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Serions nous trop marginaux ?
Publié : 01/03/21, 09:41
par Rajqawee
En ce moment, je me repose une question (qui m'accompagne depuis longtemps), celle du titre.
Je pense que cela a sa place sur ce forum puisque nous parlons beaucoup de sujets sur lesquels nous sommes souvent des marginaux, à contre courant :
-potager sans sarcler, sans bêcher, sans traiter
-les impacts sur l'environnement
-s'intéresser à la biodiversité
-questionner la pertinence d'utilisation de telle ou telle énergie
-questionner la gestion épidemique...
-questionner le modèle économique
-et plein d'autres !
Etc. Pitié, ne rentrez pas dans ces sujets sur ce fil, ce n'est pas mon intention !
En somme, nous nous renseignons, documentons sur des sujets très peu maîtrisés par la majorité des gens. Et souvent en se documentant, nous prenons des chemins différents, voire très différents de ceux empruntés par la majorité : simplement remettre en question la "voie classique" relève déjà de l'exception au sein de la population.
Quel est le problème ? Le problème potentiel que j'aperçois, c'est que ça rend de plus en plus....difficile d'échanger avec des gens qui n'ont pas du tout raisonné de la même manière ! Les incompréhensions (des uns envers les autres) sont parfois trop importantes pour arriver à combler le fossé uniquement sur la base de la tolérance et de l'échange social.
Je le vois bien d'ailleurs par mes enfants, qui se demandent pourquoi les gens agissent de telles ou telles manières. Et c'est évidemment pour eux que je m'inquiète : s'ils deviennent trop marginaux par mes propres choix de vie, est-ce que je ne les pénalise pas, d'une certaine façon, pour leur vie future ?
J'ai un exemple de ma propre enfance où j'avais un copain qui n'avait pas la télé (qui chez mes parents était très regardée). Ca m'avait choqué. Lui s'en foutait et était suffisamment charismatique pour que ça ne le pénalise pas, mais je ne suis pas sûr que je n'aurais pas trouvé ça "bizarre" chez un enfant moins à l'aise...
J'aurai envie de développer mais je préfère laisser la conversation se poursuivre avec vos interventions et rebondir.
Re: Serions nous trop marginaux ?
Publié : 01/03/21, 10:09
par Ahmed
Ce que tu nommes "voie classique" peut se voir comme un protocole, c'est à dire une méthode de fonctionnement qui semble adéquate à un objectif et qui s'auto justifie par l'usage. Autrement dit, il existe une infinité de possibilités, mais ce nombre décroît rapidement du fait des déterminismes et des limitations imposées par le réel. Une voie préférentielle se dégage et s'avère pratique en dépit que son tracé ne soit pas forcément optimisé, car le passage en est bien frayé et il est facile d'y marcher. Pour les amateurs de passages "hors piste", leur choix se justifie par leur perception de la non optimisation du sentier "main stream" et surtout du fait d'une orientation globale inadéquate.
Se pose effectivement ta question du décalage d'avec les "autres", les plus conformistes, car une bonne part de ce mimétisme grégaire résulte justement de notre fonctionnement social. Une part de la réponse me semble à trouver dans le caractère évolutif des choses: ce chemin tout tracé fait partie de l'impensé systémique, du mécanisme social implicite et se déploie sans que ses conséquences fonctionnelles soient formalisées (sachant que l'allégorie du chemin comporte des limites: en particulier, cette voie se trace au fur et à mesure à partir de l'existant); dès lors, il est assez clair que des voies de bifurcation s'imposent tôt ou tard, car la simple prolongation de ce qui est déjà parcouru ne fournit aucune assurance de son bien fondé: tout au contraire, il n'existe aucune raison pour que le résultat d'un non choix, fut-il comme ici collectif*, soit positif pour ceux qui s'y tiennent. De ce point de vue, les enfants qui seront avertis de bifurcations possibles et mêmes souhaitables (sans garantie de succès non plus, mais tout de même nettement plus que de s'en remettre à des déterminismes totalement indifférents à notre sort) seront moins dépourvus face aux conséquences évoquées plus haut.
* Un "non choix collectif" est une expression assez bizarre, mais exprime bien la réalité, me semble-t-il.
Re: Serions nous trop marginaux ?
Publié : 01/03/21, 10:28
par jean.caissepas
Très bon sujet en cette période d'échanges trop virulents, auxquels je me refuse de répondre afin de ne pas remettre de l'huile sur le feu.
