Changements, chahuts, séismes... On ne sait plus quel terme convient pour qualifier la série de bouleversements politiques qui se déroulent sous nos yeux. Exit Matteo Renzi, après Nicolas Sarkozy et François Hollande. Si l'on y ajoute Brexit, élection de Donald Trump, campagne présidentielle en France, élections à venir en Allemagne, on mesure combien se fracturent, en ce moment, les paysages anciens. Ces mutations révèlent en particulier la versatilité des électeurs, leur exaspération et leur lassitude. Elles montrent l'emprise croissante des mouvements d'humeur sur la vie politique, au détriment de la rationalité et du long terme. Dès lors, certains craignent que la démocratie ne se dégrade sous la pression des populismes et des passions incontrôlées. Un vieux mot, en grec ancien, servait à nommer ce genre de détraquement : ochlocratie. Oublié, il est à présent hors d'usage. Pourtant, il vaut d'être revisité.
Par opposition à « demos ", le peuple, « ochlos » désigne la foule, ce qu'elle a de chaotique, de tumultueux, de désordonné et d'imprévisible. La démocratie est bien le pouvoir du peuple, mais il est encadré par les lois qu'il s'est données à lui-même. Les décisions proviennent des citoyens, mais ceux-ci délibèrent avec logique, car ils sont supposés être éduqués et informés pour avoir des avis éclairés et raisonnables. A l'opposé, quand s'installent la domination de la cohue, le règne des émotions de masse, les caprices de la multitude, on assiste à l'affaissement du système. Flottant au gré des passions populaires, emportée par la foule, la démocratie, de pressions en dépressions, risque de sombrer. Si c'est le cas, si la populace remplace le peuple, alors s'installe à sa place un autre régime, l'ochlocratie. Voilà ce que soutenait Polybe, au livre VI de ses « Histoires ", qui tente un abrégé des pensées politiques grecques classiques, et condense notamment l'essentiel de Platon et d'Aristote.
Presque plus personne, aujourd'hui, ne fréquente la prose de cet auteur. Ce fut en son temps (entre -200 et -120 avant notre ère) un personnage de premier plan de l'histoire grecque : général après la mort d'Alexandre, il devint l'otage des Romains, avant que l'homme d'Etat ne se muât en historien, diplomate et théoricien du politique. Peu de textes, au fil des siècles eurent autant d'influence que cet abrégé, qui marqua profondément Cicéron, mais aussi Machiavel et Rousseau, entre autres penseurs majeurs. Comme vient de le rappeler le philosophe Jean-Claude Milner (*), on a retenu de Polybe, principalement, la théorie d'une évolution cyclique des régimes politiques. Leurs formes se succéderaient en boucle, de la monarchie jusqu'à l'ochlocratie, comme si la roue de l'histoire tournait indéfiniment.
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Roger-Pol Droit
Roger-Pol Droit est écrivain et philosophe.(*) « Relire la révolution », Jean-Claude Milner, Verdier, 2016.
https://www.lesechos.fr/09/12/2016/LesEchos/22336-053-ECH_connaissez-vous-l-ochlocratie--.htm
Ci dessus une représentation de l'anacyclose :Cycle de successions de régimes politiques, développée par Polybe, dans lequel le populisme succède à la démocratie, avant de revenir à la monarchie.
Je pense que tout le monde aura remarqué qu'il bien difficile d'appeler de nos jours le système de gouvernance comme étant "démocratique"(au sens strict j’entends),dans le sens nous vivons au sein de démocratie dite libérale,c'est à dire des systèmes de gouvernances fondé sur l'échange de marchandise,de sa répartition au sein des classes sociale1 et sur les solutions visant à maintenir la production de valeur abstraite
On constate de plus que le développement des réseaux sociaux à permis d'accentuer une tendance,fondé sur les émotions plutôt que la réflexion,sur les apparences plutôt que sur la structure...
Il serait quelque peu exagéré de reprendre au pieds de la lettre si je puis dire la notion d'anacyclose,dans le sens ou notre société est un mix de tout cela ,mais il apparait clairement que cette notion très ancienne est on ne peut plus pertinente et nous prédispose à anticiper l'avenir.
La ou cela devient encore plus intéressant c'est lorsque l'on opère une comparaison entre anacyclose et cycle économique:
https://www.francois-roddier.fr/?p=471
L'anacyclose était fondé sur les cycles de gouvernances au sein des société antiques,celles ci étant relativement lente en terme d'évolution,il est désormais nécessaire d'y apporter quelques retouches du fait de l'accélération des phénomènes en cours.
Dans la mesure ou la tyrannie succède à l'ochlocratie,est au vu des défis de demain(flux migratoire,pic pétrolier,réchauffement climatique,crise économique) cette chronologie des pouvoirs semble malheureusement bien coller au déroulement historique.
Qu'en pensez vous?
(1)L'essentiel du débat citoyens/politiciens tourne autour de la notion de "répartition des richesses",tout le monde en voulant toujours plus bien évidemment...sans comprendre que l’essentielle des "injustices" est intrinsèquement lié à la structure du système...que personne ne veut réellement changer...