Développement durable : Recherche énergie propre pour liaison longue durée
par Yves Martin, L’Argus de l’Automobile, 6.2.2003
Qu’est-ce qui va succéder au pétrole dans le coeur de nos automobiles ? Si plusieurs systèmes sont sur les rangs, aucun n’arrive à s’imposer, tant le défi est difficile à relever.
La problématique des transports
Devenu un outil indispensable, le transport est traqué par son ennemi n° 1, la pollution. En effet, la production sans cesse croissante de dioxyde de carbone (C02), responsable de l’effet de serre qui engendre le réchauffement de la planète, est devenue une question environnementale majeure. C’est pourquoi un grand nombre de pays industriels – à l’exception des Etats-Unis — ont signé, en 1997, l’accord de Kyoto, dans lequel ils s’engagent à diminuer leur production de C02.
Après cette convention, les autorités européennes ont instauré des normes antipollution draconiennes pour l’automobile.
Toutefois, la limitation des émissions polluantes des voitures n’est pas une finalité en soi. En outre, comme le souligne Pierre Zerlauth, coordinateur technique lors du Challenge Michelin « les polluants locaux (NDLR : au niveau de la voiture elle-même) sont mieux maîtrisés ». La pollution engendrée par la chaîne de production — du stockage à la distribution de l’énergie utilisée dans la voiture — doit également être prise en compte. On parle alors de bilan énergétique global, c’est-à-dire de la pollution « du puits à la roue ».
« Du puits à la roue »
Des études ont été menées sur différentes sources d’énergies afin de déterminer la plus avantageuse en matière de réduction des émissions de C02.
Parmi celles-là, se trouvent le GPL (gaz de pétrole liquéfié), le GNV (gaz naturel pour véhicules), l’électricité, l’hydrogène (soit utilisé comme carburant, soit dans une pile à combustible).
Cependant, comme le souligne Philippe Pinchon, directeur du centre de résultats moteurs-énergie de l’IFP (Institut français du pétrole) : « Lorsque l’on parle de bilan énergétique, il faut tenir compte de quatre facteurs : l’effet de serre, le rendement énergétique, le coût et la disponibilité de l’énergie. »
C’est là que ça se complique ! Prenons comme exemple le moteur électrique : le plus respectueux de l’environnement qui soit. Selon le mode adopté pour la production d’électricité, le bilan écologique peut se révéler désastreux. Par exemple, celle produite en Allemagne, issue de centrales thermiques fonctionnant au charbon, affiche un bilan négatif avec une production de C02 de 460 grammes par kilowatt par heure, ce qui correspond à peu près à la moyenne européenne. A l’inverse, l’électricité produite par les centrales nucléaires françaises n’émet que 100 g/kWh. Le bilan le plus désastreux est celui de la Grèce où la production d’électricité engendre environ 900 g/kWh de C02.
En suivant ce raisonnement, on s’aperçoit que l’utilisation d’une pile à combustible n’est pas aussi écologique que cela.
En effet, deux méthodes existent pour produire de l’hydrogène, carburant de base d’une pile à combustible : soit on l’engendre à bord du véhicule, via un reformeur ( appareil qui extrait l’hydrogène d’hydrocarbures ), soit il est issu des centrales puis distribué comme un carburant classique (sous forme gazeuse ou liquide). Si la première solution réduit la production de C02, elle émet bien d’autres polluants nuisibles à l’environnement du fait de la non complète maitrise du reformage. C’est pourquoi il est préférable de produire l’hydrogène dans une centrale ou le procèss est mieux maîtrisé, mais dans ce cas le problème ( insolvable ?) de la distribution et stockage de l’hydrogène se pose.
En se référant au tableau des émissions de C02 ci-dessous, on remarque que l’utilisation d’hydrogène liquide n’offre aucun intérêt.
En effet, l’énergie nécessaire pour liquéfier le gaz est importante et augmente de 50 % la production de CO2 de cette filière. L’avantage revient donc à l’utilisation d’hydrogène comprimé. Encore une fois, selon le pays et la source d’extraction, le bilan varie d’un extrême à l’autre. Ainsi,le meilleur résultat est obtenu lorsque l’on produit de l’hydrogène à partir du gaz naturel en utilisant de l’électricité en provenance c centrales nucléaires françaises. Cette solution présente toutefois l’inconvénient d’un prix de revient exorbitant, de 24 à 29 EUR le gigaJoule (contre 7 EUR/GJ pour la production et la distribution du super sans plomb 95 et 98, et 6 EUR/GJ pour le gazole, et 13 EUR/GJ pour le GPL).
