La révolution psychédélique : prendre en compte "la nature" qui fait infiniment mieux que nos camisoles chimiques ?
Publié : 22/03/25, 14:30
https://www.marcelle.media/sante-mental ... edelicare/Santé mentale : une initiative citoyenne pour l’usage des psychédéliques
On estime que près de 100 millions de personnes sont touchées par des problèmes de santé mentale en Europe. Face à des traitements classiques parfois inefficaces, une initiative citoyenne cherche à ouvrir la voie à l’usage médical de psychédéliques. Lancée en janvier 2025, PsychedeliCare vise à créer un cadre légal européen pour ces substances aux effets prometteurs en mobilisant citoyens et experts.
Depuis 2014, la Suisse accorde des autorisations exceptionnelles pour l’utilisation de stupéfiants à des fins médicales. Sous supervision stricte, certains patients souffrant de troubles psychiatriques sévères (troubles bipolaires et syndromes post-traumatiques) peuvent par exemple être traités grâce au LSD. Mais qu’en est-il au niveau de l’Union européenne ? Là, les troubles mentaux touchent plus de 100 millions de personnes, mais les traitements classiques y seraient incomplets ou inefficaces pour près de la moitié d’entre elles. Le 14 janvier 2025, une initiative citoyenne européenne, PsychedeliCare, a donc été lancée. Son objectif est d’obtenir un cadre légal européen pour l’utilisation médicale de telles substances.
Contrer la crise de la santé mentale
« Nous sommes en pleine crise de la santé mentale, expose Théo Giubilei, fondateur du projet et diplômé en politique européenne. Nous devons exploiter de nouvelles alternatives, au-delà des traitements actuels. » Sans imaginer pour autant légaliser les psychédéliques à des fins récréatives, il doit désormais récolter un million de signatures de citoyens de différents pays membres pour que l’initiative parvienne à la Commission européenne.
« Ensuite, elle examinera la question et pourra envisager une législation commune aux 27 pays. Mais la campagne est déjà là pour fédérer et entamer des discussions autour de ce sujet encore trop stigmatisé. », commente le jeune homme. Il souhaite prouver que la société civile est intéressée par ces questions. Qu’il est possible de s’engager pour cette autre façon de soigner au niveau national et européen.
Des substances interdites, mais étudiées de longue date
LSD, psilocybine, MDMA… : actuellement interdites en France et dans la grande majorité des pays européens, ces substances ont pourtant fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques dès les années 1950, notamment pour leur potentiel psychiatrique. Les études sur ces psychédéliques étaient plutôt prometteuses « avant d’être totalement stoppées avec l’arrivée de la lutte contre la drogue. La France était pourtant très avancée au niveau international », commente Théo Giubilei.
La loi Mazeaud (du 31 décembre 1970), qui pose le cadre légal relatif aux drogues en France, puis l’arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants, rendent les psychotropes illégaux et les recherches s’interrompent. « Quelques-unes se poursuivent en secret, mais le vrai retour est à noter dans les années 2010 », contextualise le fondateur de PsychedeliCare. Des essais cliniques, menés notamment aux États-Unis et en Suisse, montrent alors que les psychédéliques peuvent traiter efficacement les pathologies comme l’anxiété, le stress post-traumatique et la dépression sévère. « Nous savons aujourd’hui que ces substances peuvent aider, mais la législation européenne est en retard sur la science. En partie pour des raisons morales et culturelles. »
Un retard européen à combler
Même si des études sont en cours, l’Union européenne n’a encore fixé aucun cadre commun et aucun pays n’a encore légiféré clairement sur le sujet. Ailleurs, les pays avancent tous à des rythmes différents. La Suisse donc, avec des thérapies très encadrées. Également le Canada, qui autorise leur usage compassionnel au cas par cas.
En Australie, depuis juillet 2023, les psychiatres peuvent prescrire de la MDMA pour le traitement post-traumatique « sous certaines conditions et avec un comité éthique, mais c’est déjà la première étape, se réjouit Théo Giubilei. Et les États-Unis ont failli accepter la MDMA au niveau fédéral l’année dernière. Certains états ont déjà accepté par vote citoyen. Ça pourrait être validé l’année prochaine. »
Au Mexique et en Thaïlande, l’utilisation de certains psychédéliques est protégée pour des raisons religieuses et thérapeutiques dans certaines communautés. Et en Europe, l’intérêt ne fait qu’augmenter. « Nous voulons que l’Union européenne prenne ses responsabilités et prépare un cadre pour que tous ses citoyens puissent avoir accès aux substances thérapeutiques de manière assistée, sûre et réglementée », insiste le fondateur. C’est avec cette réflexion en tête que Théo Giubilei s’est lancé en 2022 : « J’y pensais depuis un moment. Je me suis beaucoup documenté scientifiquement… et en lisant et relisant La révolution psychédélique (bonus). » Après des études en sciences politiques et un stage au Parlement européen, il veut participer au mouvement et « ajouter (sa) pièce à l’édifice. Parce que je pense qu’il y a de quoi agir. »
Il réunit professionnels de la santé, militants pour les droits civiques, associations européennes et éducateurs pour structurer ce mouvement à travers PsychedeliCare. Depuis, plusieurs évènements ont été organisés, notamment un lancement au Parlement européen, des rencontres de patients et un rassemblement d’experts. « C’était spécial et fort parce que cette élite ne se connaît pas forcément. Ils ont enfin pu échanger sur ces points spécifiques et fédérer leurs efforts », croit le fondateur.
Pour une reconnaissance médicale stricte de certaines substances, l’initiative citoyenne se concentre par exemple sur les champignons à psilocybine, le LSD ou la kétamine pour agir contre la dépression et certaines addictions. « Nous ne voulons pas imposer une liste figée, mais qu’un débat ait lieu parce que ça touche directement des millions de patients. Notre défi est double : mobiliser les citoyens et structurer un réseau européen », conclut Théo Giubilei. Le défi est lancé : réunir le nombre de signatures et faire avancer la prise en charge de la santé mentale en Europe. ♦
Bonus
# Vers une révolution psychédélique ? LSD, kétamine, MDMA ou mescaline « sont capables d’induire des expériences de reconnexion à soi-même et au monde », tablent les auteurs de l’ouvrage La révolution psychédélique, le Docteur Olivier Chambon et le journaliste scientifique Jocelin Morisson. Potentiel de guérison inexploité ? Solution optimale pour calmer l’anxiété, les addictions et le stress post-traumatique ? Ils y croient. « Quelques séances suffisent parfois à guérir une pathologie réfractaire à des années de prise en charge classique », argumente-t-on dans ce livre publié en septembre 2020.
Pour signer: https://www.psychedelicare.eu/