Sylvie Faucheux : "Il faut sensibiliser et mobiliser la population"
La présidente de l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines revient sur les enjeux de la mise en place de la filière DEEE
Sylvie Faucheux est présidente de l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Elle y a créé son propre laboratoire : le Centre d’économie pour l’éthique, l’environnement et le développement, et Fondaterra, une fondation pour le développement durable.
Quels bénéfices apporte la mise en place de la filière DEEE ?
La quantité de déchets de ce type en France se quantifie à 1,7 million de tonnes, c’est à peu près 24 kg par an et par habitant et la moitié provient des ménages. On observe une croissance de 3,5% par an. L’objectif c’est d’arriver assez rapidement à un recyclage d’environ 10 à 15% de ces déchets. Cette filière permet d’abord de maîtriser et de diminuer les flux de ces déchets ce qui est important car ils sont en général toxiques. Elle participe à la dématérialisation, dont l’objectif est d’utiliser moins d’énergie et de matières afin de diminuer les émissions de CO2 grâce au recyclage. Troisièmement cela comporte une diminution des émissions de CFC contenu dans les vieux réfrigérateurs et responsable de la diminution de la couche de l’ozone.
C’est important du point de vue de l’environnement, mais c’est aussi important du point de vue économique parce que ça crée une nouvelle filière et donc des nouveaux emplois. Il faut constituer des filières de proximité qui permettent aux territoires de se développer économiquement toute en préservant l’environnement et en améliorant la composition sociale. L’emploi de proximité pour les populations locales est important dans tout ce qu’on qualifie aujourd’hui de requalification des zones industrielles pour mieux les insérer dans un territoire. Or, mieux les insérer, c’est aussi créer des emplois de proximité.C’est important aujourd’hui de faire le lien entre les deux car trop souvent on a l’impression que l’environnement ne représente qu’un coût.
Comment consommateurs et producteurs partagent leurs responsabilités ?
Cette filière ne peut fonctionner que si les consommateurs y sont parfaitement intégrés. C’est pourquoi il est très important de sensibiliser et mobiliser la population pour qu’elle puisse participer correctement à cette filière.
Les producteurs de ce type de déchets au niveau industriel doivent de leur côté dédommager les collectivités locales sur la base d’un barème. Ils interviennent ainsi dans le financement de la filière. Ils prennent en charge l’organisation du réseau : il faut collecter, travailler sur le traitement et la dépollution préalable et veiller à une réelle transparence de la filière par une bonne information. Il faut également bien organiser lalogistique en limitant le transport des DEEE et leur. Le traitement des CFC pour tout ce qui concerne les électroménagers producteurs de froid est également un coût non négligeable.
Quelles sont les limites du système qui se met en place ?
En France, c’est l’adhésion de la population et la participation des citoyens à ce type de filière. Il est indispensable pour ce qui concerne les déchets ménagers qu’il y ait une transparence suffisante pour que les gens continuent à y adhérer. On voit bien aujourd’hui, si l’on prend le cas du tri sélectif il y a une grande interrogation de la part du publique sur son efficacité. Est-ce qu’il y à un tri sélectif qui est opéré au bout du bout ? Est-ce que les produits ainsi triés sont recyclés ? Il n’y a pas un suivi qui permette aux citoyens de s’assurer que leur bon comportement aboutisse à quelque chose. Il faut que ce suivi soit mis en pace pour que les citoyens puissent vérifier que de leurs efforts à la fois de comportement et économiques produisent des résultats à la fois grâce à la réduction de ce type de déchets en amont grâce à l’éco conception des produits qui résultera d’un investissement dans la recherche et puis aussi grâce à des indicateurs permettant de vérifier que les déchets sont bien recyclés. Communiquer sur les résultats est indispensable.
Il y a aussi un travail de formation très important pour adapter les métiers à ces nouvelles filières écologiques.
Comment se situe la France par rapport à d’autres pays dans la transposition de la directive européenne sur les DEEE ?
On n’est pas parmi les premiers à la mettre en place, puisque il y a des pays qui sont toujours en avance en Europe du nord, notamment. D’autres sont plus en retard comme l’Espagne et l’Italie.
Globalement c’est la taxe (éco participation, ndlr) qui a été privilégié dans les pays qui ont déjà mis en place la directive européenne sur les DEEE. Mais certains d’entre eux utilisent la fiscalité dans une perspective plus large. Dans les Pays-bas, par exemple, il y a une vraie réflexion sur l’évolution globale du système fiscale pour le rendre plus porté sur l’amélioration de l’environnement : d’un côté on taxe les pollueurs, de l’autre les autres formes de fiscalité sont réduits, notamment sur les charges sociales pour favoriser l’emploi. On ne peut pas continuer à ajouter des taxes en fonction des problèmes qui arrivent sans s’interroger sur l’ensemble du système fiscale à la lumière des problèmes de l’environnement.
Nadia Loddo
Metrofrance.com