Ton expérience me rappelle un peu la mienne :
- Je n'aime pas être un suiveur, ni mouton ni loup, mais j'aime pratiquer ce qui me fait du bien uniquement d'un point de vu personnel (je soigne mon karma et aime suivre mon chemin à mon rythme, en aidant de temps en temps ceux qui se sont perdus sur le leur ou sur un chemin qui n'était pas le leur...)
- J'ai subi dans ma jeunesse et encore maintenant les railleries des autres conformistes qui ont du mal à comprendre que l'on ne fasse pas comme eux :
- Pourquoi tu ne fait pas un mur autour de ta maison, des haies, des arbres, ... (j'aime voir loin physiquement et mentalement)
- Pourquoi te ne change pas de voiture ? (mon vieux VT marche toujours, et j'attends le bon VE !)
- Pourquoi tu ne va pas à l'autre bout du monde ? (pour voir des plages, la mer, du sable, que je vois pas si loin sans prendre l'avion)
Signé : Un libre penseur qui n'aime pas le conflit car je considère que c'est très souvent une agression injustifiée et une perte de temps !
J'espère que ce sujet de discutions restera Zeeeeeeennnnnnnnn !
Re: Serions nous trop marginaux ?
Publié : 01/03/21, 10:32
par janic
Ahmed
ton utilisation de chemins et de voies illustre bien, justement, notre réseau routier où, aux nationales se sont substituées des autoroutes aux effets pervers dus à ses avantages réels. De longues routes bitumées, sans croisements, sans ralentissement aux traversées de ville et de village, rapidité de déplacement,etc.. C'est l'autoroute du conformisme où l'on fini par somnoler, ne plus se rendre compte que plus la vitesse est élevée et plus les accidents sont graves et que la consommation est excessive et les passagers ne voient plus qu'un long ruban sans intérêt psychologique du au manque de variété d'un paysage.
Rouler sur les voies secondaires, faire son jardin sans produits chimiques de synthèse, respirer un air moins pollué, c'est devenu marginal en effet, mais petit à petit, les choses changent ce qui laisse entrevoir un espoir comme pour la boite de Pandore.
Re: Serions nous trop marginaux ?
Publié : 01/03/21, 11:04
par Obamot
Nous sommes dans une société où nous subissons une sorte de dictature de la norme. Tout est dans l’optimisation, “l’accélération” nous dit Ahmed. Un modèle décrit par certains (et à juste titre) comme “anthropotechnique”. Et c’est anti-démocratique (nous dit Roland Gori) La démocratie se fonde par le dialogue, la discussion, où il est bon de faire valoir ses arguments, où il est important de discuter pour prendre des décisions, or la vérité au nom de laquelle peut se prendre une décision en démocratie, elle se trouve en aval de la discussion et non pas en amont.
Dès lors, pourquoi craindre quelque chose fondé sur un comportement passé (en amont) plutôt que miser sur la confiance et la capacité d’être créatif et de produire un comportement à venir utile pour autrui, (en aval) C’est bien le propre de l’éducation, de la formation que d’arriver à fournir les outils d’adaptation nécessaire (pour finalement dépasser cette simple adaptation). A défaut on “fabrique de la peur” et on fini par produire du risque ã force d’en avoir la crainte.
A une époque où les jeunes ne sont plus tant dans la “narration”, que dans le shoot quotidien à la “connexion” via le woueb, il est plutôt à souhaiter que pour le bien de leur développement, ils aient toute la pleine richesse de leur origine, spécificités et réflexions personnelles qu’exprimeront LEUR différence durant tout leur parcours.
J’ai depuis très jeune été en rupture (pour des motifs divers, autant sociologiques, philosophiques, politiques qu’économiques, et ça m’a permis de me constituer ma propre “niche” sans laquelle il m’aurait été impossible de me différencier, et qui a constitué à certaines époques une très forte valeur ajoutée (j’étais quasiment l’un des seuls à pouvoir offrir les services que je proposais à la ronde, vive la marge...!). Et ce n’est pas fini, ça s’est encore enrichi au fur et à mesure que les connaissances par l’expérience sur le terrain s’accumulaient.
Re: Serions nous trop marginaux ?
