Economie réelle de copains mafieux manipulant tout pour leur profit à l'échelle mondiale, depuis 80 ans :
La première chose qu’il faut que vous sachiez sur Goldman Sachs, c’est qu’elle est partout. La banque d’investissement la plus puissante du monde est une formidable pieuvre vampire enroulée autour de l’humanité, enfonçant implacablement son suçoir partout où il y a de l’argent. En fait, l’histoire de la récente crise financière, qui est aussi l’histoire de la chute de l’Empire américain ruiné par des escrocs, se lit comme le Who’s Who des diplômés de Goldman Sachs.
Aujourd’hui, la plupart d’entre-nous connaît les principaux acteurs. En tant que dernier ministre des finances de George Bush, l’ancien PDG de Goldman Henri Paulson a été l’architecte du renflouage, un plan louche pour détourner des milliers de milliards de VOS dollars vers une poignée de ses vieux copains de Wall Street. Robert Rubin, ex-ministre des finances de Bill Clinton, passa 26 ans chez Goldman avant de devenir président de Citigroup – banque qui, en retour, reçut de Paulson 300 milliards de dollars d’argent public. Il y a John Thain, cet enfoiré de patron de Merryl Lynch, qui s’offrit un tapis à 87.000 $ pour son bureau alors que sa société implosait. Ancien de chez Goldman, Thain bénéficia d’un don de plusieurs milliards de dollars de Paulson, lequel utilisa aussi des milliards d’argent public pour aider Bank of America à sauver la société sinistrée de Thain. Il y a Robert Steel, ancien de Goldman et patron de Wachovia, qui s’est accordé 225 millions de dollars de parachutes dorés, pour lui et ses cadres dirigeants, tandis que sa banque s’autodétruisait. Il y a Joshua Bolten, directeur de cabinet de Bush durant le renflouage, et Mark Patterson, en charge des finances dans le cabinet de Bush, qui était encore un lobbyiste de Goldman un an avant. Et Ed Liddy, un ancien directeur de Goldman que Paulson a chargé du renflouage du géant de l’assurance AIG[1]. Après l’arrivée de Liddy, AIG a versé 13 milliards de dollars à Goldman. Les directeurs des banques centrales du Canada et d’Italie sont des anciens de Goldman, comme le sont le directeur de la Banque Mondiale, le directeur du New York Stock Exchange[2], les deux derniers directeurs de la Réserve Fédérale de New York – laquelle est, à propos, maintenant chargée du contrôle de Goldman – …
Ce que vous devez voir est le plan d’ensemble : si l’Amérique est aspirée par un siphon, Goldman Sachs a trouvé le moyen d’être ce siphon – une lacune extrêmement malheureuse dans le système capitaliste occidental, qui n’a jamais prévu que, dans une société qui se laisse passivement gouverner par le Marché libre et des élections libres, la rapacité organisée gagne toujours sur la démocratie désorganisée.
La puissance et le pouvoir sans précédent de la banque lui ont permis de transformer l’Amérique en une pompe à fric géante, manipulant pendant des années des secteurs économiques entiers, déplaçant ses pions quand tel ou tel marché s’effondre, et tout le temps se gorgeant de coûts cachés qui brisent des familles partout – prix du pétrole, taux des crédits à la consommation, fonds de pension à moitié mangés, licenciements massifs, futurs impôts pour rembourser les renflouages. Tout cet argent que vous perdez, il va quelque part et, au sens propre comme au figuré, il va à Goldman Sachs. Cette banque est une immense machine, hautement sophistiquée, pour convertir la richesse utile en la substance la moins utile, la plus gâchée qui soit – le pur profit d’individus déjà riches.
Ils réalisent cela en utilisant encore et toujours le même protocole. La formule est relativement simple : Goldman se place au milieu d’une bulle spéculative, vendant des investissements qu’ils savent être de la merde. Ils aspirent alors de vastes sommes des classes moyennes et basses de la société, avec l’aide d’un État invalide et corrompu qui leur permet de réécrire les règles en échange de quelques pourboires que la banque jette aux politiciens. À la fin, quand la bulle éclate, laissant des millions de citoyens ordinaires sur le carreau, ils recommencent tout le processus, venant à notre rescousse pour nous prêter avec intérêt notre propre argent, tout en se présentant comme des hommes désintéressés, juste une bande de chics types qui sont là pour aider la machine à tourner. Ils nous ont fait le même coup encore et encore depuis les années 1920 – et aujourd’hui, ils se préparent à le faire encore en créant ce qui pourrait bien être la plus grande et plus impudente bulle de tous les temps.
