Les études sur l’ampleur sanitaire de la catastrophe de Tchernobyl divisent. Exagérées ou minimisées, elles servent les objectifs des anti et des pro-nucléaire. Seule certitude, il n’existe aucun état des lieux sanitaire exhaustif depuis l’explosion.
A la veille de la date anniversaire de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, la polémique sur ses conséquences sanitaires a repris de plus belle. En ligne de mire: le bilan établi par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) en septembre.
Leurs experts ont conclu à près de 4 000 le nombre de morts dues aux cancers induits par les radiations, parmi les «liquidateurs» (pompiers, soldats et civils réquisitionnés pour «sécuriser» la zone) et les habitants des zones touchées que sont l’Ukraine, la Belarus et la Russie. Ces projections officielles ont suscité de vives réactions. A commencer par celles des organisations de défense de l’environnement qui ont contre-attaqué en présentant leurs propres évaluations. Ainsi, selon un rapport de Greenpeace, le nombre de décès potentiels dus aux cancers serait plus proche des 93 000. Par ailleurs, selon une étude scientifique britannique, rendue récemment publique à Kiev, le nombre de décès liés à Tchernobyl devrait atteindre entre 30 000 et 60 000. L’impact sur la santé mentale et psychique des populations touchées est aussi pris très au sérieux, d’autant que 5 millions de personnes résident toujours dans les zones contaminées.
Manipulation des chiffres?
Difficile de s’y retrouver devant cette guerre des chiffres, chacun accusant l’autre de manipulation. «Les chiffres de l’AIEA et de l’OMS ne peuvent être que faux car ils proviennent de données épidémiologiques parcellaires. Il n’existe aucun recensement exhaustif sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl en matière sanitaire», explique le professeur Angelina Ivanovna, présidente de l’association «Physiciens de Tchernobyl». «Publier des prévisions aussi basses présente surtout un intérêt pour le lobby nucléaire; cela contribue à minimiser l’impact de Tchernobyl dans l’opinion publique. Je ne vois pas d’autres explications car, à ce jour, il est impossible de dire combien de personnes sont décédées directement des conséquences de l’explosion, ni combien risquent de mourir dans les mois et années à venir». Et d’évoquer aussi les centaines de milliers de «liquidateurs» qui ont été renvoyés chez eux, dans l’ex-URSS, sans que l’on sache ce qu’ils sont devenus.
Par ailleurs, l’AIEA et l’OMS ne prendraient pas en compte les autres victimes avérées mais aussi à venir d’un nuage radioactif qui a au moins touché tout l’hémisphère Nord. «Le rapport ne tient en effet pas compte des hausses de cancers de la thyroïde enregistrées par exemple en Bulgarie ou en Tchéquie et qui pourraient être imputables à Tchernobyl», note Angelina Ivanovna. Enfin, soulignent encore les détracteurs du rapport, ce dernier ne peut que spéculer sur la situation en Belarus – qui a reçu 70 pc des retombées radioactives – sur laquelle pèse encore une chape de plomb.
Alarmiste ou minimaliste, il y a fort à parier que nul ne saura jamais établir le nombre exact de victimes dues à la catastrophe de Tchernobyl. «Ce n’est d’ailleurs pas la question. Exagérer ou minimiser, cela reste une question de stratégie. En son temps, surestimer les effets de Tchernobyl avait aussi pour but de favoriser la générosité financière du G 8», se rappelle Angelina Ivanovna.
Note d’econologie : devant ces faits et la partialité flagrante de l’AIEA, il est légitime s’inquiéter sur la position de la l’AIEA dans la crise iranienne actuelle.
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