Après plusieurs siècles où la science, le modèle de développement économique et les développements technologiques qui en découlaient ont enchanté et fait rêver le monde, du moins le monde occidental, voici que mille embûches se dressent pour que ces « progrès » soient devenus contestables, sujets à caution, en raison de leur impact grave aux conséquences irréversibles sur notre biotope.
Dilemme à tous les étages ou les enjeux d’un nouveau modèle de développement
La poursuite de la conquête spatiale ne fait plus rêver que les spécialistes. Traitée longtemps comme un univers où tout pouvait être permis, notre planète est bel et bien minuscule dans l’univers incommensurable, ne pouvant absorber les déséquilibres causés par une activité humaine débridée en quête de « toujours plus » pour finalement être en passe de devenir inhospitalière au « vivant ».
Par-dessus le tout, la répartition des commodités voire du bien-être qui résultent de cette agitation humaine, est la source d’une injustice toujours plus grande entre ce qui revient à quelques « élus » bienheureux et la majorité restante (1).
Un paradigme de développement dépassé
Le monde occidental vit toujours selon le modèle de développement issu des travaux d’économistes libéraux des siècles passés… Un modèle de développement qui n’a de sens que pour une planète aux ressources infinies, capable de compenser des effets collatéraux de plus en plus nocifs.
En effet les hypothèses émises autant par nécessité intellectuelle que par hasard qui ont servi de fondation aux travaux des penseurs et autres scientifiques s’avèrent désormais mal inspirées.
Rappelons ici le pari de l’économisme anglais Adam Smith qui confiait à une « main invisible » le soin de répartir de façon optimale la richesse produite par une activité humaine guidée par les intérêts individuels…
Dans le même temps et de leurs côtés, les avancées de la médecine se chargeaient de faire passer l’humanité d’une démographie mondiale relativement et naturellement contenue à une démographie exponentiellement et redoutablement croissante.
Technologies et disparition du patrimoine naturel
Quant aux retombées technologiques de la science, certaines d’être sur la voie d’un progrès indéniable pour la condition humaine qui ne pouvait que durer indéfiniment, la question du long terme ne se posait pas. Il fallait aller de l’avant et au plus vite ! On sait combien les guerres ont pu booster les innovations techniques chez les belligérants !
Certes, depuis Galilée (à qui on attribue cette découverte, mais qui en réalité vient des Grecs avec notamment Platon environ six siècles avant J.C.) », la Terre n’est pas plate mais ronde… Donc de dimensions finies.
Mais, souvent partis d’Europe et depuis le seizième siècle, « routiers et capitaines… » découvraient des continents et cela suffisait à compenser les incertitudes sur la forme et les bornes de notre milieu naturel. Et ces découvertes territoriales n’allaient pas être entachées de scrupule. Tout était bon à prendre là où on arrivait. Pas question de tergiverser sur le futur lointain.
Pillage et gaspillage, éradication des occupants en place si nécessaire, faisaient partie de la mission de conquistadors soutenus par des monarques en quête de nouveaux territoires et autres richesses pour asseoir leur pouvoir et préparer de nouvelles guerres !
Croissance et énergie : le hiatus
Depuis l’ère industrielle, on sait la forte corrélation entre développement économique et consommation d’énergie, avec d’abord le recours, et sans compter, à l’énergie fossile puis maintenant aux énergies alternatives partout où il y a possibilité de substitution (2).
Mais on sait moins souvent que le transport restera très longtemps encore, et pour des raisons très techniques (possibilité de stockage embarqué notamment) tributaire de la seule énergie fossile. En effet, et encore aujourd’hui, on voit mal comment les aéronefs pourront un jour se passer des hydrocarbures ! Et cela bien que des rejets de gaz à effet de serre en altitude aient toutes les chances d’être plus impactant sur le réchauffement de la planète que les mêmes gaz émis au sol. Il faut d’abord que vivent les avionneurs…
Quant aux énergies alternatives et renouvelables, leur disponibilité est par nature aléatoire, pour le vent, le soleil, voire limitée car les filières concernées nécessitent plus de minerais et métaux que les systèmes traditionnels pour leur mise en œuvre (3).
Reste également pour les énergies alternatives le problème récurrent du stockage de l’électricité produite. (On n’est plus au temps des moulins à vent !).
…
Non, on n’est pas prêt à renoncer à cette manne pétrolière encore abondante sous ce qu’il reste de calottes glacières. Et plutôt que d’y renoncer et s’il le faut, on acceptera de porter le masque à gaz…
Ainsi, en 2015, le poids des charbon, pétrole et gaz représentait toujours 86% de la consommation globale mondiale d’énergie, contre 88% en 1990 ! (4)
Des perspectives désastreuses
Tant pis pour l’effet de serre et le réchauffement de la planète et tous les drames déjà vécus et encore plus pour ceux à venir.
Si personne ou presque ne conteste plus l’implication de l’activité humaine dans des dérives climatiques que les spécialistes se complaisent souvent minimiser, l’arrêt complet de nos activités ne suffirait pas pour inverser les tendances (5).