Si vous voulez comprendre comment nous sommes entrés dans cette crise financière, vous devez d’abord comprendre où tout l’argent est allé – et pour comprendre ça, vous devez comprendre comment Goldman s’est débrouillé dans le passé. C’est une histoire longue de cinq bulles exactement – y compris le pic du prix du pétrole l’an dernier, étrange et apparemment inexplicable. Il y eut beaucoup de perdants dans chacune de ces bulles, ainsi que dans le renflouage qui suivit. Mais Goldman n’était pas parmi eux.
Le principe de l’escroquerie de la bulle Internet est très facile à comprendre, même pour les nuls en finance. Des sociétés, qui ne valaient guère plus que des idées trouvées sous l’influence du cannabis et écrites sur un coin de nappe par des fumeurs de joints attardés, furent introduites en bourse[10], leur promotion assurée par les médias et vendues au public pour des milliards. C’était comme si les banques, dont Goldman, avaient emballé dans un joli papier-cadeau des pastèques, les avaient lâchées du 50e étage tout en décrochant les téléphones pour les mettre aux enchères. Dans ce jeu, vous ne gagnez que si vous récupérez votre argent avant que la pastèque n’atteigne le trottoir.
Ça semble évident maintenant, mais ce que l’investisseur moyen ne savait pas à ce moment-là, c’est que les banques avaient changé les règles du jeu pour améliorer l’apparence de ces affaires. Elles avaient mis au point un système d’investissement à deux classes – une pour les initiés qui connaissaient les vrais chiffres et l’autre pour les profanes qui étaient invités à suivre des prix gonflés que les banques elles-mêmes savaient être irrationnels. Alors que l’ancien fonctionnement de Goldman était de profiter des changements législatifs, son innovation clé durant les années Internet a consisté à abandonner ses propres normes de contrôle de qualité.
Comment Goldman réalisa-t-elle des résultats aussi extraordinaires ? Une réponse est qu’ils utilisèrent une pratique appelée « laddering[12] », ce qui n’est qu’un mot chic pour dire qu’ils ont manipulé les prix des actions offertes. Voici comment ça marche : disons que vous êtes Goldman Sachs et que la société Connerie.com vient vous voir pour vous demander de l’introduire en bourse. Vous vous mettez d’accord sur les conditions habituelles : vous évaluez l’entreprise, déterminez le nombre d’actions offertes au public et embarquez le PDG de Connerie.com en tournée pour papoter avec les investisseurs, tout ça pour une commission substantielle (typiquement 6 à 7 % du capital récolté). Vous promettez alors à vos meilleurs clients le droit d’acheter de gros paquets d’actions au prix d’introduction – disons que Connerie.com débute à un prix de 15 $ l’action – en échange de la promesse que ces clients achèteront encore d’autres actions plus tard, sur le marché. Cette exigence, apparemment innocente, vous donne une connaissance d’initié de l’évolution du prix de l’action, connaissance qui n’était pas partagée avec les couillons de traders banals, lesquels n’avaient que le prospectus pour se faire une idée. Vous savez que certains de vos clients qui ont acheté X actions à 15 $ vont aussi en acheter Y de plus à 20 ou 25 $, ce qui garantit pratiquement que le prix va monter jusqu’à 25 $ et au-delà. De cette façon, Goldman pouvait faire monter artificiellement le prix de l’action, ce qui, évidemment, profitait à la banque – une commission de 6 % sur 500 millions de dollars, c’est de l’argent.
D’après ce dont j’ai été témoin, Goldman était la pire délinquante », dit Maier. « Ils ont complètement nourri la bulle. Et c’est précisément ce genre de comportement qui a causé l’effondrement du marché. Ils ont bâti ces actions sur une base illégale – ont manipulé le prix à la hausse – et, vers la fin, ce sont les petits qui ont fini par acheter ». En 2005, Goldman accepta de payer 40 millions de dollars pour ses fraudes de laddering – une amende ridicule comparée aux énormes profits que la banque a réalisés. (Goldman, qui a nié avoir mal agi dans tous les procès qu’elle a arrêtés par une négociation, a refusé de répondre aux questions concernant cette histoire.)
