Lettre envoyée aux députés et à un sénéteur de Seine Maritime par Armand LEGAY, Master en Sociologie et auteur de l’étude de DEA l’alcool biocarburant
Au Havre le 22 février 08
Messieurs
Le scandale n’est pas seulement le refus des pétroliers d’introduire des biocarburants tant dans le gazole que le super, soir 5, 75% pour 2008 et faire payer les 500 millions par les consommateurs. Il est aussi ailleurs.
En effet, la Charte pour le développement de la filière Superéthanol E85 a été signée le 13 novembre 2006 sous l’égide du Premier Ministre de l’Époque, M. Dominique de Villepin. Par leur signature, les distributeurs de carburants (la grande distribution et les pétroliers), les constructeurs d’automobiles (PSA Peugeot Citroën, Renault, Ford, Saab, Volvo), les producteurs d’éthanol (CGB, AGPB, AGPM) et l’État se sont engagés à assurer le lancement en 2007 et le développement en France de la filière Superéthanol E85.
Avec ce plan gouvernemental biocarburant à partir de janvier 2007, 600 pompes E85 (85% éthanol, 15 % essence) devaient être installées dans l’hexagone, dont 40 % par Total Elfina, or il n’y en a que 200 d’installées et encore avec discrimination patente sur la région Havraise où est produit l’E85.
En effet, il existe un paradoxe sur la mise en place de ces pompes en Seine maritime, par rapport à leur emplacement. Par exemple sur Le Havre aucune pompe n’est installée quand sur la région rouennaise six, dont une en cours d’installation.
Sur le territoire de la Communauté d’Agglomération Havraise, c’est donc le désert concernant ce carburant renouvelable, quand des élus de la République, controversés ou partisans, sont contre (du bout de lèvres) ou prônent la mise en place de deux centrales au charbon quand nous sommes une des régions ou la région (cela dépend du temps) la plus polluée de France.
Et ils savent, ces élus, que la séquestration du CO2 n’est pas au point, de même que son assimilation par des végétaux marins d’élevage.
Le retard qui perdure dans ce plan provient d’une orientation différente prise par le Président Sarkozy avec les conclusions du Grenelle de l’environnement d’octobre 2007 qui n’a été qu’une distraction médiatique.
Ces conclusions montrent le choix pris par le gouvernement Fillon a contrario de celui de M. de Villepin concernant les biocarburants et en particulier le bioéthanol (qui serait tout aussi néfaste que le pétrole sur l’effet de serre) avec le plan E85 lancé par ce dernier. Le Président de la République dans le discours de clôture du Grenelle de l’environnement propose alors qu’une étude soit faite par l’ADEME, Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie, pour lever ou concrétiser les doutes sur les biocarburants de première génération. Pour autant, il annonce que le choix qui lui semble le plus judicieux est les biocarburants de deuxième génération qui utilisent d’autres végétaux que ceux alimentaires et d’autres procédés de fermentation et de liquéfaction de la biomasse (voir cette page: solutions énergétiques du futur).
Cela converge vers la myriade d’associations écologiques et de protection de l’environnement, présente à ce Grenelle, dont je doute de leur représentativité démocratique quant à leur fonctionnement souvent à la solde d’un seul ou quelques individus a contrario de syndicats de salariés ou patronaux ou encore de collectivités. Il faut dire qu’il a été promis 20% de terre bio d’ici 2020 au productivisme vert. Cela converge aussi vers la position des majors pétrolieres qui ne sont pas prêtes quant à leurs outils industriels que ce soit pour la rénovation, l’installation de nouvelles unités de raffinage de pétrole en Europe et dans le monde. La décision du Gouvernement français et du Président de la République correspond au fait de ce retard industriel. Avec les écologistes dans sa poche, cela fait le jeu surtout de l’advenir (aléatoire) des pétroliers, advenir qui se trouve dans le raffinage de la biomasse. Liquéfiée, comme le pétrole brut, elle pourra être utilisée directement dans les raffineries existantes sans trop de modifications, la technique de distillation et de craquage étant la même.