À observer ici que les prévisions du réchauffement de la planète du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sont implicitement corrélées avec l’importance de l’activité humaine par le biais des différents scénarios économiques envisagés. Il reste à évaluer le coût des conséquences dramatiques en tous genres en vue de comparer les bilans différentiels. Vaste chantier pour les membres du GIEC et autres prévisionnistes !
Par ailleurs, le même GIEC prévoit un mètre de montée du niveau de la mer, lié principalement à la fonte des glaces, elle-même fonction du réchauffement de la Terre durant ce siècle. Alors, ne pas passer sous silence, les drames humains programmés pour les populations littorales des régions du monde les plus vulnérables comme celles du Golfe du Bengale, de Thaïlande, pouvant concerner des Etats entiers (la Malaisie par exemple) et bien sûr celles des régions marécageuses, des polders, sans oublier nos chères îles à fleur d’eau…
Tant pis pour l’acidification croissante des océans qui captent de l’ordre d’un quart des émissions de CO2, mettant ainsi en péril la biodiversité, d’abord aquatique, puis, chaîne alimentaire oblige, terrestre…
Sans oublier les ravages des pesticides… Sans oublier les pertes de patrimoine planétaire ancestral et non renouvelable nécessaire à la production desdites richesses, réelles ou virtuelles, qu’exige notre modèle de développement (5).
En raccourci et si rien ne change, l’occasion de mille conflits en perspective! Fabricants d’armes restez vigilants, l’avenir vous appartient !
La course aux prix bas dans un contexte de libre échange mondialisé : un défi dévastateur (6).
Voulant la vache et l’argent de la vache, l’homme n’a pas eu de mal à s’adapter à la société de consommation et comme corollaire il est plus que jamais son meilleur soutien malgré le gaspillage qu’elle induit. Et vive la course aux prix toujours plus bas ! Cela dans tous les domaines.
Pensant que cette stratégie lui est favorable, il en veut, il y croit jusqu’au jour où, à son tour, après beaucoup d’autres, il est prématurément mis hors jeu, chômeur, victime.
Cette course est exacerbée par le libre échange entre des pays et régions du monde où les conditions de la production ne sont guère comparables. Un libre échange boosté par des coûts de transports qui continuent à bénéficier de carburant détaxé. Merci au législateur qui en est encore aux dispositions prises au lendemain de la deuxième guerre mondiale pour soutenir le commerce mondial et développer le trafic aérien l
À contrario, et bien qu’ayant de nombreux atouts, le commerce de proximité a du mal à trouver sa place. Y aurait-il crainte d’un repli sur soi ou un lobbying trop efficace chez les défenseurs du commerce mondial (et autre OMC) ? Probablement les deux !
Exclusion versus partage
En dehors de culture illustrée ici par l’exemple de la culture nippone, d’inspiration bouddhiste, pour laquelle l’effort de chacun est toujours et d’abord tourné vers l’autre, pour laquelle la réussite ne peut être que collective (et seul l’échec une affaire relevant de l’individu), le modèle occidental judéo-chrétien loue d’abord la performance individuelle même si, aujourd’hui exacerbée, elle peut devenir collectivement nocive. Et la compétition dans le sport comme dans les affaires est aujourd’hui féroce outre passant les comportements animaliers qui, eux, se justifient par l’instinct de survie.
Alors, n’est-il pas temps de mettre notre intelligence collective au service d’un vrai challenge sociétal, avec des défis d’entreprise nouveaux, intégrant le long terme, visant un partage équitable de résultats réels, partageant le travail.
Illusions perdues ?
Siècles des lumières, développements nés des sciences et techniques, progrès économique et social, bien-être matériel tous azimuts, gaz à tous les étages pour singer notre titre ! OK ! Mais voila que les fondations de l’édifice ne tiennent plus, le plancher est vermoulu, nos défis et particulièrement depuis la fin de la deuxième partie du vingtième siècle sont compromis tandis que le manque de justice dans la répartition des chances et des richesses,, rend de plus en plus fous et menaçants les exclus.
Alors, rappelons avec force et conviction, avec Rabelais, que « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Quand la démocratie paralyse…
Le modèle socio-économique que nous connaissons en Occident et qui inspire les pays en voie de développement ne connaît pas vraiment d’alternatives susceptibles d’être validées par une majorité de citoyens.
L’espèce humaine a peur de l’inconnu et aujourd’hui dans les pays les plus avancés s’en préserve par de multiples assurances. Alors comment prendre des décisions radicales dans une démocratie?
Un long chemin nous attend. Il passe par de nouvelles valeurs éthiques, une nouvelle culture, celle du partage…
En attendant, commençons par partager le rêve de John Lennon (selon son célèbre « Imagine » ) : rêve de gens vivant en paix, une vraie fraternité humaine, partageant tout, dans un monde uni, sans pays, sans paradis, sans enfer, sans possession, sans religion, sans raison de tuer ou de mourir…
Rémi Guillet (octobre 2017)