Vers une défaite de l'OTAN en Afghanistan ?
Publié : 18/09/06, 14:26
Tiré du site Courrier international
AFGHANISTAN
L'OTAN désertée par ses membres
Les appels de l'OTAN pour renforcer le contingent déployé en Afghanistan sont restés sans réponse de la part de ses pays membres, dissuadés par l'intensité des combats contre les talibans. Un désavœu qui risque de compromettre la mission de l'Alliance, voire son existence.
L'OTAN a besoin d'au moins 2 500 soldats supplémentaires en Afghanistan. Lors d'une réunion d'urgence des 26 pays membres de l'Alliance atlantique, le 13 septembre 2006 au quartier général de Mons, en Belgique, cet appel n'a guère été entendu. "L'OTAN est confrontée à une crise de crédibilité majeure alors que les dirigeants militaires alliés ont refusé d'envoyer des troupes supplémentaires pour aider les soldats surmenés, engagés dans les combats contre les insurgés talibans en Afghanistan", note The Guardian. Un tel renforcement est d'autant plus vital que les combats s'intensifient dans le sud du pays, région passée récemment sous la responsabilité de l'Alliance. "Le retard sera perçu comme un signe supplémentaire de la réticence de la majorité des pays à engager des troupes" dans cette région, commente The Daily Telegraph.
35 000 hommes issus de 37 pays différents sont déjà déployés en Afghanistan, les Américains (19 000 hommes) et les Britanniques (5 000 hommes) formant les plus gros contingents. Mais dans la province méridionale d'Helmand, où l'OTAN mène la plus vaste opération militaire de son histoire, Britanniques, Néerlandais et Canadiens sont en première ligne.
D'après le Financial Times, la Pologne est "le plus grand espoir de l'OTAN". Varsovie a en effet annoncé l'envoi de 900 soldats en plus des 100 déjà présents, mais ce ne serait qu'à partir de 2007. Le fait est que, cinq ans après l'intervention de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, la mission lancée en Afghanistan pourrait se solder par un échec.
Selon le secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, "l'Afghanistan est un test de la crédibilité de l'Alliance", rapporte l'éditorial du Guardian. Pour le quotidien britannique, "la seule chose qui compte est de savoir si la mission de l'OTAN est capable d'étendre l'autorité du gouvernement central de Kaboul en assurant la sécurité – une condition du retour à une vie normale et de la prospérité économique – et à quel prix".
La seule question du renforcement des troupes est insuffisante aux yeux du Guardian. "Si l'envoi d'autres soldats revient à agrandir simplement l'échec, si l'Afghanistan est condamné à être un nouveau Vietnam, alors cela n'a aucun intérêt."
"Mais que diable est allée faire l'OTAN là-bas en première ligne", se demande Adrian Hamilton. L'éditorialiste de The Independent remet en question non seulement la présence de l'Alliance en Afghanistan, mais aussi sa survivance dans le monde de l'après-guerre froide. L'OTAN s'est fixée "de nouveaux défis pour justifier son existence – intervention humanitaire sur les autres continents et mission de maintien de la paix à travers la planète". Mais du coup, "il n'y a plus d'objectif commun et le rôle de l'OTAN est confus".
Et si l'OTAN échouait, si les talibans l'emportaient ? "Un échec en Afghanistan serait largement dû aux membres européens de l'Alliance qui refusent de fournir des troupes supplémentaires", note l'éditorial du Financial Times. "Mais est-ce qu'un échec serait nécessairement une mauvaise chose ?", lance Adrian Hamilton. "Ou du moins, serait-ce si terrible si l'OTAN se retirait de ces missions extérieures et revenait à un rôle de pacte de défense européen couvrant une Europe élargie ?" Pour Hamilton, "l'aventure de l'OTAN en Afghanistan échoue non pas à cause de la couardise de ses membres, mais parce qu'elle est la mauvaise organisation au mauvais endroit. Et les pays alliés ont raison d'être réticents à s'engager encore plus".
Philippe Randrianarimanana