Walmart WAVE, camion électrique à prolongateur d'autonomie
Publié : 29/03/14, 23:09
Bonjour à tous
Dans mes billets précédents, je vous ai fait valoir l’importance d’électrifier également les camions lourds, compte tenu de leur part importante dans notre consommation de pétrole au Québec. J’ai récemment mis à jour ma conférence Rouler sans pétrole, et j’en ai profité pour faire un nouveau graphique qui donne l’état de la situation, en 2011, pour tous les secteurs du transport au Québec. Si on ne considère que les transports routiers, les camions lourds représentent 25 % de la consommation de pétrole en 2011 au Québec.
Je vous ai déjà indiqué ce qui me semblait la meilleure solution pour électrifier graduellement les camions lourds, soit un groupe de traction électrique à prolongateur d’autonomie. En rechargeant une batterie de 100 km d’autonomie la nuit et deux recharges rapides (10 minutes) le jour on obtient 300 km par jour en mode électrique. Dans 10 ans, avec la réduction du poids et du coût des batteries, on pourra faire ainsi 600 km à l’électricité, ou 800 km avec 3 recharges rapides.
Il faut donc développer des groupes de traction électriques à prolongateur d’autonomie (également appelés systèmes hybrides série).
Or c’est ce que vient de faire un groupe de compagnies pour livrer à Walmart le camion semi-remorque WAVE, qui fait partie des efforts de cette compagnie pour réduire leur consommation de carburant et l’entretien de leur flotte de camions. Un bel exemple de synergie entre l’économie et l’environnement. Voir
http://www.greencarcongress.com/2014/03 ... -wave.html
et la vidéo Youtube
http://www.youtube.com/watch?list=UUT5J ... ER9X4_gtYk
Le profil aussi aérodynamique est rendu possible grâce à l’utilisation d’une microturbine comme prolongateur d’autonomie, qui ne nécessite pas de refroidissement liquide, donc pas de gros radiateur en avant du tracteur. Par ailleurs, le faible encombrement de cette microturbine permet de la placer sous la cabine de pilotage, avec le moteur électrique et les batteries, rendant alors possible le profilage étroit de la cabine, ce qui ajoute encore à l’aérodynamisme de tracteur. L’ensemble tracteur-remorque offre ainsi 20 % moins de résistance à l’écoulement de l’air, ce qui se traduit par une réduction de 10 % de la consommation de carburant.
Walmart et ses partenaires ne donnent pas de chiffres de consommation du camion semi-remorque WAVE, mais je vais l’estimer. L’hybridation permet normalement de diminuer la consommation d’un camion de 10 % à 25 % selon qu’on conduit sur les autoroutes ou en milieu urbain. L’allègement important résultant de l’utilisation intensive de fibres de carbones (près de 2 tonnes de moins pour la remorque) pourrait se traduire par un 5 % de moins de consommation.
La batterie de 45,5 kwh du tracteur devrait permettre une autonomie d’environ 50 km en mode électrique, ce qui contribue également à la réduction de consommation de carburant. Par contre, l’efficacité d’une microturbine est de 30 % (30 % de l’énergie chimique contenue dans le carburant est transformée en énergie mécanique), alors qu’un moteur diesel lourd à pistons permet d’atteindre environ 40 % d’efficacité. Il y a donc une baisse d’efficacité engendré par la microturbine de 25 %. Celle-ci consomme du diesel mais elle fonctionnerait très bien avec du gaz naturel ou du biométhane, ou encore du biodiesel (fait à partir de recyclage des matières grasses où par biosynthèse).
