La chute d'Assad, un dictateur de moins
Publié : 08/12/24, 18:23
Malgré le soutien des russes et des iraniens, le dictateur est tombé. La suite est incertaine, le peuple syrien passera t'il de la peste au choléra ?
https://www.courrierinternational.com/a ... ent_225425Syrie. Comment la chute d’Assad chamboule le Moyen-Orient
L’effondrement du régime syrien accélère l’affaiblissement de l’influence russe et iranienne dans le pays et au Moyen-Orient, tandis que la Turquie semble avoir joué un rôle déterminant dans cette chute. Loin de pleurer le dictateur Assad, la presse régionale s’inquiète cependant du chemin que vont prendre les islamistes qui dominent les forces rebelles.
Encore inimaginable il y a une dizaine de jours, “la fin des cinq décennies de règne de la famille Assad va redessiner l’équilibre des forces dans la région”, prédit la BBC. Ce dimanche 8 décembre, des groupes rebelles ont annoncé dans une allocution à la télévision publique syrienne la chute du “tyran” Bachar El-Assad.
Leur offensive éclair pourrait avoir des répercussions dans tout le Moyen-Orient. Notamment pour les principaux alliés du régime syrien renversé, l’Iran et la Russie, où le Kremlin affirme aujourd’hui que Bachar El-Assad a “démissionné de son poste” et quitté son pays. “La Syrie était le pilier de l’influence iranienne et russe au Levant. À présent, chacun peut voir que la République islamique et ses amis de Moscou sont sous le choc”, déclare au site Middle East Eye James Jeffrey, ancien envoyé spécial des États-Unis en Syrie.
Le président élu américain Donald Trump a sauté sur l’occasion pour affirmer que “la Russie et l’Iran sont affaiblis à présent” et appeler Vladimir Poutine à “un cessez-le-feu immédiat et des négociations” avec l’Ukraine de Volodymyr Zelensky, qu’il a rencontré hier à Paris avec Emmanuel Macron.
L’Iran et son allié libanais durement touchés
Mais le coup semble encore plus grave pour Téhéran. “L’Iran voit, une fois de plus, son influence sérieusement mise à mal. La Syrie sous Assad contribuait à relier les Iraniens au Hezbollah et jouait un rôle clé pour le transfert d’armes et de munitions à l’organisation libanaise”, rappelle ainsi la BBC.
L’effondrement du régime syrien “est dû en bonne partie aux coups portés par Israël aussi bien au Hezbollah qu’à l’Iran”, tient d’ailleurs à souligner The Jerusalem Post. Pour autant, le journal israélien avertit dans son éditorial que cet événement représente à la fois “une opportunité et un risque”. Certes, “Israël ne pleurera pas la chute d’Assad, ennemi implacable d’Israël”. Celle-ci pourrait même, dans un scénario idéal, “offrir aux Libanais une chance de reprendre enfin le contrôle de leur propre pays”.
Néanmoins, la composition des forces rebelles syriennes n’est pas pour plaire à Israël : “elles sont menées par des djihadistes sunnites qui suivaient jusque récemment la ligne d’Al-Qaïda”, à savoir l’organisation Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), “et elles comprennent aussi des islamistes soutenus par la Turquie”.
Le parrain Erdogan
En effet, explique au Liban L’Orient-le-Jour, “Recep Tayyipp Erdogan se pose d’office comme l’instigateur et le grand gagnant de cette chevauchée fantastique” des rebelles syriens. Le président turc avait des griefs contre Bachar El-Assad, qu’il pressait de négocier le retour de millions de Syriens réfugiés en Turquie et de lutter contre les forces kurdes. Même s’ils ont appelé ensemble à une fin des combats, Ankara, Moscou et Téhéran, qui ont tenu hier une rencontre tripartite à Doha, au Qatar, étaient au fond en désaccord sur cette crise, fait observer The Guardian.
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Officiellement, la Turquie se défend de soutenir les islamistes de HTC. Néanmoins, pour L’Orient-le-Jour, c’est bien Erdogan qui est le principal protecteur de la coalition de forces syriennes auxquelles il a imposé “une discipline de fer”. Ainsi, “les rebelles se sont gardés de toute exaction visant la population”, devenant “plus fréquentables aux yeux des Occidentaux”. Erdogan lui-même en récolterait les fruits.
“Dans le même temps qu’il savoure les loukoums de la revanche, le reis turc réendosse […] son costume de prédilection : celui de l’islamiste modéré, que l’Occident proposait d’ailleurs en modèle prêt-à-porter aux peuples de la région lors de l’éphémère printemps arabe.”
La peur d’un régime islamiste radical
Le journal libanais s’inquiète lui aussi d’un risque de contagion de la “fièvre” qui s’est emparée de la Syrie. L’Irak voisin “est hanté par le cauchemar d’un califat sunnite installé à ses portes”. Pour le Liban lui-même, l’éditorialiste Issa Goraïeb redoute plus d’un scénario déstabilisateur : “la partition de la Syrie”, “sa radicalisation religieuse élevée en mode de gouvernement” ou encore “la perpétuation d’un sanglant bourbier vomissant ses bouillons”.
Aux yeux des pays voisins comme des Occidentaux, le comportement des islamistes de la coalition est la grande inconnue, et la grande crainte. “De Jérusalem et Amman jusqu’à Washington et Paris, les gouvernements se préparent à la réelle possibilité de voir Damas passer sous la coupe d’une milice que les États-Unis ont officiellement désignée comme organisation terroriste”, écrit The Washington Post.
HTC a renié ses liens avec l’État islamique puis avec Al Qaïda et son dirigeant Abou Mohammed Al-Jolani “a cherché à cultiver une image plus modérée et tolérante”. Néanmoins, “plusieurs analystes aux États-Unis et au Moyen-Orient disent n’être pas encore convaincus”, et rappellent l’exemple funeste des talibans en Afghanistan.
Gabriel Hassan