Une autre pratique à laquelle Goldman s’est livrée durant la bulle Internet était le « spinning », mieux connu sous le nom de corruption. Dans ce cas, la banque offrait aux cadres dirigeants de la société mise en bourse des actions à un prix très préférentiel, en échange de leur clientèle future. Les banques qui pratiquaient le spinning sous-estimaient le prix initial d’introduction, s’assurant ainsi que ce prix bas, dont elles faisaient profiter les initiés, allait très probablement monter rapidement, apportant ainsi des gains immédiats aux cadres favorisés. Ainsi, au lieu de Connerie.com offert à 20 $, la banque approchait le PDG de Connerie.com et lui offrait un millions d’actions de sa propre société à 18 $ en échange de sa clientèle – avec comme effet de voler tous les nouveaux actionnaires de Connerie.com en détournant vers le compte privé du PDG des liquidités qui, sinon, seraient allées sur le compte de la société.
Le rôle de Goldman dans le désastre absolu que fut la bulle immobilière n’est pas difficile à retracer. Là aussi, la combine de base fut une dégradation des règles bancaires, bien que dans ce cas il ne s’agissait pas des règles d’introduction en bourse, mais de celles des prêts immobiliers. Maintenant, presque tout le monde sait que, pendant des décennies, les prêteurs exigeaient des emprunteurs qu’ils soient capables de fournir au moins 10 % d’apport personnel, qu’ils aient des revenus réguliers, une bonne côte de crédit ainsi qu’un vrai prénom et patronyme. Mais, à l’aube du nouveau millénaire, les prêteurs jetèrent subitement tout ce caca par la fenêtre et commencèrent à signer des prêts sur des serviettes en papier à des serveuses et d’ex-taulards ayant en poche cinq balles et une barre de Mars[14].
Rien de cela n’aurait été possible sans les banquiers d’affaires comme Goldman, qui créèrent des véhicules pour emballer ces adorables prêts et les vendre en masse à des compagnies d’assurance et des fonds de pension sans défiance. Ceci créa un marché de masse pour la dette toxique qui n’aurait jamais existé avant. Dans l’ancien temps, aucune banque n’aurait voulu avoir en portefeuille le prêt d’un quelconque ex-taulard camé, sachant la probabilité qu’il ne soit pas remboursé. En d’autres mots, vous ne pouvez signer de tels prêts que si vous avez quelqu’un à qui les vendre, quelqu’un qui ignore ce qu’ils sont en réalité.
Goldman utilisa deux méthodes pour dissimuler la saleté qu’ils vendaient. En premier lieu, ils ont fait des liasses de centaines de différents prêts immobiliers dans des instruments appelés CDO[15]. Ensuite, ils ont vendus aux investisseurs l’idée que, parce qu’une liasse de ces prêts se comporterait bien dans l’ensemble, il n’y avait pas de raison de s’inquiéter trop des « adorables[16] ». Le CDO, dans son ensemble, était solide. Ainsi, les prêts notés comme des déchets ont été transformés en investissements notés AAA[17]. En second lieu, pour se couvrir contre le risque sur ses propres paris, Goldman obtint une assurance de compagnies comme AIG[18] – assurance connue sous le nom de CDS[19] – sur les CDO. Les CDS étaient fondamentalement un pari sur une course de chevaux entre AIG et Goldman : Goldman parie que les ex-taulards vont faire défaut sur leur prêt, AIG parie qu’ils le rembourseront.
Il y avait un seul problème avec ces affaires : toute leur mécanique était exactement le genre de spéculation dangereuse que les agences fédérales sont supposées refréner. Les produits financiers dérivés comme les CDO et les CDS avaient déjà provoqué une série de catastrophes financières : Procter & Gamble et Gibson Greetings y perdirent tous deux des fortunes. En Californie, le comté d’Orange fut forcé de se déclarer en cessation de paiement en 1994. Cette année-là, un rapport du bureau de comptabilité du Gouvernement[20] recommandait de réglementer strictement ce type d’instruments financiers – et, en 1998, la présidente de la commission des transactions à terme sur les matières premières[21] [CFTC], Brooksley Born, confirma cette recommandation. En mai 1998, elle écrivit une lettre à l’administration Clinton et aux dirigeants économiques suggérant que les banques soient tenues de fournir plus de détails sur le négoce des dérivés et qu’elles soient aussi tenues de faire des provisions pour amortir les pertes.
