Le Sénat interdit le bisphénol A
09/10/2012 Le Figaro
Les sénateurs ont approuvé une proposition de loi sur l'interdiction dans les contenants alimentaires de ce composé chimique, soupçonné de causer de multiples troubles pour la santé, d'ici au 1er juillet 2015.
Alors qu'un nombre croissant d'études confirme les risques pour la santé du bisphénol A (BPA), les sénateurs ont interdit cette substance chimique dans les contenants alimentaires à l'horizon du 1er juillet 2015. Un délai jugé trop court par les industriels, qui mettent en garde contre l'utilisation dans l'urgence de substituts insuffisamment testés.
Votée il y a un an par les députés, la proposition de loi prévoit de suspendre la fabrication, l'importation et l'exportation des contenants alimentaires produits avec du bisphénol A, dès l'année prochaine pour les produits destinés aux enfants de moins de 3 ans. La commission des affaires sociales du Sénat avait proposé, pour sa part, de repousser d'un an l'extension de l'interdiction globale, initialement prévue en 2014, à 2015. Elle s'est en effet dite «consciente des difficultés que cette application du principe de précaution peut entraîner pour les industriels». Une position validée par les sénateurs.
Système hormonal dérégulé
Le bisphénol A (BPA), présent dans la plupart des bouteilles en plastique rigide, des boîtes de conserve ou des canettes, est un perturbateur endocrinien. «Il agit comme un leurre hormonal, en mimant l'action d'hormones naturelles. Il usurpe l'identité des œstrogènes et active leurs récepteurs de manière un peu anarchique et dérégule de cette façon le système hormonal», explique le biologiste William Bourguet (Montpellier Inserm-CNRS).
Conséquences: une fertilité perturbée et davantage de problèmes cardio-vasculaires, de diabète, de cancers du sein et de problèmes de thyroïde. Ces phénomènes ont été observés lors d'études scientifiques chez les animaux et sont fortement suspectés chez l'homme. En 2011, un rapport de l'Agence de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) appelait à remplacer «sans tarder» le BPA. Avant cela, pour protéger les nourrissons jugés particulièrement vulnérables, la France avait suspendu dès juillet 2010 la commercialisation de biberons au bisphénol A.
«Irréalisable»
Les industriels concernés et certains chercheurs invitent quand même à prendre le temps de s'assurer de l'innocuité des produits de remplacement avant d'interdire complètement le bisphénol A. Les premiers critiquent un calendrier «incompatible avec la réalité industrielle», qui exige de très nombreux essais et contrôles avant la mise sur le marché de nouveaux produits. «Si le texte est appliqué et voté en l'état, on sera obligé d'arrêter nos activités, purement et simplement», a lancé Olivier Draullette, délégué général du SNFBM, le syndicat des fabricants de boîtes et emballages métalliques - ces produits étant recouverts d'un film plastique contenant du BPA.
«Notre grande inquiétude, c'est de commercialiser un produit sur lequel on a moins de recul que ceux qui sont utilisés, et qui pourrait être moins sûr que les produits actuels», plaide de son côté Jean-René Buisson, le président de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania). D'autant que «nous aurons besoin de plusieurs substituts pour couvrir la gamme de nos produits», ajoute-t-il, rappelant par exemple qu'une résine avait posé des problèmes d'acidité sur les tomates aux États-Unis. La situation est complexe puisque les industriels de l'emballage métallique ont identifié quatre familles de résines pouvant être substituées à l'actuelle résine au bisphénol A. Chacune doit être testée en fonction de la denrée alimentaire avec laquelle elle sera en contact.
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