La France laitière joue gros face à l'Europe
Publié : 03/10/09, 16:47
Le ministre de l'Agriculture veut faire passer l'idée de régulation des marchés laitiers.Un travail de longue haleine.
Analyse
Ce sera difficile. Depuis plusieurs semaines, Bruno Le Maire, le ministre de l'Agriculture, multiplie les initiatives pour convaincre ses partenaires européens de réorganiser le marché du lait. Il a obtenu un conseil extraordinaire des ministres de l'Agriculture, lundi. Mais rien de concret ne devrait aboutir avant une nouvelle rencontre le 19 octobre.
L'Apli, alliée objectif de Le Maire. L'Association des producteurs de lait indépendants justifie le mot d'ordre de suspension de grève par les avancées obtenues par Bruno Le Maire. Celui-ci, en arrachant le soutien de l'Italie, a obtenu la majorité qualifiée pour obtenir une régulation effective du marché laitier. Il a « surfé » sur le courant anti-libéral exprimé par le mouvement européen de grève du lait. Cela suffira-t-il à contrecarrer les thèses libérales défendues par les pays du Nord, confortés par la montée en puissance des libéraux aux élections allemandes ?
Régulation sans intégration. Le mouvement n'a pas obtenu la remise en cause de la fin des quotas, en 2015. Dans l'esprit du ministre et des transformateurs, toute « régulation du marché laitier » passera par un mécanisme privé régi par la contractualisation des rapports entre les producteurs et les transformateurs. La coopération a déjà formalisé un cadre. Le mouvement des producteurs de lait, bien au-delà des seuls grévistes, refuse toute forme d'intégration. En s'appuyant notamment sur l'expérience des filières porcines et avicoles où des agriculteurs sont devenus de simples sous-traitants. Les producteurs réclament également un arbitrage des pouvoirs publics. De chaque État ? Au niveau européen ? Avec quel contrôle ?
La gestion régulée de l'offre. L'European milk board, à l'initiative de la grève du lait, demande une gestion régulée de l'offre et de la demande, centrée sur le marché des consommateurs européens. Est-ce techniquement possible ? Les modes de consommation européens de produits laitiers génèrent des sous-produits (matière grasse, poudre de lait, lactosérum) que le marché de l'Union ne peut pas absorber seul. Quel rôle régulateur peut jouer l'Europe dans ce contexte, sans revenir à des formes d'intervention ou de limitation de l'offre ?
Une nouvelle interprofession à la française ? Le mouvement des producteurs de lait français a fait émerger un nouveau mode de représentativité en dehors des syndicats dits représentatifs. L'interprofession à la française, qui régit les rapports entre producteurs et transformateurs, peut-elle continuer d'ignorer l'Association des producteurs de lait indépendants les syndicats minoritaires que sont l'Organisation des producteurs de lait et la Confédération paysanne ?
Comment fixer le prix. Des négociations des ministres de l'Agriculture peut, éventuellement, émerger une nouvelle façon de fixer le prix de base payé au producteur. L'existence d'une recommandation nationale, comme elle se pratique en France, ne risque-t-elle pas d'être remise en cause ? C'est une très belle entorse aux règles de la libre concurrence, entre les États, et entre les entreprises. Sachant que le prix payé aux producteurs varie d'un pays à l'autre, des territoires se retrouvent sous pression. Sur le marché unique européen, les acheteurs savent en jouer. C'est encore plus vrai en période de ralentissement économique.
François LEMARCHAND.
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