Avec ses 120 milions d’habitants, le Nigéria est le pays le plus peuplé d’Afrique. Indépendante depuis 1960, cette République Fédérale regroupe 36 Etats du Territoire et près de 200 ethnies.
L’économie du pays était autrefois basée sur une agriculture excédentaire qui permettait l’exportation de denrées et une relative prospérité. Mais dans les années 80, le revenu moyen par habitant est tombé de plus de 1000$ à moins de 300$. Dans le delta du Niger, la pollution est telle qu’elle est devenue dangereuse pour la vie des habitants, les rebellions, les violences policières, les meurtres, les exécutions et les « accidents » industriels ne se comptent plus. Pourquoi ? Parce que la région est assise sur une des plus fabuleuse réserve de pétrole au monde….
Le Nigéria est en effet le 7e producteur mondial pour 2 millions de barils produits chaque jour. Le pétrole est bien entendu exploité par des compagnies occidentales, en joint-venture ou sur la base d’autres accords avec l’Etat. Même si le Nigéria est membre de l’OPEP, il n’y a aucune obligation sur les sommes reversées au pays et surtout, il n’y a pas de contrôle sur la destination de cet argent. Ceci est (en grande partie) à l’origine de l’instabilité politique de ce pays où obtenir le pouvoir signifie mettre la main sur une source de revenu colossale !
La production est principalement concentrée dans le delta du Niger, au sud du pays. Cette zone marécageuse est peuplée de plusieurs ethnies qui exploitent la mangrove et quelques champs. Mais la pollution due aux fuites d’hydrocarbures est telle que la terre et l’eau souillées deviennent impropres à l’agriculture, à la pêche, à la consommation. L’air est saturé par le brûlage des gaz et les pluies acides achèvent de dénaturer les sols et la forêt. Cet état de fait pose des problèmes de santé publique mais aussi des problèmes sociaux car le chômage touche durement ces régions où les hommes ne peuvent plus travailler aux champs ou à la pêche.
Les revenus du pétrole représentent 65% du budget de l’Etat mais seulement 5% sont reversés aux régions productrices. En plus de tous les désagréments décrits plus haut, elles sont laissées dans un état de sous-développement par le pouvoir central. Pas d’eau potable, de routes, d’électricité, d’écoles ou d’hôpitaux dignes de ce nom… et des pénuries d’essence à répétition ! La population essaie donc de profiter de la manne à sa façon…en siphonant les pipe-lignes. On a dénombré 800 actes de vandalisme entre janvier et octobre 2000, soit une perte équivalente à 4 miliards de dollars pour l’année 2000. Cela donne une idée de l’ampleur du traffic, mais le prix est lourd : en octobre 1998, 1000 personnes furent tuées dans l’explosion d’une ligne, 250 personnes en juillet 2000, 60 en décembre 2000… .
Les actions de contestation se sont multipliées, parfois très violentes et réprimées avec une violence équivalente. En octobre 1995, la pendaison de l’écrivain écologiste Ken Saro-Wiwa et de huit de ses compagnons émeut la communauté internationale. Son procès truqué a valu aux Nigéria son expulsion du Commonwealth. Cependant la situation a continué à se dégrader au point que les compagnies ont parfois été obligées de baisser leur production et de rapatrier leurs employés.
Depuis 1999 (et l’éviction des régimes militaires), la situation s’est un peu améliorée. Les compagnies pétrolières et le gouvernement achètent un peu de paix sociale en participant au développement de la région. Des solutions écologiques seraient même à l’étude. Il est légitime de penser que cette pacification n’est pas étrangère à l’intérêt que succite aux Etats-Unis la découverte de gigantesques réserves dans le golfe de Guinée. Les Etats-Unis cherchent en effet à prendre de la distance avec leur allié traditionnel, l’Arabie Saoudite. Il leur faut donc trouver de nouvelles resources (Irak) plus accessibles (Afrique). Dès mars 2000, les pétroliers américains avaient fait savoir leur intention d’investir dans la région. Les visites en afrique de C.Powell et G.Bush en 2002 n’avaient d’autre but que d’approcher des chefs d’Etat–partenaires potentiels. Au Nigéria, le pétrole se trouve au sud. Un Etat indépendant au sud, débarrasé d’un gouvernement central qui prélève d’énormes royalties et dont l’incurie a mené à des baisses de productions serait idéal pour les compagnies pétrolières. Cette perspective a sans doute pesé dans l’assouplissement de la politique du gouvernement central, ainsi probablement que d’autres propositions des Etats-Unis.
On peut dès lors craindre que cet apaisement ne durera que le temps de satisfaire les besoins des pétroliers. Avec les problèmes d’une agriculture qui peine à nourrir une population en plein accroissement, la radicalisation des islamistes du nord et les batailles pour le pétrole qui se préparent, la marge de mannoeuvre pour une paix définitive est bien mince.
Sources/Liens :
– Le nigéria et le pétrole, l’article résumé
– Article très complet mais en anglais : http://www.eia.doe.gov/emeu/cabs/nigeria.html
– Les multiples fractures du Nigéria par Joëlle Stolz, Le Monde diplômatique, février 99 : http://www.monde-diplomatique.fr/1999/02/STOLZ/11638
– La colère des communautés du delta, Afrique Relance (Nations Unies), juin 99 : http://www.un.org/french/ecosocdev/geninfo/afrec/vol13no1/deltafr.htm
– Le pétrole : atout économique à double tranchant, Afrique Relance (Nations Unies), juin 99 : http://www.un.org/french/ecosocdev/geninfo/afrec/vol13no1/petrole.htm
– Offensive sur l’or noir africain par Jean-Christophe Servant, Le monde diplomatique, janvier 2003 :
http://www.monde-diplomatique.fr/2003/01/SERVANT/9856?var_recherche=nigeria