Le verdissement des flottes de véhicules. Où en sont les collectivités et les entreprises ?

En France, environ la moitié des véhicules neufs est achetée par les entreprises et les administrations. Ces organisations façonnent donc la demande et le marché de l’occasion puisqu’elles revendent généralement leurs véhicules après 4 ans d’utilisation. La transition électrique des flottes professionnelles est donc un instrument de décarbonation puissant et une politique sociale puisqu’elle renforce lʼoffre de véhicules électriques de seconde main, accessibles au plus grand monde. En effet, 70% du marché de l’occasion provient des véhicules des entreprises et des collectivités.

Depuis le 1er juillet 2022, l’article R. 224-7 du Code de l’environnement impose aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices impose un pourcentage croissant de véhicules à faibles émissions (VTFE) dans le renouvellement annuel de leur flotte.

Pour les collectivités territoriales, qui gèrent directement ou indirectement un parc de plus de 20 véhicules dont le poids total autorisé en charge est inférieur ou égal à 3,5 tonnes, les objectifs sont fixés à 30% de véhicules à faibles émissions (VTFE) jusqu’au 31 décembre 2024, 40% du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2029 et 70% à compter du 1er janvier 2030.

Pour l’État, la proportion s’établit à 50% de véhicules à faibles émissions (VTFE) jusqu’au 31 décembre 2026 et 70% à compter du 1er janvier 2027.

Pour les entreprises privées avec plus de 100 véhicules, la proportion s’établit à 10% de véhicules renouvelés à faibles émissions (VTFE) depuis le 1er janvier 2022. Cette part minimale passera à 20% à partir de 2024, 40% à partir de 2027 et 70% à partir de 2030.

Où en sont les organisations en matière de « verdissement » ?

S’il est clair que les organisations publiques doivent faire office d’exemple avec des obligations légales plus strictes que les groupes privés, la dernière étude de Transport & Environnement montre que les entreprises privées et publiques n’atteignent pas leurs objectifs de verdissement pour les véhicules renouvelés.

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Les chiffres à fin 2022 sont sans appel :

  • 66% des groupes privés n’ont pas atteint leur objectif
  • 87% des administrations de l’État privés n’ont pas atteint leur objectif, le plus mauvais élève
  • 64% des collectivités territoriales n’ont pas atteint leur objectif
  • 37% des entreprises publiques n’ont pas atteint leur objectif

Les objectifs de « verdissement » dans le cadre du renouvellement des flottes automobiles en 2022 (10 %, 30 % ou 50 % selon les catégories dʼacteurs) ne sont pas atteints. Parmi les 100 plus grands groupes (citons Veolia, Saint-Gobain, Bouygues, Lidl, Eiffage ou encore Air Liquide), la proportion s’établit à 42% de l’objectif de « verdissement » atteint. Malgré le bénéfice d’image auprès des clients, collaborateurs et candidats potentiels, à une époque où certains grands groupes ont du mal à recruter des cadres diplômés en raison de leur image environnementale désastreuse, 58% des grands groupes ne sont donc pas en conformité.

Pour Antoine MARTIN, de France Marchés, portail qui recense les appels d’offres et marchés publics en région, cette réglementation est un échec car elle n’est pas assortie d’amendes en cas de non-respect. Selon lui, les organisations sont encore peu volontaires malgré les restrictions (ZFE et ZFE-m dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants). Peu d’appels d’offres transitent sur la plateforme à cet égard car les freins opérationnels existent.

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Les difficultés opérationnelles du « verdissement »

Pour Antoine MARTIN, l’offre de camions électriques (7 tonnes, 7,5 tonnes et 12 tonnes) est très limitée. Pour travailler dans des rues étroites, les collectivités ont besoin de capacités adaptées. Or, l’offre du marché ne permet pas de trouver les véhicules nécessaires. Il faut aussi que ces véhicules soient « remorquants », ce qui n’est pas le cas dans cette motorisation. Des difficultés d’avitaillement en GNV sont également un frein à la bascule. Comment gérer l’avitaillement d’une flotte si le nombre de stations ne permet pas d’absorber de plus nombreuses fréquences par rapport au diesel ?

La recharge électrique est également un frein, pour les grands groupes avec plus de 1 000 véhicules. Chez certains, après être passé au véhicule hybride rechargeable ou PHEV, les directeurs de flotte se sont rendus compte que les collaborateurs ne se préoccupaient pas de recharger le véhicule, et ce, par manque de bornes. Ils roulent donc en mode thermique, ce qui occasionne des dépenses plus élevées. Les mentalités avancent donc moins vite que la réglementation, déplore Antoine MARTIN, qui considère que le véhicule hybride rechargeable (VHR) reste un outil de verdissement artificiel. Il est peu performant en matière de conduite électrique et n’est autre qu’un véhicule thermique déguisé car sous-utilisé. Il devait donc être exclu du périmètre des objectifs de verdissement.

Pour Marielle MAURE, Directrice Communication du loueur Les Formules LLD, il est important que les métiers de gestionnaires de flotte se transforment en « gestionnaire des mobilités » afin de de les doter des connaissances nécessaires à la planification et à la mise en œuvre de la transition des flottes professionnelles. Cette évolution va de pair avec la formation des collaborateurs car on ne peut pas se satisfaire de l’échec de verdissement actuel en matière de renouvellement des flottes automobiles.

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Pour ce loueur, les atouts du véhicule électrique (VE) par rapport à son équivalent thermique sont documentés. Le véhicule électrique est plus écologique (pas d’émissions d’hydrocarbures de fumée ou de particules fines). Pendant la phase de roulage, un véhicule électrique émet entre 2 et 3 tonnes de CO2 selon le kilométrage, dans un pays à l’électricité décarbonée comme la France, contre 30 à 40 tonnes de CO2 pour une voiture thermique. Le véhicule électrique émet donc 65% de CO2 en moins (fabrication, batterie, usage, fin de vie) que son équivalent thermique, un argument à faire valoir dans le cadre d’une démarche RSE, surtout que les projets de batterie en France sont dans les tuyaux. Pour Marielle MAURE, l’impact moindre de la voiture électrique ne doit pas occulter la nécessité de revoir nos mobilités au quotidien, en mixant les approches, notamment les transports en commun ou encore le vélo sur les petites distances.

Les atouts du véhicule électrique sont donc réels, mais comme nous venons de le voir, l’offre de véhicules et les recharges sont encore des freins pour les grandes organisations. Il faudra refaire le point dans un an.

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