Plus de règlementation n’était pas exactement ce que Goldman avait en tête. « Les banques sont furieuses – elles veulent bloquer la réforme », dit Michael Greenberger, qui travaillait pour Born comme directeur des marchés et des transactions financières à la CFTC et qui est maintenant professeur de droit à l’université du Maryland. « Greenspan, Summers, Rubin et [le patron de la SEC Arthur] Levitt veulent aussi la bloquer. »
En 2000, le dernier jour de sa législature, le Congrès adopta la – maintenant fameuse – loi de modernisation des transactions à terme sur les matières premières[22], loi qui fut insérée à la dernière minute dans un collectif budgetaire de plus de 1000 pages, avec presqu’aucun débat au Sénat. Les banques étaient maintenant libres d’échanger des CDS en toute impunité.
Mais l’histoire ne se termina pas là. En 2000, AIG, le principal fournisseur de CDS, approcha le département des assurances de l’État de New York pour lui demander si les CDS seraient règlementés en tant qu’assurances. À l’époque, le bureau des assurances était dirigé par Neil Levin, un ancien vice-président de Goldman. Celui-ci décida que les CDS ne seraient pas règlementés. Devenue libre d’émettre des CDO et d’acheter des CDS autant qu’elle voulait, Goldman se jeta frénétiquement dans le marché du prêt immobilier. En 2006, à l’apogée de la bulle, Goldman avait émis pour 76,5 milliards de dollars de produits dérivés basés sur des prêts immobiliers – un tiers de ces prêts étant des subprime -, la plus grande part de ces produits étant vendue à des investisseurs institutionnels comme des fonds de pension et des compagnies d’assurance. Et, dans ces émissions massives, il y avait de vastes marécages de merde.
Prenons une émission de cette année-là, GSAMP Trust 2006-S3 pour 494 millions de dollars. De nombreux prêts correspondaient à un second emprunt par les emprunteurs et leur capital moyen ne valait que 0,71 % de leur emprunt. De plus, 58 % des prêts étaient peu ou pas documentés – pas de nom de l’emprunteur, pas d’adresse, juste le code postal. Malgré cela, les deux principales agences de notation, Moody’s et Standard & Poor’s, donnèrent à 93 % de l’émission la note « qualité pour investisseur »[23]. Moody’s prédisait que moins de 10 % des prêts feraient défaut. En réalité, 18 % furent en défaut de paiement dans les 18 mois.
Mais Goldman n’était pas exposée au risque. La banque pouvait acheter ces prêts affreux, complètement irresponsables, à des firmes pires que des gangsters comme Countrywide et les revendre à des municipalités et des retraités – des vieux, bon sang ! – en affirmant que ce n’était pas la pire bouse de vache qu’on ait jamais vue. Mais tout en faisant cela, la banque prenait des positions à la baisse sur ce marché. En clair, elle pariait contre la merde qu’elle-même vendait. Pire encore, Goldman s’en félicitait publiquement. « Le secteur du prêt immobilier continue à être faible », se vantait David Viniar, responsable financier de la banque, « en conséquence, nous avons subi des pertes sur nos positions acheteuses… Cependant, notre gestion du risque sur ce marché consistait à être baissier et notre position nette vendeuse a été bénéficiaire ». En d’autres termes, les dérivés de prêts immobiliers que Goldman vendait étaient pour les crétins. On ne pouvait gagner de l’argent qu’en pariant contre ces mêmes prêts immobiliers.
« Voilà jusqu’où ces salopards ont osé aller », dit le gérant d’un hedge fund. « Au moins, avec les autres banques, vous pouviez dire qu’elles étaient seulement stupides – elles croyaient à ce qu’elles vendaient et elles ont implosé avec la bulle. Goldman savait ce qu’elle faisait ». Je demande au gérant comment il se peut que vendre quelque chose et parier contre – surtout si vous en savez plus sur les faiblesses des produits que le client – ne soit pas considéré à un délit d’initié.
« C’est exactement un délit d’initié », dit-il, « c’est le cœur même du délit d’initié ».
En fait, au moins 13 milliards de dollars d’argent public, donnés à AIG pour son renflouage, sont allés à Goldman, ce qui signifie que la banque a gagné deux fois sur la bulle immobilière : elle a d’abord arnaqué les investisseurs qui ont acheté ses CDO pourris en pariant contre ses propres produits merdeux, puis elle s’est retournée et a arnaqué le contribuable en le faisant payer ces mêmes paris.
Et de nouveau, tandis que le monde s’effondrait autour de la banque, Goldman s’assura que tout irait très bien du côté des rémunérations. En 2006, le montant des rémunérations grimpa à 16,5 milliards de dollars – une moyenne de 622.000 $ par employé. Comme l’expliqua un porte-parole de Goldman, « Nous travaillons très dur ici ».