Publié : 01/03/21, 11:11
par eclectron
Il suffit de voir la convention citoyenne, 150 personnes lambda, informées objectivement et voilà que ça donne des écolos !
(pour schématiser)
Rajqawee pas de souci pour tes enfants, ait confiance en la vie ( ce ne sont pas des mots en l'air ou vide de sens), et tout se passera a merveille pour eux, même les emmerdes.
C'est justement ton inquiétude (peur), que tout le monde a en lui, qui maintient un conformisme ambiant et rien ne bouge significativement dans le sens qu'il faudrait.
je vais prendre un exemple: je voudrais batir une maison originale mais je ne vais pas le faire car si je pense a la revente et aux gout moyen des futurs acquéreurs, j'aurais du mal a revendre cette maison originale.
Je vais donc batir une maison' moyenne'.
Voilà ce qui maintient le conformisme dans la société.
Nous ne sommes pas toujours prêts a payer le prix du non-conformisme. Il est plus confortable d’être conformiste.
Sauf que certaines personnes, plus sensibles, ne souffrant pas l’incohérence, sont prêts à braver le conformisme, quel qu'en soit le prix.
Si tes enfants sont comme ça, se sont les perles de demain.
Re: Serions nous trop marginaux ?
Publié : 01/03/21, 11:39
par Ahmed
Obamot, ton dernier paragraphe est inquiétant en ce qu'il suggère que l'inadaptation serait un critère possible de meilleure adaptation à l'évolution du conformisme socio-économique... L'inadaptation ne constitue un avantage que par rapport à la compréhension d'un monde évolutif, non à une éventuelle marchandisation qui va dans le sens commun.
Janic, un des inconvénients de l'autoroute que tu oublies de mentionner est qu'elle soustrait aux aléas particulier du parcours en le focalisant exclusivement sur les points A et B, éliminant ainsi toute opportunité non programmée.
Eclectron, la convention citoyenne a aussi produit un rapport dont le contenu a été aussitôt remisé dans un tiroir, ce qui montre la véritable finalité de cette consultation: faire simplement diversion.
Re: Serions nous trop marginaux ?
Publié : 01/03/21, 11:55
par Obamot
Ahmed a écrit :Obamot, ton dernier paragraphe est inquiétant en ce qu'il suggère que l'inadaptation serait un critère possible de meilleure adaptation à l'évolution du conformisme socio-économique... L'inadaptation ne constitue un avantage que par rapport à la compréhension d'un monde évolutif, non à une éventuelle marchandisation qui va dans le sens commun.
Complètement d’accord, c’est pourquoi je dis (si je ne me trompe pas):
[...] C’est bien le propre de l’éducation, de la formation que d’arriver à fournir les outils d’adaptation nécessaire (pour finalement dépasser cette simple adaptation)
C’est le cœur du débat. Je crains que ce que tu dis à juste titre, rejoigne ce que je pense et conduise les individus concernés à “s’effacer en tant que sujets”, ils ne seraient alors plus moteur de leurs propres destin. C’est une position sacrificielle, alors qu’ils n’en ont pas forcément conscience.
Re: Serions nous trop marginaux ?
Publié : 01/03/21, 11:59
par Rajqawee
Mon propos c'était également de mettre en exergue un autre phénomène : si on devient "trop" différent, on peut avoir du mal à se socialiser. C'est ça la marginalisation non ? Or, on a également besoin de rencontrer des gens, y compris de faire de nouvelles rencontres.
Egalement, on peut trouver un effet...comment dire intéressant dans le fait d'être différent : c'est un peu le phénomène du prophète, du martyr, celui qui "a raison" contre tous les autres. Cette position alléchante pourrait parfois nous faire choisir des chemins différents pour cette unique raison ?
Re: Serions nous trop marginaux ?
Publié : 01/03/21, 12:02
par GuyGadeboisLeRetour
Rajqawee a écrit :Mon propos c'était également de mettre en exergue un autre phénomène : si on devient "trop" différent, on peut avoir du mal à se socialiser.
Pas du tout. Nous sommes tous des êtres sociaux et nos différences nous enrichissent. Regardez les enfants en bas âge, qu'il soient Chinois, Papous, Français, ou autres, foutez-les dans un bac à sable et vous constaterez à quel point ils se comprennent, communiquent et jouent ensembles malgré les différences de culture et de langage. Nous sommes tous les mêmes, et tous différents en ce sens que chacun est unique.