Du plutonium échappe à l'inventaire du CEA Cadarache
Publié : 15/10/09, 11:36
Le Commissariat à l'énergie atomique a repéré sur le site de Cadarache des dépôts de plutonium supérieurs à ses prévisions. "De quoi faire environ cinq bombes nucléaires", selon Greenpeace.
Le ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo a réclamé mercredi 14 octobre "la transparence la plus complète" après qu'on ait découvert dans un atelier en cours de démantèlement au site du Commissariat à l'énergie atomique de Cadarache que la quantité de plutonium entreposé avait été fortement sous-estimée. L'incident, qui aurait été caché plus de trois mois, a été classé au niveau 2 de l'échelle internationale de gravité des événements nucléaires par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Dans un communiqué, Jean-Louis Borloo "regrette profondément qu'un tel délai se soit écoulé entre la découverte de cette situation et sa déclaration". "Cette transparence et cette exigence de sécurité sont les conditions incontournables de la fourniture d'électricité d'origine nucléaire. Elles seront respectées", promet-il.
"Une des situations les plus critiques"
"Nous estimons que la découverte à Cadarache de plusieurs kilos de plutonium ayant échappé à tout inventaire constitue une des situations les plus graves et les plus critiques que l'on ait pu rencontrer dans une installation nucléaire depuis longtemps. C'est tout simplement hallucinant" a réagi le responsable de la campagne énergie/nucléaire de Greenpeace France, Yannick Rousselet. "Uranium de retraitement abandonné en Russie, kilos de plutonium oubliés à Cadarache: comment l'industrie nucléaire ose-t-elle prétendre qu'elle gère ses déchets ?" s'interroge l'organisation écologiste dans un communiqué.
Le CEA de Cadarache (Bouches-du-Rhône) est l'un des neuf centres de recherche du Commissariat à l'énergie atomique.
Exploité par Areva, cet atelier de technologie du plutonium (ATPu), "qui est à l'arrêt définitif et en cours de démantèlement depuis début 2009", précise le ministère de l'Ecologie, "avait pour activité principale la production de combustible MOX pour des réacteurs nucléaires" mais son démantèlement avait été décidé "car le niveau de sûreté ne correspondait plus aux exigences attendues aujourd'hui".
Suspension des travaux
Le CEA Cadarache a informé l'ASN le 6 octobre que les dépôts de plutonium dans les boîtes à gants, qui permettent d'accéder de façon sécurisée à une enceinte de confinement dans laquelle est mise en oeuvre de la matière nucléaire, avaient été sous-évalués, explique l'Autorité. "Evalués à environ 8kg pendant la période d'exploitation de l'installation, les dépôts récupérés à ce jour sont, selon le CEA, de l'ordre de 22kg et le CEA estime que la quantité totale pourrait s'élever à près de 39kg", précise l'ASN.
Greenpeace rappelle par la voix de Yannick Rousselet que c'est "une matière si dangereuse qu'elle doit être réglementairement mesurée au gramme près", et s'étonne "qu'on découvre dans un vieil atelier fermé depuis six ans de quoi faire environ cinq bombes nucléaires".
Après inspection, l'ASN a décidé lundi de classer l'événement au niveau 2 de l'échelle internationale de gravité des événements nucléaires (échelle Ines) qui en comporte 7. Elle a aussi décidé de suspendre toutes les opérations de démantèlement dans l'installation qui ne pourront reprendre sans son accord.
Faille dans la sécurité
Trois jours après le signalement par le CEA, une inspection de l'installation a eu lieu le 9 octobre. Or, celle-ci "a permis de confirmer que le CEA avait connaissance de l'incident depuis le mois de juin 2009", selon l'ASN.
"L'incident n'a eu aucune conséquence", assure l'ASN, mais la "sous-estimation de la quantité de plutonium avait conduit à réduire fortement les marges de sécurité destinées à éviter un accident de criticité dont les conséquences potentielles pour les travailleurs peuvent être importantes". Le risque de "criticité" est celui d'une réaction nucléaire en chaîne quand trop de matière fissile est rassemblée au même endroit.
De fait l'ASN considère que "l'absence de détection de cette sous-estimation pendant la période d'exploitation de l'installation, ainsi que la déclaration tardive de cet événement à l'ASN, révèlent une lacune dans la culture de sûreté de l'exploitant et de l'opérateur industriel de l'installation".
(Nouvelobs.com avec AP)
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