Cette analyse sur les biocarburants, surtout pour le bioéthanol est a rapprochée des propos de Michel Girard, Ancien Directeur du Développement agricole TOTAL que j’ai entendus lors de la journée des ingénieurs agronomes du 15 novembre 2005 à l’ESIGELEC, au pôle technologique du Madrillet de l’Université de Rouen : « Dans la géographie de la consommation le point focal c’est l’Europe, ce n’est pas la France. L’Europe manque cruellement de diesel. L’Europe est excédentaire en essence. Cela va où ? Aux États-Unis qui eux sont cruellement déficitaires en essence. Cette situation explique la hausse du prix du pétrole du fait qu’il n’y a plus aucune raffinerie construite ni en Europe ni aux États-Unis depuis plusieurs dizaines d’années. (…) Aujourd’hui quand on raconte qu’il y a du brut disponible, c’est vrai, mais c’est du brut de mauvaise qualité. Si on le distillait dans nos raffineries on produirait moins qu’aujourd’hui. Cela aggraverait la crise. (…), Car nous dépendons, les Européens et la France en particulier, entièrement de la Russie.
Il n’y a pas de crainte politique, mais si (les Russes) eux aussi développent leurs transports par camions, ils se serviront en premier. Cela, c’est le résultat des taxes et aussi du CO2, car l’on sait que le diesel consomme moins que l’essence. L’esprit, finalement, c’est une équation assez complexe entre l’Arabie Saoudite, les bruts bas de gamme et les fermetures de raffineries. (…) Dans nos prévisions, il nous fallait élargir notre paramètre de ressources énergétiques. Bien sûr la biomasse en fait partie. Pour nous, le choix de diverses solutions est représenté par quatre modules : les ressources les plus vastes possible, l’agriculture et les coproduits agricoles, les déchets et les techniques de transports pour tout cela. Par exemple, on a oublié comment on transportait le bois de chauffage. Et puis, il y a d’assez nombreuses technologies de transformation qui ne sont pas toutes encore bien maîtrisées afin d’obtenir une gamme de produits qui va de l’énergie directe, en étant plus efficace, à la récupération avec la cogénération, en passant par tous les carburants et les produits de la chimie.(…) Aujourd’hui les biocarburants se développent partout, mais en Europe, c’est la pagaille. C’est une politique fiscale extrêmement hétérogène. Pour nous, en n’oubliant pas les luttes pour la livraison par pipe-line et dépôts qui furent extrêmement difficiles à manier dans toute l’Europe, les biocarburants doivent pouvoir se mélanger et être compatibles avec toute cette politique.
À partir de là, on prendra autant de biocarburants que l’agriculture pourra en faire. Pour l’agriculture, cela aura un énorme impact. Je pense qu’il n’y a pas de souci pour que 25 % des surfaces agricoles aillent pour l’énergie et la chimie. » (Journée des Ingénieurs agronomes Rouen 15 octobre 2005)
Ces propos sont la preuve que la politique environnementale française du nouveau gouvernement est derrière le pétrolier Total.
Cette analyse que je vous soumets est un des aspects de la recherche universitaire que je fais sur les biocarburants. Pour autant, c’est en tant que citoyen de ce qui nous reste de République, que je demande aux élus du peuple d’intervenir auprés du gouvernement. En effet, la controverse actuelle sur les biocarburants est néfaste pour notre économie et notre environnement. Les biocarburants de première génération, dans un développement et une agriculture plus raisonnable que durable (durable de quoi ? ) en France, peuvent être source de développement distinct tout à fait renouvelable à condition d’utiliser des intrants (produits chimiques pour la pousse des végétaux) les moins nocifs et les plus issus de la biomasse. Nos agriculteurs y ont tout intérêt, car ils sont conscients de la préservation de leurs bassins versant et autres territoires et de leur outil de travail : la Terre.
Si comme les pétroliers beaucoup ne parlent que de développement global, ce développement à besoin du local et vice versa.
Pour moi, la nécessité actuelle est d’aller vers une économie positive qui allie la participation démocratique, l’économie et la science écologique et où la politique sera aux commandes et non pas la financiarisation comme aujourd’hui.
Recevez, Messieurs, mon salut républicain et mes cordiales salutations.
LEGAY Armand