Mais le meilleur était encore à venir. Tandis que l’effondrement de la bulle immobilière expédia la plupart du monde financier vers la sortie ou la prison, Goldman doubla la mise – et, presque seul, créa encore une autre bulle, une dont le monde ignore encore que la firme y est impliquée......
Alors d’où provenait l’énorme hausse des prix du pétrole ? Devinez. Évidemment, Goldman a été aidé – il y avait d’autres joueurs dans le marché des matières premières physiques - mais la cause initiale a tout à voir avec le comportement d’un petit nombre de puissants acteurs déterminés à transformer en casino spéculatif ce marché qui avait été, jusque-là, sérieux. Goldman procéda en convaincant des fonds de pension et d’autres grands investisseurs institutionnels d’investir dans le marché à terme du pétrole[33] – en acceptant d’acheter du pétrole à un certain prix à une date fixée à l’avance. L’initiative transforma la nature du pétrole : d’une matière première rigidement soumise à la loi de l’offre et de la demande, il devint un objet de paris, comme les actions. Entre 2003 et 2008, le volume d’argent spéculatif dans les matières premières passa de 13 milliards à 317 milliards de dollars, un accroissement de 2.300 %. En 2008, un baril de pétrole changeait de main, sur le papier, 27 fois en moyenne avant d’être livré et consommé......
Dans ce qui était devenu un processus douloureusement familier, la pastèque du pétrole frappa brutalement le trottoir durant l’été 2008, causant une perte massive de richesse ; le prix du brut plongea de 147 $ à 33 $[42]. À nouveau, les grands perdants étaient des gens ordinaires. Les retraités, dont les fonds de pension avaient investi dans cette merde, furent massacrés : CalPERS[43], le fonds de pension des fonctionnaires de Californie, avait 1,1 milliard de dollars investi dans les matières premières quand la chute arriva. Et les dégâts ne provenaient pas que du pétrole. Gonflés par la bulle des matières premières, les prix alimentaires provoquèrent des catastrophes sur toute la planète, réduisant à la famine environ 100 millions de personnes et allumant des émeutes de la faim dans tout le tiers-monde....
La magouille du renflouage
Après l’implosion de la bulle pétrolière à l’automne 2008, il n’y avait plus de nouvelle bulle pour faire ronronner la machine – cette fois, l’argent semble vraiment parti, comme dans une dépression mondiale. Le safari financier a donc déménagé ailleurs et le gros gibier de la chasse a été le seul tas de capital restant, bête et non gardé : l’argent des impôts. C’est ici, dans le plus grand renflouage de l’Histoire, que Goldman Sachs a vraiment commencé à montrer ses muscles.
Le message global de tout ceci – le renflouage d’AIG, l’approbation immédiate de la conversion en holding bancaire, les fonds du TARP – est que quand il s’agit de Goldman Sachs, il n’est plus question de marché libre. Le gouvernement pourrait laisser d’autres joueurs du marché mourir, mais il ne laissera tout simplement pas Goldman échouer, en aucun cas. Son emprise sur le Marché est soudain devenue une déclaration publique de privilège suprême. « Dans le passé, c’était un avantage implicite », dit Simon Johnson, professeur d’économie au MIT[47] et ancien officiel du Fonds monétaire, qui compare le renflouage au capitalisme de copinage qu’il a vu dans les pays du tiers-monde. « Maintenant, c’est plus un avantage explicite. »
Le cap-and-trade va arriver. Ou, sinon, quelque chose du même genre arrivera. La morale est la même que pour toutes les autres bulles que Goldman a contribué à créer, de 1929 à 2009. Dans presque tous les cas, la même banque qui s’est comportée de manière irresponsable pendant des années, surchargeant le système par des prêts toxiques et de la dette mortelle, ne produisant rien d’autre que des bonus énormes pour quelques patrons, cette même banque donc a été récompensée par des montagnes d’argent pratiquement donné et la garantie du gouvernement – tandis que les vraies victimes de ce désordre, les contribuables ordinaires, sont ceux qui payent pour lui.
C’est un État gangster, vivant sur une économie de gangster où même les prix ne signifient plus rien : dans chaque dollar que vous payez se cachent des taxes. Et peut-être bien que nous ne pouvons plus l’arrêter, mais nous devons au moins savoir où tout cela nous conduit.