Faisons un bilan. On a une perte de 25% d’efficacité due à l’utilisation d’une microturbine. Par contre on gagne 10% avec une meilleure aérodynamique, et disons de 15 % en raison de l’hybridation. Sans compter que la diminution de poids nous apporte possiblement un autre 5% de gain. Maintenant, en supposant un kilométrage journalier de 500 km et une seule recharge par jour, l’autonomie de 50 km en mode électrique signifie un autre gain de 10 % (qui pourrait être accrue considérablement en augmentant la capacité de la batterie et en rechargeant trois fois par jour). Bref le camion semi-remorque expérimental WAVE, tel qu’il est présentement devrait consommer environ 15% de moins de carburant diesel qu’un camion semi-remorque traditionnel.
Mais, il ne faut pas uniquement regarder la consommation de carburant. Il faut aussi prendre en compte le fait qu’on n’a pas besoin de système de refroidissement élaboré (un refroidissement à l’air suffit) ni de système de traitement des gaz après combustion (moins de pollution, même sans catalyseur ni filtres à particules, ni système d’injection d’urée). Par ailleurs la microturbine n’a qu’une pièce mobile qui fonctionne avec des paliers à coussin d’air et ne nécessite pas de lubrification. On n’a donc pas de changements d’huiles à effectuer. Enfin il n’y a pas non plus de valve EGR (Exaust gaz recovery) ni de turbo ni d’intercooler. Bref, il y a BEAUCOUP MOINS d’entretien, ce qui se traduit par une baisse substantielle des coûts d’opération.
Pour ce qui est des modes de fonctionnements du groupe de traction, il y en a trois: le MODE CHARGE, le MODE ÉLECTRIQUE, et le MODE HYBRIDE.
Dans le mode charge, si une station de recharge n’est pas à la portée, la microturbine recharge les batteries, alors que le camion est arrêté. Dans le mode électrique, le moteur électrique n’est alimenté que par les batteries. Lorsque leur niveau de charge atteint 50 %, la microturbine démarre automatiquement et tourne toujours à son régime optimal, où la consommation de carburant est minimale. En mode hybride, la microturbine recharge constamment les batteries, en cours de route, en tournant toujours à son régime optimal.
C’est très stimulant de voir le momentum de l’électrification des transports prendre de l’ampleur, même pour les camions lourds!
Bien cordialement
Pierre Langlois, Ph.D., physicien
Dans mes billets précédents, je vous ai fait valoir l’importance d’électrifier également les camions lourds, compte tenu de leur part importante dans notre consommation de pétrole au Québec. J’ai récemment mis à jour ma conférence Rouler sans pétrole, et j’en ai profité pour faire un nouveau graphique qui donne l’état de la situation, en 2011, pour tous les secteurs du transport au Québec. Si on ne considère que les transports routiers, les camions lourds représentent 25 % de la consommation de pétrole en 2011 au Québec.
Je vous ai déjà indiqué ce qui me semblait la meilleure solution pour électrifier graduellement les camions lourds, soit un groupe de traction électrique à prolongateur d’autonomie. En rechargeant une batterie de 100 km d’autonomie la nuit et deux recharges rapides (10 minutes) le jour on obtient 300 km par jour en mode électrique. Dans 10 ans, avec la réduction du poids et du coût des batteries, on pourra faire ainsi 600 km à l’électricité, ou 800 km avec 3 recharges rapides.
Il faut donc développer des groupes de traction électriques à prolongateur d’autonomie (également appelés systèmes hybrides série).
Or c’est ce que vient de faire un groupe de compagnies pour livrer à Walmart le camion semi-remorque WAVE, qui fait partie des efforts de cette compagnie pour réduire leur consommation de carburant et l’entretien de leur flotte de camions. Un bel exemple de synergie entre l’économie et l’environnement. Voir
http://www.greencarcongress.com/2014/03 ... -wave.html
et la vidéo Youtube
http://www.youtube.com/watch?list=UUT5J ... ER9X4_gtYk
Le profil aussi aérodynamique est rendu possible grâce à l’utilisation d’une microturbine comme prolongateur d’autonomie, qui ne nécessite pas de refroidissement liquide, donc pas de gros radiateur en avant du tracteur. Par ailleurs, le faible encombrement de cette microturbine permet de la placer sous la cabine de pilotage, avec le moteur électrique et les batteries, rendant alors possible le profilage étroit de la cabine, ce qui ajoute encore à l’aérodynamisme de tracteur. L’ensemble tracteur-remorque offre ainsi 20 % moins de résistance à l’écoulement de l’air, ce qui se traduit par une réduction de 10 % de la consommation de carburant.