La solution est donc d’associer plusieurs solutions afin de tirer le maximum d’avantages de ces filières.
Ainsi, la voiture qui offrirait le meilleur rapport entre le coût, la pollution et l’efficacité devrait adopter une motorisation hybride Diesel et moteur électrique avec une batterie de grande capacité (capable de stocker beaucoup d’énergie) et dotée d’une pile à combustible alimentée à l’hydrogène comprimée. L’unique voiture hybride commercialisée en France (NDLR : à un prix encore très élevé), la Toyota Prius est encore très éloignée de ce raffinement.
Tableau comparatif des technologies des transports ( cliquez pour agrandir )
Diesel ; Diesel FT gazole Fischer-Tropsch (gazole de synthèse) ; DME diméthyl-éther (carburant de synthèse) ; EMVH esters méthyliques d’huiles végétales : essence ; ETBE éthyl-tertio-butyl-éther (issu de la fermentation du sucre de betterave ou du maïs et du pétrole) ; éthanol EtTOH ; gaz naturel ; GPL ; H2 combustible ; H2 comprimé ; H2 liquide ; méthanol MeOH ; essence
L’inquiétante augmentation de C02
Depuis un siècle, l’effet de serre a tendance à s’emballer, provoquant une hausse générale des températures, via l’augmentation du dioxyde de carbone (C02) contenu dans l’atmosphère. A lui seul, ce gaz est responsable de la moitié de ce phénomène.
La concentration de C02 est aujourd’hui supérieure de un quart à ce qu’elle était au siècle dernier. Un niveau de pollution jamais atteint au cours des 600 000 dernières années.
Ce dioxyde de carbone provient essentiellement de l’utilisation des combustibles fossiles (charbon, fuel, gaz naturel) dans différents secteurs d’activité : industrie, énergie et transports. Ces derniers représentent plus de un quart des émissions de C02 dans les pays industrialisés, et cette proportion ne cesse d’augmenter. Les nombreuses perspectives tracées par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoient une forte augmentation des émissions totales de C02 dans la prochaine décennie : entre 31 % et 42 %…
De Rio à Kyoto, une lente évolution
En juin 1992, à Rio de Janeiro, 178 pays et 50 entreprises internationales s’engageaient en faveur du développement durable et signaient une convention visant à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre, toutes sources de production confondues (plan d’action international appelé Agenda 21). Cette convention cadre recommandait alors aux pays développés de ramener leur niveau d’émissions à celui de 1990.
Trois ans plus tard, à Berlin, les Etats se sont engagés dans un nouveau processus devant aboutir à la réduction des émissions de C02. Un protocole a été adopté en décembre 1997 à l’issue de la conférence de Kyoto. Seuls les Etats-Unis ne l’ont pas signé.
L’Union européenne, pour sa part, s’est engagée à réduire de 8% sa production de CO2 d’ici à 2010. Cette baisse sera répartie suivant les niveaux d’émission relevés en 1990 dans les différents pays membres, leur besoin de développement et leur démographie. Ainsi, l’objectif pour l’Allemagne est une baisse de 21%, celui de la Grèce, une augmentation limitée à 25%, et celui de la France, l’égalité.
Le parc d’automobiles représente environ 12% de la production totale de CO2 d’origine humaine du continent, et 2% à l’échelle mondiale. En 1995, une voiture européenne neuve en émettait 165 g/km, contre 191 g/km pour une japonaise, et 260 g/km pour une américaine.
En juillet 1998, l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) a pris un engagement vis-à-vis de la Commission européenne. Celui-là inclut un double objectif. Dans un premier temps, l’Association s’est engagée à produire des voitures destinées au marché européen dont les émissions de CO2 n’excéderont pas 120 g/km en 2012 ( soit une consommation moyenne de 4,9 l aux 100 km ). Elle s’est ensuite engagée à respecter un palier intermédiaire pour les voitures vendues en 2008, avec un niveau moyen d’émission de CO2 de 140 g/km, soit une consommation moyenne de 5.7 l aux 100 km.
En savoir plus sur les piles à combustible
– Article comparatif de Sciences et Avenir
– Etude de cogénération avec une pile à combustible