisse espérer, en théorie, la théorie le principe du marché libre ». Pour l’UFC, le gouvernement tend un piège aux consommateurs, comme il l’a tendu aux entreprises deux ans plus tôt en leur ouvrant le marché en 2005.
"Le gouvernement entend enfermer le consommateur et en faire le cobaye de la réforme car il sait, comme les analystes du secteur, que le dérapage des prix est plus que probable à moyen terme", prévient l’association. Or, rappelle l’UFC, l’ouverture de l’énergie à la concurrence a été présentée comme une opportunité de faire baisser les prix de l’énergie. Mais, au-delà de la flambée des prix du pétrole, d’autres facteurs laissent penser que les bénéfices annoncés seront limités. Au contraire, EDF et GDF « n’ont pas à craindre la concurrence et vont avoir toute liberté de profiter de leur position archi dominante », explique Alain Bazot. Et ce pour plusieurs raisons : d’une part les capacités d’exportation des autres pays européens sont faibles, voire inexistantes, d’autre part les réseaux d’interconnexion électrique et gazière sont d’ores et déjà saturés, limitant les possibilités d’exportations. Enfin, quelques entreprises potentiellement concurrentes pratiquent des prix sur leur marché respectif qui sont peu compétitifs, c’est à dire supérieurs à ceux d’EDF ou GDF sur le marché français. La démonstration de l’UFC a de quoi convaincre, d’autant que les prévisions d’EDF montrent que l’entreprise n’a prévu de perdre que 0,03 % de ses clients en 2007, tandis qu’elle compte gagner des parts de marché en 2010 en installant 3200 mégawatts supplémentaires. Par ailleurs, la fusion Suez/GDF renforce la concentration du secteur gazier. Suez est en effet le 6ème opérateur sur ce marché en Europe et détient Electrabel, Distrigas et Fluxys, qui contrôlent le réseau de transport et de distribution en Belgique. « Les quantités de gaz vendues par Suez représentent 38% de celles de GDF…La fusion renforcera donc le monopole existant de GDF en France et supprimera la seule concurrence potentielle qui menaçait GDF dans le Nord du territoire », selon l’UFC.
73% d'augmentation
« La concurrence non effective sur ce marché conduira à un abus de position dominante, c’est un fait », renchérit Julien Dourgnon, chargé de l’étude. L’association prévient les consommateurs : ils pourraient revivre « l’amère expérience de certaines entreprises qui ont choisi de souscrire à une offre sur le marché non régulé et qui ont subi une hausse de leurs factures électriques de 73% en moins de deux ans, sans pouvoir faire marche arrière ». Enfin, le texte actuel risque de créer une inégalité de traitement entre les consommateurs bénéficiant du tarif régulé et ceux « définitivement enfermés dans des marchés à haut risque inflationniste ». Pour l’UFC-Que Choisir, « tant que les conditions d’une vraie concurrence ne sont pas réunies, le gouvernement doit permettre aux consommateurs de bénéficier du tarif régulé à tout moment". Pour l’instant, aucun des quelques 110 000 amendements déposés sur le projet de loi n’évoque la question.
source Novethic