Walmart et ses partenaires ne donnent pas de chiffres de consommation du camion semi-remorque WAVE, mais je vais l’estimer. L’hybridation permet normalement de diminuer la consommation d’un camion de 10 % à 25 % selon qu’on conduit sur les autoroutes ou en milieu urbain. L’allègement important résultant de l’utilisation intensive de fibres de carbones (près de 2 tonnes de moins pour la remorque) pourrait se traduire par un 5 % de moins de consommation.
La batterie de 45,5 kwh du tracteur devrait permettre une autonomie d’environ 50 km en mode électrique, ce qui contribue également à la réduction de consommation de carburant. Par contre, l’efficacité d’une microturbine est de 30 % (30 % de l’énergie chimique contenue dans le carburant est transformée en énergie mécanique), alors qu’un moteur diesel lourd à pistons permet d’atteindre environ 40 % d’efficacité. Il y a donc une baisse d’efficacité engendré par la microturbine de 25 %. Celle-ci consomme du diesel mais elle fonctionnerait très bien avec du gaz naturel ou du biométhane, ou encore du biodiesel (fait à partir de recyclage des matières grasses où par biosynthèse).
Faisons un bilan. On a une perte de 25% d’efficacité due à l’utilisation d’une microturbine. Par contre on gagne 10% avec une meilleure aérodynamique, et disons de 15 % en raison de l’hybridation. Sans compter que la diminution de poids nous apporte possiblement un autre 5% de gain. Maintenant, en supposant un kilométrage journalier de 500 km et une seule recharge par jour, l’autonomie de 50 km en mode électrique signifie un autre gain de 10 % (qui pourrait être accrue considérablement en augmentant la capacité de la batterie et en rechargeant trois fois par jour). Bref le camion semi-remorque expérimental WAVE, tel qu’il est présentement devrait consommer environ 15% de moins de carburant diesel qu’un camion semi-remorque traditionnel.
Mais, il ne faut pas uniquement regarder la consommation de carburant. Il faut aussi prendre en compte le fait qu’on n’a pas besoin de système de refroidissement élaboré (un refroidissement à l’air suffit) ni de système de traitement des gaz après combustion (moins de pollution, même sans catalyseur ni filtres à particules, ni système d’injection d’urée). Par ailleurs la microturbine n’a qu’une pièce mobile qui fonctionne avec des paliers à coussin d’air et ne nécessite pas de lubrification. On n’a donc pas de changements d’huiles à effectuer. Enfin il n’y a pas non plus de valve EGR (Exaust gaz recovery) ni de turbo ni d’intercooler. Bref, il y a BEAUCOUP MOINS d’entretien, ce qui se traduit par une baisse substantielle des coûts d’opération.
Pour ce qui est des modes de fonctionnements du groupe de traction, il y en a trois: le MODE CHARGE, le MODE ÉLECTRIQUE, et le MODE HYBRIDE.
Dans le mode charge, si une station de recharge n’est pas à la portée, la microturbine recharge les batteries, alors que le camion est arrêté. Dans le mode électrique, le moteur électrique n’est alimenté que par les batteries. Lorsque leur niveau de charge atteint 50 %, la microturbine démarre automatiquement et tourne toujours à son régime optimal, où la consommation de carburant est minimale. En mode hybride, la microturbine recharge constamment les batteries, en cours de route, en tournant toujours à son régime optimal.
C’est très stimulant de voir le momentum de l’électrification des transports prendre de l’ampleur, même pour les camions lourds!
Bien cordialement
Pierre Langlois, Ph.D., physicien