La loi française agricole sur l’eau.
Le ministre de l’Ecologie Serge Lepeltier présente mercredi, après sept ans de débats houleux, un projet de loi sur l’eau qui n’impose aucune nouvelle taxe aux agriculteurs, conformément à l’engagement pris en 2002 par Jacques Chirac lors de la campagne présidentielle.
La France, condamnée à maintes reprises par la Commission européenne pour ses manquements à la qualité de l’eau, a mis en chantier cette réforme de la politique de l’eau en 1998.
Le projet de loi prévoyait initialement, tout comme le projet de Dominique Voynet voté en première lecture en 2002, une taxation des nitrates de l’agriculture. La mesure a définitivement disparu après un arbitrage de Matignon et de l’Elysée en juillet. L’actuel projet de loi vise « un bon état écologique des eaux » en 2015, conformément à la directive (loi) européenne du 23 octobre 2000. Aujourd’hui, la moitié du territoire est classé en « zone vulnérable » pour les nitrates. Les pesticides sont en outre présents dans 75% des cours d’eau et la moitié des nappes souterraines, selon l’Institut français de l’environnement. Les agriculteurs, qui consomment 68% de l’eau utilisée en France, sont responsables de la plus grande partie des pollutions par les nitrates (émanant des élevages et engrais) et les pesticides. Ils acquittent 1% des redevances aux Agences de l’eau, qui leur versent 7 fois plus d’aides à la dépollution. La loi va ramener ce ratio à 2,5, explique le ministère de l’Ecologie. Le texte prévoit de transférer l’actuelle taxe sur les pesticides (TGAP phytosanitaires) payée par les fabricants d’engrais du budget de l’Etat aux Agences de l’eau, qui gèrent la dépollution par bassin.
La taxe (40 millions d’euros) sera prélevée au niveau des coopératives où les agriculteurs achètent les engrais. « Son montant apparaîtra sur la facture de l’agriculteur à côté de la TVA, ce qui aura un effet pédagogique », selon le ministère. In fine, les agriculteurs n’acquitteront pas de taxe supplémentaire, mais les Agences de l’eau toucheront un peu plus d’argent en provenance de l’agriculture. Le monde agricole contribuera pour 3 à 4% des redevances (60 millions d’euros sur un total de 1,8 milliard de redevances par an) contre 1% actuellement, selon le ministère.
Les ménages restent les plus gros contributeurs (82% au lieu de 86%), tandis que la part de l’industrie est stable (environ 14%).
« Sauf sursaut de la représentation nationale lors de l’examen du projet de loi, le scandale actuel, qui fait des ménages la vache à lait de la politique de l’eau et encourage les pollutions agricoles en refusant de faire payer les responsables, va continuer », s’indigne l’UFC-Que Choisir, très active dans le débat sur l’eau.
La loi « omet de s’attaquer à la question de la pollution par les nitrates », poursuit l’association de consommateurs. Elle renonce aussi à limiter la durée des contrats des grandes compagnies d’eau (20 ans actuellement), et à encadrer la part fixe dans la facture, déplore l’UFC.
Le ministère de l’Ecologie met en avant d’autres mesures: protection des eaux avec des bandes d’herbe le long des rivières, contrôle tous les 5 ans des pulvérisateurs de pesticides, obligation de maintien d’un débit minimal de 1/10e dans les rivières d’ici fin 2013. Cette mesure, qui vise à préserver les milieux aquatiques, est contestée par les opérateurs de barrages.
Le projet de loi, présenté début avril au Sénat, réforme aussi l’organisation de la pêche, en créant l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) à la place du Conseil supérieur de la pêche (CSP).